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Crime

Comment l’artiste chinois Ai Weiwei a convaincu Lego d’abandonner sa politique de restriction pour les projets militants ?

Jusqu’à présent, le fabricant de briques en plastique refusait les grosses livraisons destinées à des projets politiques ou contestataires.
Photo de Benjamin Esham

L'artiste dissident chinois Ai Weiwei s'est servi de son influence pour convaincre l'entreprise Lego de changer sa politique de livraison de briques en gros. Jusqu'à présent, le fabricant de briques en plastique refusait les grosses livraisons destinées à des projets politiques ou contestataires.

Le fabricant de jouet a annoncé mardi qu'il s'abstiendrait désormais de demander aux acheteurs de briques la « thématique » de leur projet.

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« Avant, lorsqu'un acheteur souhaitait acquérir de très grandes quantités de briques LEGO® pour un projet, le groupe LEGO leur demander d'expliquer la thématique du projet, » explique la société danoise dans un communiqué. « Nous avons fait cela parce que le but du groupe LEGO est d'inspirer les enfants à travers la création ludique, et non pas de soutenir ou d'endosser le programme spécifique d'individus ou d'organisations. »

La société danoise a expliqué avoir modifié sa politique afin d'éviter d'éventuels « malentendus » survenus d'une politique « pouvant paraître contradictoire. » Dorénavant, les clients « seront priés de préciser — s'ils désirent exposer leurs créations LEGO en public — que le groupe LEGO ne soutient ni n'approuve les projets concernés. »

Ce virage met fin à une polémique qui a vu le jour en septembre, lorsque LEGO a refusé d'honorer une commande d'Ai Weiwei. L'artiste avait alors accusé le fabriquant de jouet de pratiquer une forme de censure, insinuant que l'entreprise ne voulait pas se mettre à dos le marché chinois.

Weiwei, qui milite grâce à ses oeuvres pour les droits de l'homme et la liberté d'expression, est mondialement reconnu pour ses critiques acerbes du gouvernement chinois. En 2011, les autorités chinoises ont emprisonné Weiwei durant 81 jours, soi-disant pour fraude fiscale. Son arrestation avait provoqué des réactions internationales, et de nombreuses personnes ont accusé le gouvernement chinois de vouloir museler l'artiste.

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La guerre des Legos commence lorsque Weiwei se tourne vers les réseaux sociaux pour lancer son nouveau projet ; une installation intitulée « Andy Warhol/Ai Weiwei » à la National Gallery of Victoria, à Melbourne. L'artiste souhaite y exposer des portraits d'hommes et de femmes militant pour la défense des droits de l'homme.

Le musée passe alors une commande de Legos au fabricant, qui refuse la livraison, justifiant que l'entreprise ne pouvait approuver l'utilisation des célèbres briques pour des oeuvres politisées.

« En septembre, LEGO a refusé une demande du Studio Ai Weiwei qui souhaitait se faire livrer des briques en gros pour une œuvre d'art pour la National Gallery of Victoria, parce qu'ils ne « peuvent approuver l'utilisation de Legos dans un but politique, » » révèlait alors l'artiste sur son compte Instagram. « Le 21 octobre, une société britannique annonce officiellement qu'elle va ouvrir un nouveau parc Legoland à Shanghai — l'un des nombreux contrats issus de "l'ère dorée" entre la Chine et le Royaume-Uni, » ajoute-t-il.

« Le refus de Lego de vendre son produit à l'artiste est un acte de censure et de discrimination, » écrit-il un peu plus tard.

Ses partisans ont alors commencé à critiquer la politique de LEGO sur les réseaux sociaux, avant d'organiser des points de collecte de LEGO dans 11 grandes villes — de Beijing à Berlin, en passant par Miami — pour aider l'artiste à réaliser son projet. Weiwei a commencé à poster des photos des dons de briques, dont une photo où l'artiste pose avec des briques accrochées à ses cheveux et à sa barbe.

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Ce n'est pas la première fois que Weiwei met des Legos au centre de son oeuvre. En 2014, le plasticien a installé une galerie de portraits Lego de militants des droits de l'homme dans les couloirs de la prison d'Alcatraz, en Californie.

L'entreprise danoise, elle, est restée fidèle à sa politique. En mars, LEGO avait rejeté le projet d'une artiste américaine qui avait proposé au fabricant de jouet de mettre en vente une Cour Suprême entièrement composée de juges femmes. En 1997, l'entreprise avait tenté de convaincre un artiste polonais de retirer une sculpture d'un camp de concentration nazi faite à partir de Legos.

En octobre, un porte-parole de la compagnie a expliqué au New York Times que le fabricant avait comme vocation de « permettre aux enfants d'avoir des expériences ludiques et créatives » et qu'elle ne pouvait, par conséquent, « endosser l'utilisation de briques Lego pour des projets et dans des contextes d'ordre politique. »

LEGO n'a pas répondu aux déclarations de Weiwei, qui accuse la société de se plier aux désirs des autorités chinoises.

Au cours des dix dernières années, de nombreuses grosses entreprises ont cédé aux pressions exercées par la Chine, y compris Apple, qui a modifié en avril son service après-vente après une importante campagne médiatique chinoise contre le géant de l'informatique. Google a également courbé l'échine en 2006, en acceptant de censurer certains sites interdits par le gouvernement chinois.

La part majoritaire du groupe Legoland n'appartient pas à LEGO, mais à Merlin Entertainment, une société britannique détenue en majorité par le fonds d'investissement américain Blackstone Group.

Ni Ai Weiwei, ni LEGO, n'ont souhaité répondre à nos questions.

Photo via Flickr