Plus belle la vie France 3 série télé Marseille
Toutes les photos sont d'Amélie Canon.
Culture

Mistral cessant : requiem pour une série

On est allé à Marseille vivre les dernières heures de tournage de « Plus belle la vie » devant les studios.
Amélie Canon
Paris, FR

Je suis fan de Plus belle la vie depuis le premier épisode. J’ai commencé à regarder avec ma mère à la maison puis j’ai prolongé cette routine jusqu’à mes études supérieures. Le temps m’a parfois manqué – je n’étais pas vissée devant la télé – mais ce n’était handicapant que quand les replays n’existaient pas. Fin septembre, je suis allée passer trois jours à Marseille pour rencontrer d’autres fans de la série et vivre avec eux l’épilogue de ce petit monument télévisuel

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La plupart d’entre eux se retrouvent régulièrement au 37 de la rue Guibal dans un des studios du Pôle média de la Belle de Mai – « le patio » comme ils l’appellent. C’est une cour dans laquelle ils peuvent attendre que le casting passe entre l’espace habillage et l’entrée du plateau. C’est l’endroit idéal pour récolter selfies et autographes de leurs idoles.

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J’avais déjà pris contact avec trois passionnés : Steffie, aide-soignante de nuit qui vit dans le 77, Philippe, 56 ans, qui a déménagé à Marseille pour vivre plus près de ce qu’il aime et Laëtitia 35 ans, mère célibataire de Valence qui est elle aussi fan à plein temps. Alors que je retrouve tout ce petit monde là-bas, les discussions tournent déjà autour du lendemain et la date fatidique du jeudi 29 septembre, dernier jour de tournage.

Laëtitia a créé un évènement Facebook pour l’occasion. 12 000 internautes ont déjà liké mais on se doute qu’on ne sera pas aussi nombreux devant les studios. Philippe, comme à son habitude, s’enfile un kebab avec une bière au restaurant du Pôle média, Le 37. Il fait ça tous les midis depuis huit ans qu’il vient ici. La conversation est brièvement interrompue par le passage éclair d’une des actrices que les fans réussissent à alpaguer pour une photo furtive.

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L’accès au patio se fait par le restaurant et tous les jours, à 15 h 31, l’agent de sécurité du bâtiment leur demande de quitter les lieux. Les fans se déplacent alors devant les grilles du parking par lequel les acteurs et actrices se rendent au studio.

Jeudi, rebelote. J’ai donné rendez-vous à tout le monde pour vivre les dernières heures de tournage ensemble. J’arrive au patio l’après-midi et je constate qu’il y a déjà plus de monde que la veille. Certains fans ont été mis au courant de ma présence et débarquent avec leurs albums de photos dédicacées. Les marqueurs sont dégainés. Tout le monde attend le comédien ou la comédienne qu’il manque à leur collection.

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La plupart des fans sont assis à table, emmitouflés dans des doudounes et des écharpes, à l’ombre, alors qu’il doit faire 10 degrés de plus au soleil. Je comprends vite que ce sont des points stratégiques pour voir arriver les talents en premier. Steffie a acheté La Provence avec en Une un article sur le dernier jour du tournage de la série. Elle le fait signer à tous les membres du casting qu’elle croise. L’ambiance est plutôt à la rigolade mais derrière les exclamations, les remerciements et les embrassades, il y a des cœurs lourds et des yeux rougis.

Pendant les moments d’accalmie, certains fans viennent me voir pour me montrer leur collection d’autographes personnalisés et d’autres souvenirs qu’ils ont gardés et rangés dans leurs albums, du selfie à la sauvette à l’article de journal en passant par les montages photos.

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Certains écrivent des mots uniques pour chaque acteur et actrice comme Laëtitia, d’autres sont plus discrets. Mounir, venu exprès de Lyon, veut simplement prendre quelques photos avec eux. Tous sont là pour la même chose : vivre en symbiose les derniers instants de la série. Montrer qu’ils ont toujours été là et qu’ils auraient aimé que cela ne cesse jamais. « Non à la fin de Plus Belle la Vie, On est Fan Pour la Vie » peut-on lire sur les pancartes créés pour l’occasion.

Dans le courant de l’après-midi, des membres du staff déposent des cartons remplis de posters et de sacs. C’est l’effervescence. Chacun joue des coudes pour tenter de récupérer un morceau de memorabilia. J’essaie de me frayer un chemin pour apercevoir le contenu de ces boîtes. La plupart des goodies ont un petit coup de vieux – des calendriers datent de 2011 – mais il y a aussi d’incroyables magazines mensuels dans lesquels le casting dévoile une partie de son intimité en répondant à des questions comme « Quelle est ta plus grande phobie ? » ou « Quel rôle aimerais-tu avoir ? ». On y trouve aussi le portrait du Mistralien du mois et des retours sur l’intrigue en roman-photo.

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Certains sont évidemment déçus de ne pas trouver ce qu’ils cherchaient mais l’amertume est passagère, vite balayée par l’arrivée d’une nouvelle actrice ou d’un nouvel acteur. À 15 h 31, comme à son habitude, l’agent demande à tout le monde de quitter les lieux. Les fans obéissent même s’ils auraient préféré que, pour une fois, il ne fasse pas son taf. Chacun se dirige vers la sortie avec le sentiment de vivre l’épilogue de quelque chose et en marchant le plus lentement possible.

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À l’extérieur, on retrouve une bande de fans pas au fait de l’existence du « patio secret ». Ils guettent depuis plusieurs heures l’arrivée du casting venu célébrer le dernier épisode lors d’un pot organisé par la production. Une sacrée chance, ça veut dire que la plupart des acteurs et actrices de la série devraient passer. Le barrage de fans se reforme, pancartes en mains et on applaudit au passage des stars, on chante le générique de PBLV, on pleure et on se prend dans les bras.

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 Le lendemain matin, je retrouve Laëtitia dans sa studette de 10 m2 qu’elle a louée pendant 10 jours. Elle a attrapé froid – elle est restée dans les meilleurs spots à l’ombre toute la journée – et me dit qu’ils sont restés jusqu’à 20 heures devant les studios avant d’aller à l’hôtel des comédiens et de finir à 2 heures du matin. Elle ajoute qu’elle y retournera juste après notre rendez-vous.

Être fan c’est vraiment ne pas compter ses heures et se donner corps et âme. C’est ce que j’aime chez eux. Donner à des personnes qu’on aime même si on ne les connaît pas vraiment, en tout cas pas intimement. Faire preuve d’abnégation. Il faut être prêt à beaucoup de sacrifices pour un mot, une photo ou un autographe de l’idole. Tout ça pour obtenir un moment que l’on estime privilégié avec cette personne.

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Être fan, c’est être en perpétuelle recherche de quelque chose qui nous relie à l’être adulé. Comme dans une histoire d’amour, il y a la rencontre, la cristallisation, le don de soi et malheureusement parfois, comme ici pour Plus belle la vie, la rupture, « C’est la fin d’une belle histoire qui aura duré 18 ans », soupire Laëtitia. Alors que nous reste-t-il ? Les souvenirs, les photos et les mots partagés que l’on garde précieusement à jamais et qu’on aime montrer à tous ceux qui le souhaitent.

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