MMA Belgique Losene Keita Cindy Dandois
Culture

Qu’est-ce que les Belges attendent pour se mettre au MMA ?

« Y’a beaucoup de vieux esprits dans notre monde politique qui pensent que le MMA, c’est juste des gros débiles qui veulent se défoncer la gueule. »

Si vous dites à une personne non-initiée que vous êtes fan de MMA, que vous regardez l’UFC ou que vous vouez un culte à Khabib Nurmagomedov, ça pourrait la surprendre. Le fait que vous aimiez les « combats en cage » pourrait même provoquer des réactions du genre : « À quoi ça sert de regarder des gens se taper dessus ? » ou « Je vois pas en quoi c’est un sport ».

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Cela dit, on ne peut pas nier le fait que le MMA (Mixed Martial Arts) gagne progressivement en notoriété. En fait, ça fait même quelques années qu’il est en plein essor sur le plan international. Sur Youtube, certaines vidéos de MMA affichent plus de 20 millions de vues. Beaucoup de gens payent un abonnement pour voir leur combattant·e préféré·e se faire défoncer à la télé. L'une des raisons de cette popularité croissante : l'ascension de Conor McGregor, un combattant irlandais, qui s’est fait une bonne fan base grâce à ses qualités techniques mais aussi à sa personnalité bad boy provoc. 

En gros, le MMA est un sport de contact dans lequel les différentes techniques des arts martiaux peuvent être utilisées : karaté, lutte, jiu jitsu, kickboxing, etc. Il y a différentes « franchises » ou compétitions, avec des champion·nes dans les différentes catégories de poids. Bien qu'aucune compétition n’ait jamais été officiellement désignée comme étant la « meilleure », l’UFC (Ultimate Fighting Championship) reste la plus connue du grand public. 

Mais qu'en est-il en Belgique ? Est-ce que ce sport gagne en popularité ici aussi ? Avec le confinement, est-il encore possible de se battre ? On a parlé combats, thunes et cockteasing sur Onlyfans avec Cindy Dandois (combattante chevronnée et première femme belge à avoir intégré l'UFC) et Losene Keita (jeune talent prometteur qui est sorti vinqueur de ses quatre premiers combats professionnels).

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VICE : Une petite représentation pour les gens qui ne vous connaissent pas ?
Cindy :
Je suis combattante professionnelle de MMA, actuellement signée à la PFL (Professional Fighters League, une franchise de MMA). J'ai combattu à l’UFC, au Bellator, au Cage Warriors, au Rizin et au M1-Global, donc j’ai déjà fait mes preuves. 

Losene : Je suis aussi combattant professionnel de MMA. J'ai combattu au  Strength & Honour et à l’Atlas MMA. Je suis sûr qu'il y aura encore de grandes choses à venir. 

Comment vous avez commencé le MMA ? 
Cindy :
 Je fais du sport de contact depuis que je suis petite. Quand j’étais judoka et lutteuse, j'ai rapidement accédé au niveau international. Après mon deuxième enfant, vers mes 22 ans, j'avais pris du poids. Mon frère, Ben Dandois, combattant professionnel, m'a conseillé de me tourner vers le MMA. Je suis tombée amoureuse de ce sport et je ne l'ai jamais quitté. 

« J'étais un gosse à problèmes, je me battais dans la rue et j'ai fini en prison pour quelques mois. »

Losene : J'étais un gosse à problèmes, je me battait dans la rue et j'ai fini en prison pour quelques mois. Je n'étais pas dans les arts martiaux à l'époque. Dans ma famille, c’est plutôt basket et foot. À ma sortie de prison, un ami m'a proposé de m'entraîner dans son club. J’ai accepté et au final, on peut dire que le MMA m'a sauvé. En allant à la salle tous les jours, j'ai pu sortir de la vie de rue. Plus tard, j’aimerais bien sortir d'autres gens comme moi de la misère à mon tour. 

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Cindy : C'est exactement pour ça que j'ai créé ma propre salle. Je vois beaucoup de jeunes avec les mêmes problèmes que Losene avait. C’est des jeunes qui ont énormément de talent mais qui se mettent dans des situations qui les empêchent d’avancer. Avec ma salle, je veux leur donner la chance de reprendre leur vie en main. Losene, quand on pourra rouvrir, j'aimerais t’inviter à raconter ton histoire.

C’est le sport qui te tire vers le haut, Losene?
Losene :
J'habite à Harelbeke et mon club, le Lamiro Fight Club, est à Audenarde. Parfois, je vais à la salle deux fois par jour. Je vis pour ça. Entre-temps, c’est aussi un peu devenu ma famille. Mais là, le club est au point mort. Il y a juste les mecs qui ont des combats prévus qui sont autorisés à s'y entraîner. J'en aurai un bientôt, mais la date n'a pas encore été fixée. Tout est un peu différent maintenant. Comme on n’est pas autorisé·es à faire des combats d'entraînement, on bosse principalement avec un punching-ball ou on travaille le physique. 

Et toi Cindy, se tient ton club en ce moment ?
Cindy :
C’est désastreux. Contrairement à celui de Losene, j'ai dû complètement fermer mon club en mars, mais j’ai dû continuer à payer les factures pour le loyer, l'eau et l'électricité. J'ai même dû déposer le bilan. Financièrement, je ne pouvais pas supporter ça. 

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Donc tu n’as plus de club ?
Cindy :
J'espère redémarrer en décembre ou en janvier, quand la courbe sera redescendue. Je vais travailler avec Kurt Verschueren, un autre combattant. Avec le BB MMA Center, on va tirer le meilleur parti de la jeunesse. Kurt est un bon striker, moi je suis plutôt sol. J'ai vraiment hâte. 

T’as assez de fonds pour rouvrir ?
Cindy :
J'étais effectivement très endettée, mais grâce à mon compte Onlyfans, j’ai pu tout rembourser.

« Il y a eu beaucoup de haine à mon égard à cause de ma page Onlyfans, mais je ne le regrette pas. »

Onlyfans ? L’app porno ? 
Cindy :
On n’a rien sans rien. Je suis mère de cinq enfants et j'ai une grand-mère qui habite dans le quartier. Je dois prendre soin de ces personnes. L'argent est une nécessité. Il y a eu beaucoup de haine à mon égard à cause de ma page Onlyfans, mais je ne le regrette pas. J'ai fixé mes limites au début. Les fans qui paient peuvent voir un peu de contenu supplémentaire, mais rien de nu. Je fais pas dans le porno. C'est plutôt du cockteasing. Si je n'avais pas eu cette source de revenus, ça aurait été la fin de ma carrière. Je ne suis pas prude de toute façon. Si quelqu'un prenait une photo de moi dans un sauna, je ne gagnerais pas d'argent en étant exposée nue sur Internet. Là, je suis payée pour ça. 

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T’as pas peur qu'une photo soit leakée ? T’es aussi prof de secondaire...
Cindy :
J’ai peur pour mon travail. Une personne anonyme m’a dénoncée et j’ai été convoquée à une commission de l’enseignement. Je leur ai tout expliqué, y compris ma situation financière. Quand les gens ont compris que c'était pour les plus de 18 ans et que les étudiant·es ne pouvaient pas y accéder, ils ont laissé tomber. 

Le fait qu’on t’attaque pour ta page Onlyfans montre que tu as une certaine notoriété, mais de manière générale, le MMA n'est pas encore très connu en Belgique. 
Cindy :
C’est parce que la politique belge est trop fermée. La boxe est un sport noble et respecté. Y’a beaucoup de vieux esprits dans notre monde politique qui pensent que le MMA, c’est juste des gros débiles qui veulent se défoncer la gueule. C'est à nous de prouver que ce sport est un moyen de sortir de la rue et qu’on est des personnes sensées. 

« Y’a beaucoup de haine et de personnes qui se détestent dans le milieu. C’est désolant. »

Mais le sport grandit quand même ici ?
Cindy :
Oui, mais y’a beaucoup de haine et de personnes qui se détestent dans le milieu. C’est désolant.

Losene : Exact. On devrait s’améliorer mutuellement. 

Cindy : Déjà qu’on est un si petit pays. La concurrence saine, c'est bien, mais soyons fier·es quand un·e de nos combattant·es belges se bat au niveau international ! On devrait aussi se soutenir mutuellement et se donner plus de visibilité sur les réseaux sociaux. Ces plateformes sont importantes pour notre sport.

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Est-ce qu’on a notre place au niveau international ? 
Losene :
Il n'y a pas de grosse différence de niveau avec nos pays voisins. Je vais parfois m'entraîner aux Pays-Bas avec leurs meilleurs combattants et je n'ai pas l'impression d'être moins bon. 

« J'ai défoncé des portes à grands coups de pied. Il n'y avait encore rien en Belgique, surtout pour les femmes. »

Est-ce qu’on peut s’attendre à avoir une version locale de Conor McGregor, le charismatique combattant irlandais qui a rendu l’UFC populaire ?
Losene :
Je vais faire de mon mieux pour assumer ce rôle. Ça se passe bien en ce moment, j'ai la hype derrière moi. 

Cindy : Je suis une vétérane de ce sport. J'ai défoncé des portes à grands coups de pied. Il n'y avait encore rien en Belgique, surtout pour les femmes. Losene est encore jeune, il peut accomplir beaucoup de choses. C'est juste qu'il ne s'agit pas seulement de ton talent au combat. Conor McGregor, c’est aussi un showman. Et c'est ce dont le sport a besoin. Même ces soi-disant conflits entre combattant·es, ce sont des broutilles mais on les exagère parce que ça vend.

L'UFC reste l'objectif le plus élevé ?
Losene :
L’UFC, le Bellator… 

Cindy : Ma fille est une espoir de treize ans, un vrai monstre. Si je devais choisir pour elle, l'UFC serait mon dernier choix. En tant que combattante débutante, on te considère comme un numéro. L'UFC cherche des noms, pas toujours les meilleur·es combattant·es. Il y a beaucoup de Tchétchènes au Bellator qui boufferaient comme un sandwich la plupart des combattant·es de l'UFC. Mais bon, iels sont moins célèbres. . 

« À l’UFC, on veut du spectacle. »

Losene : Ali Abdelaziz, le manager de Khabib Nurmagamedov (un des meilleurs combattants UFC) m'a contacté l'autre jour et m'a dit que je devais faire plus de ‘finishes’ pour entrer à l'UFC. Il n'a même pas demandé combien de combats j'avais gagné ou perdu. À l’UFC, on veut du spectacle. 

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