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Crime

Troubles au Chili pour l’anniversaire du coup d’État de Pinochet

Quelques jours après un attentat à la bombe à Santiago, le Chili ne sait toujours pas comment gérer l'héritage du dictateur.
Image via Getty

Quelques jours seulement après qu'une bombe a explosé dans un centre commercial, blessant au moins 14 personnes, le Chili se préparait à des émeutes jeudi, en marge de commémorations du coup d'État de 1973 du général Augusto Pinochet.

Un bus a été brûlé dans la banlieue de Santiago et un véhicule de police a été attaqué dans une autre partie de la capitale, alors que commençaient les manifestations qui surviennent traditionnellement pour cet anniversaire qui divise la population.

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Le souvenir du coup d'État militaire du 11 septembre 1973 contre le président socialiste Salvador Allende met à jour des blessures toujours vivaces dans la société chilienne après des années de dictature. L'antagonisme virulent entre les partisans de Pinochet à ceux qui se sont opposés à cette cruelle junte d'extrême droite explose habituellement dans les rues, et les manifestations prennent souvent un caractère violent.

Un peu avant minuit des manifestants ont injurié un policier à San Bernado, attaqué sa voiture et des barricades de fortune ont été montées en travers des rues du quartier Villa Francia. Ces quartiers pauvres du sud et de l'ouest de la ville - bastions de résistance pendant la dictature qui cristallisaient à Santiago la répression militaire la plus dure - entretiennent encore une aversion importante à l'égard du régime de Pinochet.

Cette année, l'atmosphère s'est tendue d'un cran après l'explosion dans la capitale d'une voiture dans un centre commercial rattaché à la station de métro Escuela Militar, l'attentat le plus terrible que le pays a connu depuis la fin de la dictature en 1990.

La présidente de centre-gauche Michelle Bachelet a demandé que la sécurité soit renforcée et a étendu les pouvoirs de la police.

La piste d'un attentat anarchiste a été avancée par les autorités. Les anarchistes sont suspectés d'être à l'origine d'une vague d'attaques à la bombe à Santiago cette année.

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« Ceux qui commettent ces actes pensent nous faire peur, mais on ne va pas laisser un petit groupe de terroristes et de lâches effrayer une majorité de gens qui veulent vivre dans un pays en paix », a déclaré Michelle Bachelet après une réunion extraordinaire sur la sécurité.

Un drapeau chilien hissé près d'une statue de Salvador Allende, renversé par Pinochet. Image via VICE News

Elle a annoncé que la police renforcerait la sécurité dans le métro ainsi que dans d'autres lieux où les gens se rassemblent en masse. Santiago est l'une des capitales les plus sûres d'Amérique latine mais ses habitants ont été inquiétés par au moins 29 bombes disséminées dans la ville cette année. Certaines d'entre elles ont explosé, d'autres non, mais aucune n'avait fait de blessé avant l'attentat de lundi dernier.

Deux petits appareils ont aussi explosé cette semaine dans un centre commercial de Viña del Mar, à 200 kilomètres de Santiago. Un travailleur a été blessé dans l'une de ces explosions.

« Les Chiliens sont habités par la peur du passé ».

Les mesures de sécurité sont particulièrement drastiques pour l'anniversaire du coup d'État, où l'on attend une foule de manifestants dans les rues de Santiago et dans d'autres villes. Le weekend dernier,  une manifestation organisée par une association de défense des droits de l'homme qui se bat pour les victimes de la dictature militaire a dégénéré en émeute.

Ricardo (il a seulement accepté de nous donner son prénom), un analyste des marchés pour une compagnie d'énergie basée dans le quartier huppé de Las Condes  a déclaré à VICE News : « Pour moi, ces manifestants utilisent le 11 septembre comme une excuse pour manifester. Ce sont des anarchistes. Ils se moquent du gouvernement au pouvoir. Ils sont simplement en colère contre le « système », les riches et les puissants. Ils veulent tout détruire. Je pense que certains d'entre eux sont pauvres et frustrés, et attendent du gouvernement qu'il leur donne quelque chose sans qu'ils aient à travailler pour.»

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Claudia Santibáñez, conservatrice au Musée d'art moderne américain a une vision différente des manifestants. Elle confie à VICE News que « Chaque 11 septembre, le Chili reste silencieux sur ce pan de notre histoire, cette réaction est motivée par la peur. Les gens disent à chaque fois " ce 11 septembre ci sera dangereux ", et tout le monde reste chez soi en pensant que la ville est mise à sac. Les Chiliens sont habités par la peur du passé. Je pense que les autorités utilisent cette peur à leur avantage."

Bien que le Chili fasse figure de poumon économique de l'Amérique latine, le pays demeure déchiré par d'extrêmes inégalités sociales.

Il est aussi toujours divisé quant à l'héritage de la dictature, durant laquelle plus de 3000 opposants politiques ont été assassiné, ou ont « disparu ».

Cette fissure s'est matérialisée plus tôt cette année pendant l'élection présidentielle durant laquelle Michelle Bachelet, dont le père a été assassiné par le régime militaire, affrontait Evelyn Matthei, fille d'un officier du régime. Les deux familles étaient amies avant que le coup d'État ne les jette dans des camps opposés.

Lewis Merdler a participé à ce reportage.

Suivez Hannah Strange sur Twitter:@hannahkstrange