Bientôt, le type qui livre votre pizza sur le pas de votre porte pourrait bien vous apporter votre pilule contraceptive ou un médicament anti-HIV. Nurx, une application lancée en décembre, simplifie l’accès à la contraception en livrant aux américains, soit par courrier prioritaire, soit par Postmates, la pilule ou l’anneau vaginal dont ils ont besoin en quelques heures seulement. Dans les prochaines semaines, elle proposera également d’acheminer la Prep (prophylaxie pré-exposition), un traitement anti-VIH qui permet aux personnes séronégatives de réduire le risque de contamination lors de rapports sexuels non protégés.
Nurx rend la délivrance de médicaments extrêmement facile : l’utilisateur se connecte à l’application, demande le médicament dont il a besoin, vérifie son prix, puis le reçoit par courrier ou par colis. Elle a commencé de livrer des pilules contraceptives la semaine dernière dans la ville de New York, avec beaucoup de succès.
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Se procurer la Prep est bien plus difficile cependant. Dans la plupart des États américains, il n’est besoin que d’une prescription médicale pour obtenir la pilule (certains, comme la Californie et bientôt l’Oregon, la proposent en vente libre). Il faut cependant effectuer un test HIV pour pouvoir acheter la Prep, puis des tests sanguins tous les trois mois. Nurx a donc tissé un partenariat avec LabCorps un service de tests biomédicaux, afin de pouvoir recevoir le résultat des tests sanguins directement et valider la commande.
Commercialiser un médicament qui exige des fréquentes visites médicales à l’aide d’un modèle de livraison à distance peut sembler un peu hasardeux. Pourtant, cette stratégie paraissait évidente à Hans Gangeskar, le co-fondateur de Nurx, qui espère rendre la Prep plus accessible. « Nous pouvons contribuer à régler un problème sanitaire très complexe grâce à la télésanté, » explique-t-il.
La « télésanté » est le buzzword utilisé par l’industrie biomédicale pour désigner les services qui, comme Nurx, rendent des médicaments ou des services accessibles aux patients sans l’intermédiaire d’un médecin ou d’un pharmacien. Aux Etats-Unis, ce système est en pleine expansion. Il a rapporté plus de 9,6 milliards de dollars en 2013, et devrait atteindre les 38,5 milliards de dollars d’ici 2018, selon une étude de Ken Research.
Gangeskar et le co-fondateur Edvard Engesæth affirment que la mise à disposition de la Prep ne représente pas seulement un défi commercial et technique à leurs yeux. « Nous pensons que les services médicaux traditionnels laissent de nombreux patients de côté, » explique Gangeskar. « Le Truvada est disponible depuis 2012 mais il n’a pas encore touché les populations qui en ont le plus besoin. Nous pouvons faire la différence et montrer l’utilité de la télésanté. »
La Prep est une solution relativement nouvelle. En outre, certains docteurs montrent quelques réticences à la prescrire. « Les patients vont de médecin en médecin, sans pouvoir obtenir une prescription, » ajoute-t-il. « Certains médecins pensent que la prévention du HIV ne fait pas partie de leurs missions et qu’ils ne sont pas compétents pour recommander ce genre de médicaments. Ils renvoient donc leurs patients à des médecins spécialistes de l’épidémiologie et des IST. Cela retarde la prise du traitement et les expose davantage à une infection au HIV. »
L’accès aux médicaments anti-HIV peut être particulièrement difficile pour les populations très exposées, comme les toxicomanes qui prennent des drogues par injection. Gangeskar pense que Nurx peut les intéresser, même s’ils ne possèdent pas de smartphone. « Il était essentiel pour nous de lancer application web qui fonctionne sur Android, et que l’on peut acheter chez Walmart, » explique-t-il.
Nurx proposera la Prep en Californie dans les prochaines semaines, et espère étendre son marché aux autres États très prochainement.
Mais derrière les bonnes intentions de Nurx, il y a également une énorme opportunité commerciale. La caractéristique principale des patients qui achètent la pilule contraceptive et la Prep, c’est qu’ils suivront leur traitement pendant plusieurs années. Ils sont donc faciles à fidéliser ; cibler ces patients est bien plus lucratif que de vendre des antibiotiques à prise unique, par exemple. « Nous ne voulons pas rester dans la niche de la sexualité éternellement, » précise Gangeskar. « Nous comptons étendre notre activité à d’autres médicaments à prise quotidienne dans le cadre d’un traitement de longue durée. Cela nous permet de bâtir une relation solide avec les patients. »