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société

Ceux qui assistent passivement à l’intimidation l’encouragent

Leur inaction est dommageable, et il faut l’enrayer.

Les ados savent qu'intimider n'est pas un acte moral. Il n'y a pas un ado qui va vivre une épiphanie en réalisant soudainement que persécuter quelqu'un dans sa classe, ce n'est pas fin.

Mais il y en a qui le font quand même. Pour mieux saisir le phénomène, Caroline Levasseur, doctorante à l'Université de Montréal, s'est intéressée à la perception que les jeunes ont de l'intimidation et à ce qui fait en sorte que de tels gestes sont acceptables pour certains d'entre eux.

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Pour les conduites graves, la leçon semble bien intégrée; peu importe leur rôle dans le cycle de l'intimidation, les jeunes savent que, par exemple, les menaces sont inacceptables. Mais pour les zones plus grises, comme les moqueries pour faire rire la classe, ce n'est pas unanimement condamné.

Ben non, c't'une joke!

Caroline Levasseur a sondé 626 élèves de deux écoles de la banlieue de Montréal. Il en ressort qu'un élève sur quatre est impliqué dans de l'intimidation : soit il en est l'auteur (3 %), soit il en est victime (5 %), le témoin complice (3 %), le témoin passif (7 %), ou encore il s'insurge contre l'injustice (7 %).

Les intimidateurs sont davantage d'accord avec des énoncés comme « Je peux me permettre des gestes parce que je trouve que l'autre me dérange », « Il l'a mérité », « C'est juste pour niaiser » ou « C'est correct dans mon groupe d'amis ».

Les défenseurs des personnes intimidées – les vrais Gryffondor du secondaire – sont à l'inverse plus en désaccord avec ce type de raisonnement.

Les témoins passifs se situent quelque part entre les deux. « Ils vont savoir que c'est inacceptable, mais ils vont avoir de la misère à dire pourquoi, explique Caroline Levasseur. Ils savent que ça fait du tort, mais ils ne sont pas motivés à intervenir. »

Pour justifier leur inaction, ils évoquent entre autres la peur d'attirer sur eux les foudres de l'intimidateur, le sentiment d'impuissance, de ne pas savoir quoi faire. « C'est comme ça que ça fonctionne à l'école » est aussi ressorti.

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Et ça peut être grave. « Il y a beaucoup de jeunes qui, par leur passivité, vont encourager l'intimidateur à se sentir légitimé dans sa conduite. Si personne ne fait rien, les intimidateurs voient seulement ceux qui rient, pas ceux que ça dérange. Ils vont sentir qu'ils peuvent continuer », dit la doctorante.

Pour changer les choses

Selon elle, il ne faut pas « toujours aller au pire du pire » pour sensibiliser les jeunes à l'intimidation. « Si on leur dit : "Fais pas ça, l'autre jeune va se suicider", il n'y a personne qui va le prendre au sérieux, jusqu'au moment où ça se rend là », explique-t-elle.

La sensibilisation devrait d'abord cibler cette indifférence à l'égard de ce qui se passe dans les corridors. Le nerf de la guerre pourrait être centré sur des témoins passifs, dont l'attitude est plus basée sur la norme sociale. « C'est probablement ceux qui seraient les plus faciles à motiver, à sensibiliser davantage », pense-t-elle.

Il faut donc s'attaquer à la norme, valoriser autre chose, pour que les témoins passent à l'action, ne serait-ce qu'en incitant leurs amis à laisser une personne tranquille. Ils pourraient contribuer à modifier le climat social qui favorise l'intimidation, croit la doctorante.

Elle ajoute qu'au secondaire, une bonne approche est de passer par les jeunes eux-mêmes, qu'ils en discutent entre eux et confrontent ensemble leurs perceptions, plutôt que de leur faire écouter une conférence dans l'auditorium.

Justine de l'Église est sur Twitter.