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Crime

Sous-marins et réacteurs : l’union soviétique a balancé un paquet de déchets nucléaires à la mer

C’est un vrai champ de mines pour les compagnies pétrolières qui aujourd'hui veulent forer dans la mer de Kara.
Photo by Anonymous/AP

La catastrophe de Tchernobyl en 1986 en Ukraine est l'un des pires accidents nucléaires de l'histoire, un étalon des gros risques liés à la manipulation de petits atomes. Mais c'est loin d'être le seul endroit pourri par les radiations héritées des activités nucléaires de l'union soviétique. Dans les eaux glacées de l'océan Arctique, éparpillés dans les fonds marins, reposent des sous marins nucléaires et des réacteurs atomiques laissés là par les Soviétiques jusqu'au tout début des années 1990.

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Aujourd'hui, des industriels cherchent à forer dans ces mêmes eaux. Le gouvernement russe commence donc à s'intéresser à la manière de nettoyer la zone de ses ordures nucléaires. Le hic, c'est qu'après des décennies à pourrir là au fond de l'océan, certaines des pièces les plus dangereuses sont probablement trop instables pour pouvoir être enlevées sans risque. Des fuites de produit radioactif pourraient se produire, ce qui mettrait à mal les activités de pêche et qui plus largement détruirait l'écosystème de ces eaux.

« Embarquer des réacteurs et faire couler par le fond vos bateaux, on ne peut pas faire plus irresponsable en termes de déchet radioactif,» nous raconte Jim Riccio, expert en nucléaire chez Greenpeace. « Ici, aux États-Unis, on a fait face à des [actes] très bizarres pas bien gérés, mais rien qui n'atteigne de près ou de loin le niveau de ce que les Soviétiques ont fait.

Avant la convention de Londres en 1972, un accord international qui a interdit le rejet de déchets en mer, les pays avait tout loisir de faire des océans des poubelles pour leurs déchets nucléaires. L'Union soviétique n'a signé cet accord qu'à la fin des années 1980, mais ce n'est qu'après la chute du régime en 1991, que les Russes ont donné à la communauté internationale une idée de l'étendue de cette politique de rejet de déchets.

Il y a deux ans, le gouvernement russe a donné une liste : 2 sous-marins, 14 réacteurs (5 d'entre eux contenant du combustible nucléaire usé), et 19 bateaux coulés avec à leur bord des déchets nucléaires. Ce à quoi il faut ajouter 17 000 conteneurs remplis d'ordures radioactives. À ce que l'on sait, la dernière cargaison a été jetée en 1993.

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Ce qui préoccupe le plus les esprits ce sont deux sous-marins. Le K-27, qui a été jeté dans la mer de Kara en 1981, et le K-159, qui lui a coulé en mer de Barents en 2003, alors qu'il était remorqué pour être démonté. Après une expédition sur le K-159 l'été dernier, les autorités russes ont estimé qu'il n'y avait pas d'émission de radioactivité anormale.

« Il n y avait pas de radiation en dehors de ce sous-marin, » nous raconte Nils Bohmer, un expert nucléaire de la Bellona Foundation, une ONG environnementale norvégienne. « Mais les autorités russes ont ensuite ajouté que d'ici 10 ou 15 ans il fallait se décider à remonter ou non le submersible. »

La mer de Barents longe la Norvège et la Russie, elle est une composante essentielle de l'industrie de la pêche Norvégienne. À l'Est de Barents se trouve la mer de Kara, au large des côtes sibériennes.

À bord du K-27, on trouve de l'uranium hautement enrichi dit Nils Bohmer. L'eau de mer peut attaquer le réacteur voire même enclencher une réaction en chaîne. Les courants dans ces mers vont vers l'est, et les eaux contaminées pourraient ainsi s'éloigner de la mer de barents, mais finiraient par rejoindre les eaux territoriales américaines.

Avec le K-159 il y a le risque d'une « catastrophe environnementale », d'après Greenpeace Russia, à cause de la dégradation des parois du réacteur. Toute fuite du K-159 toucherait les zones de pêche russes et norvégiennes, estime Bohmer.

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Mais remonter les sous-marins est également risqué, à cause des années d'exposition à l'eau de mer qui a corrodé les épaves.

Pour Bohmer : « Si les Russes avaient l'argent, ils commenceraient tout de suite les opérations pour les remonter […] Mais je pense que le plus important c'est qu'avant qu'ils commencent, il faut faire une évaluation poussée des risques. Si ça se passe mal, il y aura des conséquences environnementales. »

Le gouvernement norvégien a dépensé plus de 126 millions de dollars dans des projets de sécurisation du nucléaire russe ces deux dernières décennies, d'après la Norwegian Radiation Protection Authority.

Les 17 000 conteneurs balancés par-dessus bord représentent eux aussi un désastre en puissance. C'est comme un champ de mines pour les compagnies pétrolières qui veulent forer dans le coin. Surtout parce qu'on ne sait pas exactement où la plupart de ces conteneurs ont été coulés.

Si on ne peut pas retirer les déchets, il faudra les protéger avec des coffrages capables de contenir la radioactivité en cas de fuite. Mais trouver un matériau capable de tenir aussi longtemps que les déchets nucléaires sont dangereux, ce n'est pas une mince affaire.

Suivez Laura Dattaro sur Twitter: @ldattaro