La beauté des femmes queer sud-asiatiques
Toutes les photos par Alia Romagnoli / HUQTHAT

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La beauté des femmes queer sud-asiatiques

Le collectif Huq That confère une touche moderne au henné, tradition incontournable du mariage oriental.

Sabira Haque est bengali, musulmane et queer. Elle a grandi dans la classe ouvrière de Londres, où elle a senti le poids des préjugés qui pesait sur elle. À différentes étapes de sa vie, elle a été confrontée au racisme, au sexisme, à l'islamophobie et à l'homophobie.

« Pendant longtemps, j'ai eu le sentiment que ma confiance en moi avait été réduite au silence », raconte-t-elle. Puis, au début de la vingtaine, elle a eu recours à la thérapie par l'art, ce qui l'a aidée à recouvrer sa confiance en elle et à découvrir des espaces sûrs dans lesquels elle a pu rencontrer d'autres personnes ayant connu des difficultés similaires.

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Il y a quelques années, au moment de planifier son mariage, Haque, qui a maintenant 29 ans, a approfondi ses connaissances des rituels du mariage bengali et a développé une fascination pour l'art du henné, son processus d'application et sa riche histoire. Elle a commencé à le pratiquer comme passe-temps et, au bout d’un an environ, elle a décidé de s’y consacrer de manière professionnelle.

Ainsi est né Huq That, une plateforme visant à rendre le henné plus accessible en le faisant sortir de son contexte traditionnel. Haque initie les jeunes créateurs londoniens à l’art ancien en accueillant une myriade d’événements culturels et en vendant des tatouages temporaires.

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Le nom du projet reflète la difficulté que rencontrent souvent les gens pour prononcer le nom de famille de Haque. « Je voulais jouer sur cette prononciation, qui ressemble beaucoup à "fuck" », explique-t-elle. Cette initiative sert également de véhicule pour exprimer la véritable identité de Haque (qui signifie, en arabe, « vérité » ou « juste »).

Le projet a commencé par une séance photo collaborative à laquelle ont participé principalement des femmes à la peau sombre et de genre non binaire. Au cours du processus de recherche, Haque a découvert la photographe queer Alia Romagnoli sur Instagram. Cette artiste indo-italienne utilise son appareil photo pour explorer ce que signifie être biracial et queer, et Haque a vu son propre passé se refléter dans l’œuvre de Romagnoli.

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Romagnoli, qui a grandi en Inde, n’a jamais vu d’images représentant de personnes queer de manière positive, en raison des lois sur la censure en vigueur dans le pays. Après avoir déménagé à Londres et rencontré la communauté LGBTQ+ de la ville, elle a trouvé le courage de faire son coming out. La photographie est devenue pour elle un moyen d'approfondir son sentiment d'appartenance, lui permettant de raconter les histoires d'autres individus sous-représentés.

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Romagnoli et Haque ont travaillé ensemble à la conception d’une série photographique pour le lancement de Huq That. Elles ont voulu représenter divers modèles sud-asiatiques à travers un point de vue féminin, capturant un côté plus tendre que sexuel. La série est également présentée comme un contraste avec les photos nuptiales typiques de l’Asie du Sud qu’elles ont vues tant de fois dans leur enfance et dans lesquelles se perpétuent les idéaux eurocentriques de la beauté.

Romagnoli s’inspire des productions bollywoodiennes des années 1970 et 1980, intégrant des stéréotypes sous forme de postures et d’expressions faciales. Pour le fond, elle utilise des étoffes aux couleurs vives, inspirées des maharanis (« reines ») dans les peintures indiennes traditionnelles. Romagnoli confère également aux images une texture granuleuse rappelant les anciens portraits indiens.

Haque a recruté avant tout des modèles de tailles et de tons de peau différents, dont beaucoup n'avaient jamais posé devant un appareil auparavant. Romagnoli a souligné leur aspect unique en utilisant un éclairage différent pour chaque teint. « C’était très agréable de voir les interactions entre les femmes sur les photos ; chacune apportait et absorbait une énergie positive et contribuait à créer un monde sans jugements de valeur », dit Romagnoli.

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La styliste Rhiannon Isabel Barry a également participé au projet. Elle est connue pour ses tenues inspirées par la mode urbaine de la classe ouvrière londonienne, une esthétique que les principales marques de mode ont adoptée en masse. Sur les photos, les modèles arborent les motifs complexes au henné de Haque, les robes et bijoux traditionnels d'Asie du Sud, ainsi que des pièces de grandes marques telles que Burberry, Fendi ou Louis Vuitton. Parmi les autres contributeurs figuraient Nadine Baptiste, coiffeuse, Umber Ghauri, maquilleuse, et Salwa Rahman, directrice du maquillage.

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En regardant le résultat final, Haque a eu le sentiment que son âme avait été exposée. Elle n'arrivait pas à croire à quel point sa propre vulnérabilité transparaissait à travers les images. À tel point que pendant deux mois, elle a refusé de les publier. Quand elles ont finalement décidé de poster les images sur les réseaux sociaux, Haque et Romagnoli ont reçu de nombreux messages de soutien de la part de femmes indiennes et bengalis qui ont pu se voir différemment grâce aux photos.

« Certains des commentaires les plus flatteurs provenaient d’autres femmes bengalis, qui nous ont dit que pour elles, cela signifiait beaucoup de pouvoir voir les vêtements de mariage asiatiques d'un point de vue queer, explique Haque. J'espère que ces images permettront de reconnaître le fait que tout le monde peut célébrer le mariage asiatique de ses rêves, quelle que soit son identité. »

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Modèles : Iqra Khan, Norhan Shubar, Amani Saeed, Salwa Rahman, Nazifa Hussain, Salma Khatun

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