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Niger

Face à la menace Boko Haram, le Niger interdit à son tour le voile intégral dans le sud du pays

Ces derniers mois dans la région, les combattants de la secte Boko Horam ont multiplié les attaques suicide impliquant des femmes et jeunes filles intégralement voilées.
Marché central de Diffa, en 2013. Image via Wikimedia Commons / Mab.Black

Marché central de Diffa, en 2013. Image via Wikimedia Commons / Mab.BlackCe mercredi, le port du voile intégral a été interdit par le gouvernorat de Diffa — une province située au Sud du Niger, à la frontière avec le Nigeria. Cette mesure a pour but de lutter contre les attentats suicides qui se sont multipliés dans la région. Les autorités préfèrent « prévenir plutôt que guérir», nous a expliqué ce jeudi le porte-parole du gouvernorat.

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« L'État islamique - Wilaya d'Afrique de l'Ouest, », le nouveau nom de Boko Haram depuis mars et son allégeance à l'organisation terroriste État islamique, multiplie les attaques sanglantes dans les pays qui bordent le lac Tchad — soit le Cameroun, le Nigeria, le Niger (dans sa partie sud) et le Tchad. Dans le même temps, ces pays s'organisent sur de nombreux fronts pour lutter contre le groupe terroriste.

Face à cette situation, les autorités nigériennes ont adopté ce mercredi un certain nombre de mesures. Dans la province de Diffa, les femmes n'ont plus le droit de porter le voile islamique intégral — ou burqa — dans les lieux publics. À cette interdiction s'ajoute un couvre-feu qui proscrit la circulation des piétons et des voitures à partir de dix heures du soir, « à l'exception de celles de l'armée » rapporte Le Figaro. Les motos, qui étaient déjà interdites de circulation dans la ville de Diffa depuis février, ne peuvent toujours pas y pénétrer.

« Nous comptons beaucoup sur la coopération de la population, » explique à VICE News un porte-parole du gouvernorat de Diffa, territoire qui entoure la ville du même nom. Contacté au téléphone ce jeudi dans la matinée, le porte-parole explique « qu'un grand nombre de musulmans pratiquants » habitent à Diffa, tout en insistant sur le fait que cette mesure « ne vise pas à restreindre la liberté » des citoyens. « Cette interdiction ne concerne que notre territoire, qui est visé depuis des mois par Boko Haram. »

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Vue aérienne de la ville de Diffa, Niger. Via Google Maps.

Le 6 février 2015, le groupe Boko Haram a mené deux attaques contre les villes de Bosso et de Diffa, les premières du genre sur le sol du Niger pour cette formation terroriste qui opérait jusque-là dans le Nigeria voisin et à la frontière entre ce pays et le Cameroun. Des obus avaient notamment été tirés sur la ville de Diffa, ce qui avait conduit les armées nigériennes et tchadiennes à riposter avec des frappes aériennes. Un habitant de Diffa nous avait expliqué à l'époque « La ville est en train de se vider, tous les magasins sont fermés et les motos sont interdites, parce que c'est le moyen de transport préféré des assaillants [de Boko Haram]. C'est plus pratique pour se cacher. »

À lire : « Je vais rester ici » : témoignage d'un habitant de Diffa qui est face à Boko Haram

De nombreuses familles avaient alors fui vers l'Ouest, une hémorragie démographique qui ne s'est pas arrêtée car depuis, les incursions de Boko Haram se sont répétées à Diffa — qui est devenue une « ville garnison » selon le média Jeune Afrique, où se joue la confrontation directe entre l'armée nigérienne et les insurgés de Boko Haram.

Le 18 juin, un raid particulièrement meurtrier a été mené par les terroristes dans des villages de la province de Diffa, au cours duquel 38 personnes — majoritairement des femmes et des enfants — ont été massacrées. Dans la nuit du 11 au 12 juillet dernier, la prison de Diffa a été prise d'assaut par un commando de trois hommes armés d'explosifs et d'armes lourdes. L'attaque s'est soldée par la mort des assaillants et un renforcement de la vigilance des autorités.

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« Cette mesure a été plutôt bien accueillie par la population, » indique Adam Baboukar, le directeur de la station de radio locale Anfani qui émet dans la région. Contacté au téléphone par VICE News ce jeudi après-midi, Baboukar nous décrit une atmosphère « grave » à Diffa. Selon le chef d'antenne, la décision d'interdire le voile intégral a été prise « lors d'une réunion entre les autorités, les chefs religieux et la municipalité de Diffa. »

« Les gens savent que cette mesure est d'abord pour eux, ils ont vu ce que Boko Haram a fait ici et dans les autres villes de la région, » nous explique-t-il.

Des attaques répétées

Dans la matinée du 11 juillet, une femme vêtue d'une burqa a tué quinze personnes en se faisant exploser sur le marché central de N'Djaména, la capitale du Tchad. Samedi dernier, c'est une fillette de 12 ans qui a actionné une ceinture d'explosifs dans un bar de la ville de Maroua, à l'extrême-nord du Cameroun, tuant 20 personnes et en blessant 79 autres.

Au Nigeria voisin, les attentats de ce type sont quasi-quotidiens. Le dernier remonte à ce dimanche, lorsqu'une bombe portée par une femme a explosé au milieu d'un marché bondé à Damaturu (Nord-Est du pays). Dix-neuf personnes ont péri dans l'explosion, qui aurait été déclenchée à distance.

Face à cela, la riposte des gouvernements de la région se joue sur plusieurs fronts. Sur le plan national, de nombreuses restrictions concernant les transports et l'espace public ont été décidées. L'interdiction du port du voile intégral concernait déjà de nombreuses provinces du Cameroun et est en vigueur sur l'ensemble du territoire tchadien depuis le 17 juin.

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Une Force d'intervention conjointe multinationale (MNJTF), réunissant les pays de la région, a également été mise sur pied ces derniers mois et devrait bientôt débuter sa mission contre Boko Haram.

Ce jeudi, le général nigérian Iliya Abbah a été nommé à la tête de cette force qui devrait être composée de 8 700 hommes fournis par le Bénin, le Cameroun, le Nigeria, le Niger et le Tchad.

À lire : Le Tchad a lancé une vaste opération contre Boko Haram dans les îles du Lac Tchad

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Marché central de Diffa, en 2013. Image via Wikimedia Commons / Mab.Black