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Culture

Chloë Sevigny : « Les femmes seront en position de force quand elles dirigeront les studios »

Elle revient avec « Lizzie », son premier film en tant que productrice. Rencontre avec Chloë à Sundance, le festival dont elle reste l'indétronable reine.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
sevigny

Le premier plan sur Chloë Sevigny dans Lizzie ne laisse entrevoir que son dos, mais il n'y a aucun doute sur la personne – ses gestes et sa démarche sont immédiatement reconnaissables. Le film, réalisé par le jeune réalisateur Craig William Macneill, vient d'être présenté au festival du film de Sundance. Chloë Sevigny y joue Lizzie Borden, une jeune femme qui aurait assassiné son père et sa belle-mère en 1892. Face à elle, Kristen Stewart dans le rôle de Bridget, une domestique qui débarque chez les Borden et lie une relation ambiguë avec Lizzy.

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On le sait, Sevigny est une icône du cinéma indépendant. En 1996 déjà, elle bousculait le festival de Sundance avec le cultissime Kids, de Larry Clark. C'était il y a 22 ans déjà et cette année, elle revient avec une double casquette : actrice et productrice. On l'a donc rencontrée pour l'avant-première de Lizzie, à Sundance, le festival dont elle reste l'indétronable reine.

VICE : Dans Lizzie, vous jouez une personne qui a réellement existé, et qui a fait l’objet de plus d'un siècle d'iconographie, de légendes et de folklore. Comment avez-vous fait pour vous glisser dans sa peau ?
Chloë Sevigny : J’ai lu tellement de livres et regardé tellement de choses. J’ai même séjourné dans sa maison à trois reprises – c’est devenu une chambre d’hôte. Les propriétaires font des visites guidées et racontent son histoire. Ils organisent même des séances de spiritisme. J’ai aussi visité le palais de justice de New Bedford, le cimetière où Lizzie est enterrée, ainsi que la Fall River Historical Society afin d'examiner les documents et objets anciens qui se trouvaient dans la maison. Je me suis vraiment immergé dans son monde.
Une fois que Bryce Kass (le scénariste) et moi avons décidé de l'histoire que nous voulions raconter et de la façon dont nous voulions la raconter, j’ai décidé d’y rester fidèle. Beaucoup vous diront que ça ne s’est pas passé exactement comme ça, mais c’est notre interprétation du mythe, et le mythe ne cesse de grandir. C’est un mystère insoluble. Au départ, je l’ai envisagé comme une partie de Cluedo, où vous jouez les différents scénarios. C’est tombé à l’eau finalement, mais je pense que ça aurait été un concept intéressant.

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Comment s’est passée la séance de spiritisme ?
[Rires] Un courant d’air glacial est entré. Certains ont communiqué avec le père de Lizzie Borden, Andrew Jennings. C'était terrifiant. Le premier soir, j’y suis allée avec un ex-petit ami. D’ordinaire, c’est un mec solide, mais là, il s’est réveillé au beau milieu de la nuit, complètement terrifié. C’était vraiment troublant.
Les gérants ont beaucoup de boulot – à la date anniversaire des meurtres, les chambres sont mises aux enchères, tant elles sont recherchées. Certains vont même jusqu’à dormir sur le sol où le corps d'Abby a été trouvé. Les gens sont fanatiques ! C'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulions traiter ce sujet – il a déjà un public. Et puis, je ne suis pas idiote ! Je veux faire un film que les gens ont envie de voir.

Lizzie est une marque à part entière !
Oui, et moi aussi ! J’ai ressenti comme un lien de parenté un peu malaisant.

La maison et la cellule sont frappantes de réalisme. Comment y êtes-vous parvenus ?
Nous avons vidé la maison d'un accumulateur compulsif à Savannah et l'avons reconstruite – nous avons remplacé les papiers peints, refait la peinture, réparé des choses, remis la cuisine au goût de l’époque. C'était notre propre interprétation de la maison Borden – nous voulions qu’elle soit plus austère que la version de la chambre d’hôte. Craig et Elizabeth J. Jones (la chef décoratrice) avaient une certaine idée de l'élégance qu'ils voulaient apporter au film.

Venons-en à Kristen Stewart. J’ai vraiment aimé la façon dont vos personnages et vos performances se contredisent. Une grande partie du film repose sur la force de Lizzie, qui vient contrebalancer la vulnérabilité de Bridget. Il y a néanmoins des moments clés où ces rôles sont inversés. Comment avez-vous développé cette dynamique ?
Kristen est très au fait de l'aspect technique de la réalisation – l’angle de la caméra, l'éclairage, etc. C’est une personne très alerte, très libre, aussi. Elle aime prendre des initiatives, essayer des choses. Elle a apporté beaucoup d’énergie au film. À chaque fois qu’elle venait sur le tournage, on se disait : « OK, aujourd’hui il va se passer des trucs ! » [Rires] Elle possède une très grande présence.
C’est la première fois qu'elle faisait un film d’époque, et qu’elle prenait un accent – je crois qu’elle a eu un peu de mal avec ça. Avec les costumes aussi [Rires]. Dès qu’elle enlevait sa jupe, elle enfilait son jean, ses Vans, et s’allumait une cigarette, l’air renfrogné [Rires]. C'est une fille vraiment cool et c’est pour ça que nous voulions la faire jouer : nous croyons vraiment en elle – ce qu'elle donne de sa personne, les films qu'elle choisit de faire et par lesquels elle souhaite être représentée.

Je suis vraiment curieux de voir le genre de films que vous ferez à l’avenir.
Je cherche avant tout à travailler avec des réalisateurs que j'admire. Je joue dans La Route sauvage d'Andrew Haigh, et j'aimerais continuer à travailler avec des réalisateurs accomplis à qui je peux faire confiance.
J’aimerais aussi beaucoup jouer une nana de gangster – c'est quelque chose que je n'ai encore jamais fait ! [Rires] Quelqu'un de glamour et d’autoritaire, avec des couilles, un peu à la Mae West. Ce genre de rôles ne court pas les rues !

Ces deux dernières années, on a beaucoup parlé de la représentation des femmes dans le cinéma – que ce soit devant ou derrière la caméra. Pensez-vous que ce débat fera une quelconque différence dans la manière dont sont traitées les femmes dans l’industrie ?
Seulement quand les femmes seront en position de force – c’est-à-dire quand elles dirigeront les studios. Mais j’ai l’impression que les femmes se voient offrir de plus en plus d’opportunités. Megan Ellison (ndlr productrice américaine) est vraiment un poids lourd dans le milieu. Je garde espoir.

Jason Bailey est sur Twitter.