Une nouvelle drogue se répand de façon inquiétante en Afghanistan. Il s’agit d’un mélange de méthamphétamine et d’opioïdes, première drogue de ce type au monde.
Selon les experts de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, ces pilules vendues dans la rue sous le nom de « tablet K » marquent une nouvelle ère dans la production de stupéfiants. En effet, certaines d’entre elles contiennent à la fois des drogues stimulantes et des dépresseurs. Ce comprimé représente également une étape supplémentaire dans l’expansion d’un marché de drogues synthétiques peu chères chez les populations les plus pauvres au monde.
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À quoi ressemblent ces fameux comprimés K ? À des pilules d’ecstasy colorées faites à l’arrache. En plus des habituels logos, comme la tête de Donald Trump, le logo Rolex ou celui de Tesla, certains lots de comprimés K ont été estampillés du nom de la série Netflix La Casa De Papel, et affichent le célèbre visage masqué sur l’une de leurs faces. Ces pilules se vendent entre 3,5 et 15 euros pièce.
Si depuis 2016 leur popularité n’a cessé de croître, notamment chez les jeunes Afghans, on avait jusqu’à présent peu cherché à savoir ce qu’elles contenaient.
Mardi dernier, le bureau des drogues de l’ONU a publié les résultats d’une analyse médico-légale de 536 de ces pilules, saisies en 2020 et 2021. On y apprend que si elles étaient toutes commercialisées sous le même nom de « comprimé K », leur composition se répartissait cependant en trois types.
Parmi les pilules testées, 42 % contenaient principalement de la méthamphétamine, 23 % de la MDMA et 32 % le mélange « surprise » de méthamphétamine et d’opioïdes. Si les opioïdes trouvés dans ces pilules étaient le plus souvent de l’héroïne, il s’agissait parfois de tramadol, un analgésique opioïde synthétique.
Bien que les comprimés infusés de MDMA soient généralement vendus plus cher que ceux contenant de la méthamphétamine ou de l’héroïne, le rapport indique qu’il n’y a pas de lien évident entre les aspects visuels des comprimés et la présence d’une certaine drogue en particulier. Ce qui veut dire que les personnes qui achètent ces comprimés sont impliquées dans une sorte de roulette russe de la défonce, et peuvent aussi bien se retrouver sous l’effet de la méthamphétamine, de la MDMA ou d’une combinaison de méthamphétamine et d’héroïne. Une pilule sur dix contenait également du sildénafil, mieux connu sous le nom de Viagra.
« La présence d’une drogue illicite sous forme de comprimés contenant à la fois de la méthamphétamine et des opioïdes nous pousse à repenser la consommation et l’offre de drogues en Afghanistan et au-delà », indique le rapport. « L’identification d’opioïdes dans un grand nombre d’échantillons [contenant de la méthamphétamine] était inattendue. »
Mélanger des drogues stimulantes et des opioïdes dans un même shoot, c’est ce que les consommateurs d’héroïne font depuis des décennies avec les speedballs. Ils achètent de la coke ou du crack ainsi que de l’héroïne, et s’injectent ou sniffent les deux en même temps. Si ces deux types de drogues agissent normalement dans des directions opposées, des études ont pourtant démontré que la prise d’un speedball peut potentialiser les effets attendus des deux drogues, générant ainsi une défonce plus extrême. À un tout autre niveau, on retrouve également ce mélange de substances stimulantes et de dépresseurs dans les Vodka Red Bull et Espresso Martini.
Néanmoins, les spécialistes du commerce de la drogue rencontrés par VICE World News ont déclaré qu’ils n’avaient encore jamais vu un tel produit contenant les deux types de drogues et directement prêt à l’emploi.
« Je n’ai jamais entendu parler de telles combinaisons dans des comprimés sur les marchés de la drogue, que ce soit en Europe ou ailleurs », a déclaré Andrew Cunningham, responsable des marchés de la drogue et de la criminalité à l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Il a ajouté que jusqu’à présent, ce type de comprimés « semblait être un phénomène local sur le marché afghan » et qu’il s’agissait probablement de produits bon marché destinés à la population afghane.
Entre mars 2020 et mars 2021, les autorités ont saisi 80 kg de ces comprimés (environ 160 000 pilules), soit le double de la quantité saisie l’année précédente. En 2020, une enquête menée auprès des jeunes a révélé que, pour la première fois, la consommation de comprimés K était supérieure à celle de méthamphétamine. Cette drogue est pourtant très répandue en Afghanistan, le pays étant devenu un véritable centre de production de meth.
Selon le rapport, les comprimés K se concentrent à la fois dans les zones urbaines et rurales de l’Afghanistan, avec une forte prévalence dans les régions de l’Est (à la frontière du Pakistan) et du Nord-Est (à la frontière du Tadjikistan), où la consommation est deux à trois fois supérieure à la moyenne. Des installations de production du comprimé K ont été détectées à Kaboul et à Kunduz, mais il a également été rapporté que les pilules faisaient l’objet d’un trafic depuis Peshawar au Pakistan et depuis le Tadjikistan.
L’analyse des comprimés K a révélé que les pilules contenaient 26 substances différentes au total. Outre la méthamphétamine, l’héroïne et la MDMA, les analystes ont trouvé une pléthore de produits pharmaceutiques bon marché tels que la caféine, le carisoprodol (un relaxant musculaire), la chlorphéniramine et la diphénhydramine (antihistaminique), le dextrométhorphane (antitussif), le propranolol (bêtabloquant), le diazépam, le sildénafil, le paracétamol, le tramadol, la chloroquine (antipaludéen) et le tinidazole (antiprotozoaire).
« Le fait que l’Afghanistan devienne un centre de fabrication de drogues synthétiques n’apparaît donc plus comme inenvisageable. Il ne s’agit que du dernier exemple en date d’une économie de la drogue auparavant largement basée sur les plantes qui se lance dans la fabrication de drogues synthétiques », indique le rapport.
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