Quand on est un branleur comme moi, la notion de productivité agit comme un insecte qui s’est introduit dans ma boîte crânienne et grignote mon cerveau un peu plus chaque jour. Cette bestiole me rappelle que je n’ai aucun projet à long terme, aucune start-up de cryptomonnaies à lancer et que je partage ma vie avec un chat – au grand dam de Gladys, ma banquière. Derrière ce fatalisme se cache une routine tout aussi lamentable qui ne m’aide guère à sortir de mes oubliettes : je me lève chaque matin avec un sentiment de déjà-vu, comme si la journée qui m’attend allait de toute évidence ne me réserver aucune surprise. Mais comme l’écrivait Sun Tzu dans L’Art de la guerre il y a 2 500 ans, « Au milieu du chaos se trouve aussi une opportunité. »
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Il y a quelques mois, alors que j’errais fatigué sur mon ordinateur de bureau, je suis tombé sur la chaîne YouTube de Maxime Barbier, le startupper le plus connu de France. Au départ, je ne comprenais pas bien ce qui se passait devant moi, ni même en quelle langue les intervenants communiquaient. J’étais comme en régression sous hypnose, transporté dans une dimension parallèle où les gens sourient sans cesse et utilisent des post-it. J’ai immédiatement développé une fascination pour ses vidéos, allant jusqu’à en rêver la nuit. Et particulièrement l’une d’elles : « Ma morning routine en 9 étapes ». Maxime Barbier y développe les neuf phases qui constituent un principe de vie aussi terrifiant que mystérieux : « Win the morning, Win the day ! ». Accéder à l'Enfer passe donc par, 1 : faire son lit, 2 : boire du jus de citron, 3 : le « body challenge », 4 : lire un livre, 5 : prendre une douche froide, 6 : boire un café, 7 : lâcher son téléphone, 8 : lire le journal, 9 : YouTube – tout ça, avant de bosser. L’objectif est de devenir un être humain plus productif. Si me transformer en l’exact inverse de ce que je suis peut sembler être une idée complètement conne, c’est pourtant exactement ce que j’ai fait. Mon heure avait sonné.
LUNDI
MARDI
MERCREDI
Lancé sur l'autoroute de l’efficacité et du rendement avec un entrain inhabituel, je suis soudain frappé de vertiges. Tapant comme un sourd sur mon clavier au bureau, je ne peux occulter le fait qu’il était alors 19h16 – j'ai pour habitude de toujours partir à 18h47. À cause de cette morning routine, je travaille mieux et plus longtemps. Aux yeux de certains de mes collègues, je suis maintenant quelqu’un de sérieux. Dès que quelqu’un me propose une activité, je réponds par l’affirmative – comme si j’étais prisonnier dans le corps d’un président de BDE d’école de commerce. Le seul fait d’écrire ces lignes me glace le sang. L’un des occupants de mon vaste open space s’avance ensuite vers moi pour me dire « T’as bonne mine aujourd’hui ! », ce que je prends immédiatement pour une menace. Que veut-il dire par là ? Suis-je la même personne qu’il y a une semaine ou me suis-je déjà transformé en application mobile de réservation de salle de réunion ? Je ne sais plus, je pars donc faire quelques pompes aux toilettes pour y voir plus clair.
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QUELQUE PART VERS LA FIN DE LA SEMAINE
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