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À la gloire de « Don’t Look Any Further » de Dennis Edwards

Quel est le point commun entre Snoop Dogg, Hot Since 82 et William Pitt ? Aucun. Bonne réponse. En réalité, le seul lien qui unit une icône des Baléares, le stoner préféré de tous les stoners et un type qui, à mon avis, passe aujourd’hui son temps à faire la fête sur un voilier le long de la côte croate n’est autre que Dennis Edwards, le chanteur des Temptations.

Mais ça, vous ne le savez probablement pas, à moins que vous ne soyez un grand fan du groupe de Détroit – et si vous ne l’êtes pas, vous devriez le devenir, car ils se classent aisément aux côtés de Prefab Sprout dans la catégorie du meilleur groupe de tous les temps. Si vous cumulez les printemps en revanche, vous savez peut-être qu’Edwards est connu pour un truc qui n’a rien à voir avec son excellent boulot chez les Temptations – et pourtant, Dieu sait que c’est du génie. Vous connaissez sans doute mieux Dennis pour ce titre inoubliable qui a marqué la pop culture à tout jamais depuis sa première sortie en 1984.

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Cet arrangement sombre, ondoyant et captivant, impossible à oublier une fois entendu, est sorti du cerveau de Paul « doigts de fée » Jackson Jr, un guitariste de Los Angeles. Le nom de Jackson Jr – qui a travaillé avec Elton John, Lionel Richie et son homonyme Michael (oui, c’est lui que vous entendez sur « Beat It ») – ne doit pas vous être familier, et ce, malgré sa longue et fructueuse carrière. Et pourtant, Jackson Jr s’est plus d’une fois retrouvé en studio avec Dennis Edwards. Lors de leur session la plus fructueuse, il en a résulté « Don’t Look Any Further », un morceau au combien libidineux sorti sur le label Motown.

Avant d’aller plus loin – pardon de vous infliger ça – je me dois de commenter le magnétisme animal que dégage Edwards dans ce clip pourtant très cheap (même pour l’époque). Accompagné de la chanteuse Siedah Garrett (dont le CV est aussi long que celui d’Edwards), le duo plane devant ce qui semble être une resplendissante toile de fond représentant Los Angeles. Ce bon vieux Dennis a le regard électrique, il sautille et grogne – on assiste à un véritable rite de rut et à un machouillage de chewing-gum insensé qui fera date dans l’histoire de l’industrie musicale. Le tout respire une sorte de confiance mêlé d’un sentiment de puissance rarement aussi bien retranscrit que dans cette vidéo.

Malheureusement, nous ne sommes pas là pour analyser l’élégance vestimentaire de Dennis Edwards. Non, nous sommes là pour essayer de comprendre comment cette ligne de basse s’est frayé un chemin dans l’histoire de la musique. La série de notes rondes et majestueuses, rejointe ensuite par un synthé extatique, rivalise avec n’importe quelle autre ligne de basse que vous ayez déjà pu entendre. Elle surclasse « Everybody Dance » de Chic et « All Night Long » des Mary Jane Girls dans la catégorie « chansons complètement dominées par leur ligne de basse incroyablement bonne ». Et c’est sans doute pour ça qu’elle a été samplée 77 fois. Oui, soixante-dix-sept autres chansons ont repris la séquence devancière de Jackson Jr.

Pensez-y – 77 chansons avec la même ligne de basse passent simultanément sur notre honteuse petite planète. Je ne suis pas statisticien, mais j’imagine que vos chances de tomber dessus sont extrêmement élevées. Doit-on s’en réjouir ? Une ligne de basse de classe mondiale peut-elle suffire à sauver une chanson décente ?

Afin de le savoir, j’ai écouté ces 77 chansons jusqu’à avoir envie de sauter tête la première par la fenêtre du douzième étage. Bien sûr, certaines d’entre-elles sont vraiment bonnes – tout le monde adore « Paid in Full » et « City Lights », car ces deux chansons sont incontournables, et plus important encore, elles utilisent cette ligne de basse à bon escient : elle devient la base d’un plan plus vaste, plutôt qu’une simple voiture volée dont on aurait changé la plaque. Mais le reste ?

Eh bien, la réponse à cette question est tout simplement non. Ce que j’ai découvert en fouillant dans ces disques anonymes dont personne n’a jamais rien eu à foutre, c’est qu’un bon élément ne suffit pas à faire une bonne chanson. L’entrée de Snoop dans le panthéon est à oublier, c’est le moins que l’on puisse dire, sans parler de Hot Since 82, qui parvient à transformer une ligne de basse qui sent la libido à plein nez en un truc encore plus insipide que la série de films xXx (et j’adore Vin Diesel). Pour ce qui est du reste, on tombe dans une masse homogène de funk et de swing beat des années 90 – une colonie de morceaux hip-hop génériques (exit « Hit Em Up » qui restera un tube bis éternel) et câlins aux paroles beaucoup trop sentimentales car non accompagnées d’un mâchage démoniaque de chewing-gum.

Il était naïf de croire que la bass line de Jackson Jr allait bénir les morceaux de chaque artiste qui l’aurait samplé. Comme on dit, on ne peut pas transformer le plomb en or. Je ne peux pas, vous non plus, et même Paul Jackson Jr ne le peut. Hélas. Mais finalement, pourquoi irions nous regarder plus loin, quand nous avons « Don’t Look Any Further » à portée de main ?


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