Vincent Milou Yedihael Canat
Vincent Milou, à Paris, en juillet 2021.
Sports

En balade avec Vincent Milou

On a discuté board shorts, hammam, rail d'El Toro et Jeux Olympiques au Japon avec le skater des Landes.

Sans qu’il ne sache trop comment ni pourquoi, Vincent Milou fait partie des rares skaters à allier deux faces du skate qui se regardent de loin, tout en cohabitant : d’un côté, les parks, les contests sponsorisés par des marques de sodas, les skaters qui flirtent avec des athlètes ; et de l’autre, la rue, les video-parts et des trips rigolos un peu à l’arrache – pour schématiser grossièrement. Avant qu’il s’envole pour Tokyo et ses JO – où la présence du skate fait pour le moins débat dans le milieu – on a discuté avec lui pour qu’il nous raconte comment il s’est fait une place de choix dans cette drôle d’industrie du skate.

Publicité

VICE : T’as commencé ta valise ?
Vincent Milou :
Pas encore, et j’ai plein de trucs chiants à faire avant de partir, comme des tests Covid dans des labos agréés par le Japon. 

Sans revenir une nouvelle fois sur le débat « pour ou contre le skate aux JO », t’es dans quel état d’esprit avant de partir ?
Je suis plutôt bien, j’ai fait plein de trucs pour moi dernièrement, dans ma vie perso. Les Jeux, je les approche avec de la distance. Je me prépare super sérieusement, mais je n’ai pas « la tête dans le guidon ». 

Comment tu te prépares du coup ?
Apparemment là-bas, il va faire un truc comme 35 degrés avec 80 pour cent d’humidité. Tous ceux qui y sont déjà allés me disent « Tu vas voir, tu vas pas comprendre. Même sans faire de sport, en sortant de l’avion, tu vas avoir du mal à respirer ». Du coup, je vais faire du sport dans un hammam le matin dès que je peux.

Les JO, c’est une fois tous les quatre ans, je vais donc faire des choses que je n’ai pas l’habitude de faire, mais je vais le faire avec sérieux. Je joue le jeu. Je fais gaffe à ce que je mange, j’ai arrêté les soirées y’a un ou deux mois, je ne bois plus trop d’alcool depuis un moment… J’essaye de faire au moins deux sessions par semaine, où je me mets des motivs, des timings. En gros, je me chauffe en 30 minutes, puis dans la demi-heure qui suit j’essaye de faire tous les tricks les plus durs sur le gros rail, et de les mettre tous quasiment du premier coup. Vu que je prends ça avec du recul, ça m’amuse pas mal. 

Publicité

Mais ce n’est pas un peu contre-nature cette préparation d’« athlète » ?
Si, c’est complètement bizarre. Déjà de se dire qu’on part aux Jeux… Pour moi, le skate aux Jeux, c’est déjà très très bizarre. Ce n’est pas un sport qui aurait dû y aller. Quoique peut-être, parce que le skate se professionnalise énormément et prend beaucoup d’ampleur. Mais en terme de mentalité, c’est vraiment à l’opposé. Après, tous les skaters qui sont pro plus de cinq ans, ils font de l’entretien de haut-niveau. On ne cherche pas à gagner une seconde au chrono, mais on renforce les genoux, les chevilles. Mais c’est vrai que si tu m’avais dit y’a deux ans que j’allais me lever pour aller faire du sport dans un hammam, je t’aurais dit « Mais t’es un malade ! Pourquoi je ferai ça ? » 

Pourquoi justement ?
Je me dis, tu sais quoi, j’ai accepté d’y aller. Dans tous les cas, le skate sera aux JO. Et je préfère y être que de regarder ça à la télé. Puis, je faisais déjà des contests avant, donc c’était un peu la suite logique des choses. J’ai aussi un peu changé d’approche. Avant, quand il y avait un contest, j’allais au park pour apprendre des tricks, pour vraiment « m’entraîner ». Et j’avais beaucoup de mal avec ça. Donc en prenant du recul, en me mettant des petits défis avec des potes – je vais pas skater tout seul non plus – c’est assez fun. Je ne me dis pas « Allez, je vais m’entraîner, y’a les JO qui arrivent. »

Publicité
Yedihael_Milou_02.jpg

T’es un des rares skaters qui arrive trouver l’équilibre entre les contests sponsorisés par des energy drinks et les video-parts sur Thrasher. C’est conscient chez toi ?
Ouais. Pas mal de gens m’ont dit que j’arrivais à jongler entre les deux. Mais je t’avoue qu’au fond de moi, si je pouvais me permettre de ne plus faire de contests, j’en ferais quand même un ou deux dans l’année. Parce que j’aime bien ça. Enfin, ça dépend lesquels. Les Street League à l’ancienne, tu retiens le mec avec son doigt qui te dit « Tu peux y aller, tu peux pas y aller », mais c’était le seul truc relou. Après, si je pouvais uniquement filmer, je pense que je le ferais. Du moins, plus que l’inverse. Les contests à la fin ça peut être pesant. Pour la préparation des JO, on enchaînait des Street League toutes les deux semaines, et à la fin j’ai explosé, j’en avais trop marre.

Au fond de moi, ce que je préfère c’est filmer, aller dans la rue, chercher des spots, trouver le bon trick pour le spot… Cet équilibre il se joue beaucoup avec qui tu traînes. Si tu te retrouves à skater uniquement avec des gens sont anti-contest, anti-JO, anti-tout, tu vas te retrouver à faire que fumer, boire des bières, et à essayer de devenir le gars le plus core du monde pour te donner un style. Mais faut pas non plus se retrouver qu’avec des gars trop contest qui pensent « gagner, gagner, gagner ». Pareil, tu vas te retrouver dans un même cercle vicieux. 

Publicité

« J’étais fan de Chad Muska, le personnage du jeu, sans vraiment savoir qui était Chad Muska, le skater. Pour moi, c’était juste le mec avec l’enceinte sur l’épaule. »

Quand t’as commencé à skater dans les Landes, c’était comment ?
Je viens d’une petite ville, qui est toujours une petite ville d’ailleurs. Ça s’appelle Saubrigues, c’est à 15-20 minutes d’Hossegor et à une demi-heure de Bayonne. Mais devant chez moi, c’était une route départementale avec des fossés sur les côtés. Donc pas de trottoirs et ça roulait à 90. Puis le chemin qui menait à ma maison, c’était du gravier. Plus tard, on a fait couler une dalle de béton, donc j’ai appris là-dessus. Puis, mes parents ont compris rapidement que j’aimais vraiment ça, donc ils m’amenaient au skatepark à Hossegor, le Hall 04. Tous les gars forts du coin – les Julien Béchet, Werner Sandoz… – allaient là-bas. Puis le park a fermé et mes parents ont divorcé. Je suis alors allé vivre dans un lotissement à Saint-Martin-de-Seignanx, où il y avait des trottoirs et des bouches d’égout sur lesquelles je pouvais grinder. Toujours à Saint-Martin, il y avait aussi deux modules, deux merdes vraiment nulles, mais au moins ça me faisait un autre spot. J’essayais de convertir tous mes voisins pour qu’ils viennent skater avec moi, mais ça n’a jamais vraiment accroché. Tous les mois, je changeais de partenaire de session. 

Publicité

Pas vraiment l’environnement idéal pour faire du skate donc…
C’est incomparable par exemple avec les gamins qui grandissent à Paris. Ils sortent de chez eux, y’a quatre pros dans la rue, toutes les marques sont là, et maintenant il y a Instagram. Moi, c’est à peine si j’allais sur Internet et que je savais qu’il y avait des vidéos de skate. Mes premières vidéos, c’étaient celles que tu débloques dans Tony Hawk Pro Skater. Donc j’étais fan de Chad Muska, le personnage du jeu, sans vraiment savoir qui était Chad Muska, le skater. Pour moi, c’était juste le mec avec l’enceinte sur l’épaule. 

C’étaient qui tes skaters favoris à l’époque ? 
J’aimais beaucoup les pros du coin, comme Julien Béchet, Gauthier Rouger…Mais quand j’avais 12-13 ans, je n’avais pas du tout ce truc d’aller regarder des vidéos de skate. J’allais au skatepark, je faisais des contests, et pas mal de surf. Donc quand j’avais du temps libre, je faisais autre chose que regarder des vidéos. Personne ne me disait « Va voir telle ou telle part. » Donc je n’avais pas vraiment de culture skate. Quand tu regardes mes premières vidéos avec mes potes, on est quasiment tous en board-short. On avait zéro style.

Publicité

En fait, avec des potes on avait réussi à se faire sponsoriser par le skateshop du coin – Buzzz Skateshop, qui est toujours mon sponsor. Mon pote Charlie était allé proposer ça au boss, Manu, qui était trop timide pour nous dire non. Il avait dû lui dire « Bon, bah OK, on vous sponsorise. On vous filera quelques trucs. » C’était cool, on prenait tout ce qui ne se vendait pas. On avait donc des board shorts dégueux. J’avais aussi des chaussures Rip Curl. Mais moi je m’en foutais, j’avais des shoes et des fringues gratos. 

« Du coup, un jour on est allé à Cash Converter et on a acheté une caméra, une VX. Et on a commencé à filmer. »

Quand est-ce que tu prends conscience que le skate ça peut être autre chose que le skatepark et les contests ?
En grandissant, à 14 ans, j’ai eu un Ciao, donc je pouvais être indépendant et bouger. Puis j’allais à l’école à Bayonne, donc après les cours je pouvais aller au park là-bas. C’est à cette époque que j’ai rencontré deux gars, Clément Le Gall, avec qui je prends encore des photos aujourd’hui, et Julien Dellion, avec qui j’ai filmé plusieurs parts.

Mais avant ça, un autre type a joué un grand rôle : Jean Baylac. Jean, c’est mon meilleur pote depuis l’époque du Hall 04. On se connaît depuis qu’on a 12 ans. Maintenant il est charpentier, mais il était très très fort en skate. C’est une légende. Il faisait des gros rails et il avait fait switch flip back tail sur un curb. On habitait à 10 bornes l’un de l’autre, du coup j’avais pris son téléphone fixe et on essayait d’aller skater ensemble. Bref, Jean lui il avait déjà capté le truc, qu’il fallait faire du street, filmer. Il m’a pas mal mis sur la bonne voie. Je me souviens, un jour on est allé à Cash Converter et on a acheté une caméra, une VX. Et on a commencé à filmer. C’est lui qui a filmé ma toute première part, que j’avais monté avec un autre pote – notre pote « geek », qui ne l’était absolument pas, mais il savait faire marcher Internet et Adobe, contrairement à nous. 

Publicité
Yedihael_Milou_05.jpg

C’est à ce moment que tu commences un peu à skater autre chose que du park, donc ?
Oui, parce qu’à cette époque, mon expérience du skate se résumait à faire du skatepark, quelques contests locaux, et peut-être une fois les championnats de France. Je commence à capter qu’il y a autre chose dans le skate. Notamment un jour quand un pote de Jean me propose de faire des photos avec moi sur un rail à Anglet que j’avais repéré en passant devant en bus. Moi, avant ça, je ne savais même pas ce que c’était une photo de skate. Donc, on va faire la photo et tout, du temps passe, puis un jour, au skatepark à Bayonne, Clément [Le Gall] me reparle de ce fameux rail et de la photo. Il trouve que la photo n’est pas cool. Il me dit « Viens, on la refait, j’ai d’autres flashs et tout ». Donc, retour à Anglet un jeudi après-midi après les cours, je fais cinq tricks sur le gros rail, et je crois que ça l’a un peu épaté. C’était une victoire pour moi, parce que Clément il faisait des photos avec les pros du coin. Surtout qu’il me propose d’aller en Espagne avec lui le weekend qui suit. Ça se passe bien, on fait une dizaine de photos, une interview pour Sugar. Je devais avoir 15 ans, un truc comme ça. 

Tu t’ouvres à autre chose en somme ?
Ouais, mais paradoxalement, cela s’est fait en continuant à aller sur des contests. Par exemple, sur mon style, un jour je tombe sur Victor Pellegrin pendant un contest. Pellegrin, je ne le connaissais pas, et il m’a clashé direct : « Allez Milou, on va te refaire un style, t’es vraiment dégueulasse. » J’ai kiffé. Je trouvais ça drôle qu’un mec me donne son avis comme ça. Donc je me suis dit « Je vais l’écouter ce gars là ». C’est en rencontrant des gars comme ça que j’ai commencé à me faire ma culture skate. Mais c’est venu tard, et ça a pris du temps.

Publicité

C’est à partir de ce moment que tu commences à aller aux US ?
Ouais, en fait, la première fois que je suis allé aux US, c’était pour aller à Woodward [une sorte de colo de skate en Pennsylvanie]. Un pote, George Poole, me met dans la tête qu’il faut absolument y aller. Moi je ne sais absolument pas ce que c’est. Donc le soir même je regarde des vidéos, et je me dis « Wah, trop bien ! » Pendant un an, je fais des économies, je fais des vide-greniers et compagnie. Mon anniversaire, Noël, tout y passe. Je prends des billets d’avion, je m’inscris au camp. Mais, je pars tout seul parce que George ne peut finalement pas m’accompagner.

Moi, je pensais que tous les mecs les plus forts de la Terre allaient là-bas, mais en fait non. Ce sont les kids qui ont de la thune qui y vont. Au final, ça se passe quand même plutôt bien, je rencontre plein de mecs avec qui je suis pote aujourd’hui : Zion Wright, Jamie Foy, Alex Midler… Puis je gagne un contest donc je peux y rester deux semaines de plus, avec un voyage dans le New Jersey, où on fait un contest avant une étape de Street League. Quand je suis rentré, j’ai dit à ma mère que je voulais y retourner. Aux US, pas à Woodward. 

Comment tu fais ton trou là-bas ?
Un jour, je vais à un contest aux US, et je rencontre Willy Santos, qui m’a vu skater. Il me propose de venir chez lui à San Diego, alors que je ne le connais pas. J’habite un peu chez lui, et ça va commencer à se débloquer avec Willy, parce qu’à l’époque je n’ai pas vraiment de contacts dans l’industrie aux US. Je suis sûrement un peu le contest kid que personne n’a trop envie de voir. Mais Willy m’ouvre plein de portes. Grâce à lui, je me retrouve à avoir une part sur Transworld par exemple. Donc petit à petit les gens commencent à me prendre au sérieux. Je ne suis plus seulement le petit gars en board short qui fait des contests. 

Publicité

C’est à cette époque que tu mets flip front lip à Hollywood High ?
Ouais. En fait, l’histoire de ce trick remonte à deux ans plus tôt. J’étais parti aux US pour un contest Volcom à Los Angeles. Mais dans l’avion, je chope une grippe infernale. 40 de fièvre, je reste au pieu pendant une semaine, je ne fais pas le contest. Avant de repartir, je me sens un peu mieux, du coup je vais visiter les trucs touristiques de LA. Et en allant voir les étoiles sur Hollywood Boulevard, je m’arrête devant le rail d’Hollywood High. À l’époque, je venais d’apprendre flip front lip. Je savais que j’étais bien avec, donc je me dis qu’un jour je le mettrai là. 

Deux ans plus tard, après avoir rencontré Willy, je lui parle de Hollywood High. Il me dit « OK, on va voir ce qu’on peut faire. » Mais personne ne me prend au sérieux, personne ne veut m’accompagner. Seul Blair [Alley, photographe et journaliste de Transworld] est OK pour venir avec moi. Sur place, je fais flip font lip sur le rail de 12 marches pour me chauffer. Je saute de la board au dernier moment, mais je le sens pas trop mal. Je dis à Blair d’installer ses flashs pour que j’essaye sur le rail de 16 marches. En attendant qu’il installe le matos, je reste loin du rail, j’attends. Je ne voulais pas retourner le voir, pour ne pas prendre peur. Quand il me dit qu’il est prêt, je cours, j’essaye, je le mets presque. Donc c’était bon, j’étais parti. Finalement, je le mets en six essais. 

Publicité

Dans cette même part, qui te fait un peu passer dans d’autres sphères, il a aussi le front blunt à El Toro.
Ce flip front lip, c’est le premier trick que j’ai filmé pour la part. S’écoulent quelques mois, je viens souvent aux US, je filme avec un pote de Willy. Mais les caméras n’étaient pas bonnes, donc il a fallu tout refilmer. Quand j’essaye d’appeler d’autres filmeurs, on ne ne me prend pas au sérieux. On me laisse « en vu ». Du coup, je finis par payer à Julien Dellion, avec qui je filmais beaucoup, un billet pour qu’il vienne trois semaines aux US et qu’on finisse la part. Je lui paye sa bouffe, son Uber pour venir de LA à San Diego chez Willy. Bref, je me me donne les moyens pour qu’il vienne. 

Donc pendant trois semaines, on va filmer tous les jours, on a un itinéraire avec des spots, tout se passe super bien. Puis un jour, on passe devant une sortie qui s’appelle El Toro Road. On parle alors d’El Toro et on se dit qu’on ira voir demain. Au début, je ne voulais pas trop y aller, mais Julien me motive. On y va, un vigile nous voit et nous dit de revenir le lundi qui suit, parce que ce sera Pâques et que l’école sera donc vide. Pendant les jours qui suivent, on regarde des vidéos d’El Toro pour voir à quelle vitesse les gars arrivent, où ils se calent sur le rail, comment ils pop… J’appelle Blair pour lui expliquer, il accepte de venir entre deux repas de famille.

Publicité

Dans la voiture pour y aller je me dis que je peux faire front smith, mais que si je dois faire un trick qui n’a jamais été fait et que j’ai bien, c’est front blunt. Mais en arrivant, à force d’y avoir trop pensé, j’ai trop peur. Le spot est trop gros. Refus d’obstacle total. Montée de stress, je suis obligé d’aller aux toilettes. J’ai mal au bide. Pendant ce temps, Blair arrive, il installe ses flashs. Je reviens des toilettes et tout le monde m’attend. Je me chauffe en faisant des flips un peu loin du rail, parce qu’il me fait trop peur. Je remonte en haut des marches, je redescends, je commence à vraiment cogiter. Je leur dis « Je suis désolé, je ne peux pas. » Et là, personne ne me force, mais Blair me glisse quand même : « Y’a deux mois t’as fait front smith first try à Hollywood High. Là, y’a seulement quatre marches de plus. Sans te pousser, je suis sûr que tu mets front smith first try. » Ça me met un coup d’adrénaline, j’en profite, « Wah j’ai l’adrénaline, c’est maintenant ! » Je monte les marches, je me retourne, et front smith first try. Du coup, je me dis que je peux faire front blunt. J’essaye une première fois, je saute de la board au dernier moment. J’avais pas la confiance. Je regarde le footage, je fais les maths dans ma tête, j’arrivais un peu vite. Je remonte, et je le fais. 

Ces deux tricks ont permis de faire évoluer le regard des gens sur toi ?
Ça a sans doute débloqué des trucs dans la tête des gens. S’il fallait numériser la carrière d’un skater avec des points, on peut dire que je suis parti de -100 avec les board shorts, les Landes et compagnie, alors que les petits de Paris qui sont un peu regardés par les bons gars, skatent à Répu, ont le bon style pour Instagram démarrent à +20. Pour être pro, il faut avoir +100, pour être une légende comme Ishod [Wair], il faut être à +1000. Et bien, Hollywood High et El Toro, ça doit être le moment où je passe de 0 dans la tête des gens à quelque chose comme +40. 

Et tu commences à vivre du skate ?
J’arrive à me sortir 1 000 - 1 200 euros par mois, et si je suis pas trop mal dans quelques contests, ça me fait un bon bonus à la fin de l’année, de quoi toucher un peu plus d’un SMIC par mois. Puis, je prends un appartement 6 mois de l’année aux US, à Long Beach, parce qu’un jour je me suis retrouvé bloqué à la douane, je faisais trop d’aller-retours. Donc j’ai pris un visa, puis le reste de l’année je vis à Capbreton. 

Yedihael_Milou_03.jpg

Récemment, tu es passé pro chez Pizza. Cela s’est fait comment ? 
Après plusieurs parts, des photos dans des mags, un podium à la Street League, je commence à recevoir des offres, qui m’intéressent peu. Jusqu’à ce qu’un jour, quelqu’un de V7 Distribution me contacte et me dit que Pizza cherche quelqu’un en Europe, parce qu’ils vendent bien en France. Moi, ça me dit bien, mais pendant un an ça traîne jusqu’à ce que Vincent Matheron, qui vit aussi US, me propose d’aller à San Francisco avec lui parce qu’il va faire un road-trip avec sa famille. Du coup, je passe un weekend avec les gars de Pizza à San Francisco, ça se passe bien. Ils me font rentrer dans le team, et ils m’assurent de vouloir me faire passer pro rapidement en m’envoyant quelques idées de pro-board. Puis je filme avec eux pour Ethereum au printemps. Au début, ils pensaient me faire une part avec quelqu’un d’autre, mais finalement j’avais assez de footage. Six bonnes minutes. Et j’ai eu la surprise de voir que j’avais la dernière part, c’était fou. 

Après les JO, ça va ressembler à quoi ta vie ?
Après les JO, je vais partir en tour avec Indy à Berlin. Il y a aussi la Street League qui va reprendre fin août. Après tout ça, je vais retourner voir Pizza, et on va filmer, filmer, filmer, pour une nouvelle vidéo. Et ça sera enfin la fin des JO. Ça fait deux ans qu’on fait tout – les parts, les contests, les trips – en fonction des JO. Et là, ça sera fini. 

T’as hâte que cela soit passé ? 
Ouais, mais j’ai aussi hâte d’y être. Ça me tarde de les faire, mais je serai content quand ça sera fini. Ce n’est pas un soulagement, mais juste un nouveau moment qui commence. Je veux aller filmer et maintenant j’ai le temps pour. 

Puis on arrêtera peut-être de te parler des JO aussi ?
Aussi, oui !

VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.