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Drogue

Une urgentologue dit que les comestibles peuvent être mortels pour les enfants

On a vérifié l’exactitude de ses affirmations.
Un brownie au cannabis et la Dre Merrilee Brown
Photos: Shutterstock/Twitter

L'article original a été publié sur VICE Canada.

Une urgentologue ontarienne, la Dre Merrilee Brown, a été vertement critiquée pour avoir tweeté vendredi que les produits comestibles au cannabis pouvaient être mortels pour les enfants.

« Aux urgences hier soir, j’ai soigné une personne pour une psychose causée par un produit comestible au cannabis, en l’occurrence une barre de chocolat. Elle a mangé un des 16 morceaux de la barre, qui contenait 20 g de THC, l’équivalent de 20 joints! Les comestibles ont souvent une si grande concentration qu’ils peuvent être mortels pour les enfants », a-t-elle écrit en août dernier.

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Une urgentologue a tweeté que les comestibles au weed peuvent être mortels

Son message a été retweeté plus de 10 000 fois avant qu'elle ne le retire, et beaucoup de spécialistes du cannabis et chercheurs ont depuis remis en question les affirmations de l’urgentologue. D’abord, il n’y a aucune preuve que l’ingestion de cannabis a déjà causé la mort d’une personne. Ensuite, il est hautement improbable qu’un morceau d’une barre de chocolat puisse contenir 20 g de THC. Le taux de THC des produits comestibles au cannabis est généralement mesuré en milligrammes.

En réponse, l’urgentologue a nuancé ses propos, admettant qu’elle avait peut-être mal lu l’emballage : « Je ne suis d’aucune façon une experte en comestibles », mais elle a aussi cité une étude de cas indiquant que le cannabis représente un risque pour les enfants. VICE a parlé avec des spécialistes pour vérifier l’exactitude de ses affirmations.

Affirmation : L’ingestion de cannabis peut causer une psychose.
Verdict : Trompeur.

Rebecca Haines-Saah, spécialiste des politiques de santé et professeure à l’Université de Calgary, dit qu’il n’existe aucune preuve que le cannabis peut directement causer une psychose ou des problèmes de santé mentale comme la schizophrénie. Des études ont montré qu’il y avait des liens entre la consommation de cannabis et l’apparition précoce de schizophrénie, en particulier chez des personnes qui y étaient prédisposées ou avaient des antécédents familiaux de problèmes de santé mentale, mais ces liens sont loin d’être concrets. Elle pense qu’il est beaucoup plus probable que la patiente ait eu un bad trip, qui peut comprendre de l’anxiété, de la paranoïa ou des hallucinations.

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Bonni Goldstein, pédiatre depuis 28 ans, dont 13 ans en urgence, dit que l’ingestion de comestibles au cannabis produit un effet psychoactif plus important que lorsqu’on fume du cannabis parce que le THC passe par le foie et produit un métabolite appelé 11-hydroxy-THC. Pour cette raison, selon elle, les surdoses de cannabis sont plus courantes avec les comestibles, mais, le cas échéant, « on ne peut pas mourir d’une surdose de cannabis ». Les symptômes d’une surdose de cannabis sont la paranoïa, l’anxiété, l’irrationalité, le sentiment que le temps s’est arrêté et les hallucinations. On peut habituellement faire disparaître ces effets simplement en parlant avec la personne. Les vraies psychoses causées par le cannabis sont extrêmement rares et il est difficile de prouver le lien de cause à effet, d’après elle.

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Affirmation : Un morceau de chocolat contenait 20 g de THC, équivalant à 20 joints.
Verdict : Faux.

La réponse courte : « 20 g, c’est une quantité ridicule, dit Bonni Goldstein. Il est beaucoup plus probable que ce soit 20 mg. » À son avis, 20 mg de THC causerait une surdose, qui serait pénible pour un consommateur inexpérimenté, surtout un enfant ou une personne âgée. Pour un consommateur habitué, cette quantité ne serait pas excessive.

Rebecca Haines-Saah dit qu’en raison de l’illégalité des comestibles, il est difficile de savoir si l’information sur l’emballage de la barre de chocolat était exacte. Elle estime que les comestibles devraient être légalisés et réglementés « pour qu’on ne trouve plus de produits faits n’importe comment sans indication de la concentration. »

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Affirmation : Les comestibles ont souvent une concentration si élevée qu’ils peuvent être mortels pour des enfants.
Verdict : Faux.

D’après Bonni Goldstein, il est faux d’affirmer que la consommation de cannabis peut être mortelle pour des enfants. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, aux États-Unis, ont cessé de vouloir comptabiliser les décès d’enfants causés par la consommation de cannabis parce qu’il n’y en avait aucun année après année, mentionne-t-elle.

La pédiatre, qui a travaillé durant 10 ans dans le comté de Los Angeles et à l’Université de la Californie du Sud, rappelle que des médecins du Colorado avaient déclaré que le décès d’un enfant de 11 ans des suites d’une myocardite (inflammation du myocarde, la partie qui se contracte du cœur) était lié à la consommation de cannabis, parce qu’ils avaient détecté du THC dans son organisme, mais qu’ils ont par la suite admis qu’ils ne pouvaient prouver que le cannabis était la cause du décès. Elle signale que le THC et le CBD (cannabidiol) sont des anti-inflammatoires. « Rien dans la littérature médicale ne justifie l’emploi du mot mortel dans le tweet de cette médecin », dit-elle.

Dans ses tweets suivants, la Dre Merrilee Brown a cité des études de cas qui semblent indiquer que le cannabis a des effets néfastes pour les enfants, alors nous avons aussi vérifié si c’était exact.

Affirmation : Il y a une hausse du nombre d’enfants admis aux soins intensifs dans les États où le cannabis est légal.
Verdict : Vrai, mais ça ne prouve pas que le cannabis soit mauvais.

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« Quand il y a une plus grande quantité d’une substance en circulation, il peut y avoir des surdoses, dit Bonni Goldstein. Ça ne veut pas dire que la substance est mauvaise. » Elle estime que c’est une responsabilité parentale. Elle conseille aux parents de garder le cannabis hors de portée des enfants, ou dans une armoire verrouillée, comme tout médicament d’ordonnance. Elle ajoute que, lorsqu’un enfant est admis aux urgences en raison de l’ingestion de cannabis, en général, aucune intervention médicale n’est nécessaire : on vérifie ses signes vitaux et, s’il s’est endormi, on attend qu’il se réveille.

Pour sa part, Rebecca Haines-Saah dit que, dans les États où le cannabis est légal, les parents sont aussi plus à l’aise d’appeler au centre antipoison ou de conduire leur enfant à l’hôpital après une ingestion de cannabis, parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas arrêtés. Et en 2016 et 2017, en Alberta, il y a eu 20 visites aux urgences après une ingestion de cannabis, comparativement à 700 visites après une ingestion de Tide Pods.

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Affirmation : Le cannabis peut causer une attaque, le coma ou une dépression du système nerveux central chez les enfants.
Verdict : Peu probable et trompeur.

Bonni Goldstein dit qu’un « coma » dans le cas d’une ingestion de cannabis peut vouloir dire que l’enfant ou l’adulte avait sommeil pendant quelques jours. « Ce n’est certainement pas un coma comme lors d’un traumatisme cérébral. Il n’y a aucune toxine et l’enfant va se réveiller. »

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En dix ans de pratique, elle a vu deux patients adultes qui, après avoir consommé des comestibles avec 100 mg de THC, ont eu une attaque. « Il faut savoir quelle dose prendre », dit-elle, faisant remarquer que la Californie a réglementé les produits comestibles au cannabis, qui ne peuvent pas contenir plus de 100 mg de THC par emballage. Pour ce qui est de la dépression du système nerveux central, elle dit qu’il ne s’agit que de sédation.

Affirmation : Dans 3 % des ingestions de cannabis par des enfants rapportées aux centres antipoison des États-Unis, il a été nécessaire d’avoir recours à la ventilation artificielle, et l’enfant a été envoyé aux soins intensifs. « Heureusement, aucun décès. Le cannabis peut être mortel pour des enfants. »
Verdict : Trompeur.

Bonni Goldstein dit que les urgentologues qui ont l’habitude de soigner des adultes ne sont pas nécessairement confiants quand ils soignent des enfants, ce qui peut conduire à des intubations inutiles. À bord de véhicule d’urgence, elle a même retiré le tube à des enfants branchés à un ventilateur ou respirateur artificiel pour faciliter le transfert du patient.

« Si vous êtes préoccupé par le système respiratoire d’un enfant devant vous, vous ferez ce que vous jugez nécessaire pour stabiliser sa respiration, explique-t-elle. Ils vont intuber l’enfant et ce n’est peut-être pas nécessaire. »

Bonni Goldstein et Rebecca Haines-Saah sont d’avis qu’il est crucial que les médecins ne véhiculent pas de fausses informations à propos du cannabis. Pour Bonni Goldstein, les médecins ont un préjugé envers le cannabis en raison de ce qu’on leur apprend à l’école de médecine. « Les médecins ont la permission d’étudier les effets négatifs du cannabis, mais pas ses bienfaits », dit-elle. Rebecca Haines-Saah dit que des tweets comme ceux de la Dre Merrilee Brown accentuent l’érosion de la confiance du public envers la communauté médicale. « Ils ajoutent des obstacles entre la population et les renseignements fiables dont elle a besoin. »

Suivez Manisha Krishnan sur Twitter.