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Culture

Rencontre avec la drag queen qui a diverti les troupes en Irak

À qui pensez-vous lorsque vous entendez « divertissement pour les militaires »?

À qui pensez-vous lorsque vous entendez « divertissement pour les militaires »? De jolies femmes qui chantent des ballades mélancoliques, peut-être. Sûrement pas un homme ballerine de 235 lb. Et pourtant, l'artiste lestyn Edwards s'est rendu en Irak et en Afghanistan à quatre reprises, dans la peau de son alter ego, Madame Galina. Chaque fois, il enfile son tutu pour divertir les troupes. Né à Londres et élevé au Pays de Galles, Iestyn était fait pour la scène. Dès l'âge de quatre ans, il partait en tournée avec ses parents — sa mère voyante et son père chanteur — pour des concerts de country. Il joue le rôle de Madame Galina depuis 30 ans et est un habitué des scènes de cabarets londoniens.

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Il a raconté ses expériences en Irak et en Afghanistan, ainsi que les amitiés improbables qu'il a nouées là-bas dans un livre : My Tutu Went AWOL (littéralement « Mon tutu a déserté »). VICE l'a rencontré pour en savoir plus.

VICE : Salut, lestyn. Comment vous est venue l'idée de créer Madame Galina?Iestyn : J'allais souvent voir des ballets à la Royal Opera House quand j'étudiais à Guidhall, l'école supérieure de musique et d'art dramatique de Londres. J'ai vu Le Lac des Cygnes pour la première fois à 20 ans. Stephen Fry a dit un jour qu'en lisant P.G. Wodehouse pour la première fois, c'était comme s'il lisait quelque chose qu'il avait bien connu, mais qu'il avait oublié temporairement. C'était la même chose pour moi avec le ballet : je savais ce qui allait suivre, c'était évident. J'ai décidé d'apprendre le rôle de la reine. Vous n'êtes pas danseur de formation. Comment avez-vous appris?
Une ex-ballerine m'a enseigné. J'ai compris que la reine mimait quelque chose, donc j'ai demandé ce que signifiaient ces mimes et j'ai commencé comme ça. Ensuite, j'ai ajouté quelques mouvements : des arabesques, des pirouettes. C'est ce qui m'a pris le plus de temps. Comment vous êtes-vous retrouvé en tournée en Irak et en Afghanistan?
J'ai chanté sur l'HMS Victory à l'occasion du 200e anniversaire de la bataille de Trafalgar, devant Sa Majesté. Après ça, quelqu'un m'a envoyé une lettre de remerciement pour mon spectacle et m'a proposé de faire du divertissement militaire. J'ai appelé le Combined Services Entertainment (CSE), pensant qu'ils voulaient que je joue mes numéros plus classiques pour les officiers, mais en réalité ils voulaient Madame Galina. Vous étiez surpris qu'ils fassent appel à une drag queen ballerine?
Des artistes proposent des choses étonnantes pour divertir les militaires : des cercles de poésie ou des femmes qui proposent de coudre dans un coin, juste pour créer une ambiance maternelle. Enfin, ils voulaient envoyer une drag queen là-bas. À l'époque, je ne savais pas que j'auditionnais pour partir en Irak. Ils ont commencé à parler de sécurité et de barbelés. Je me suis dit que ça avait l'air excitant. Ensuite, ils ont parlé des araignées du désert, des insurgés… J'ai vu ça comme une chance incroyable et j'ai signé. Donc je suppose que vous étiez assez nerveux?
J'ai eu la peur de ma vie. Je suis d'abord allé en Irak. Quand ils m'ont appelé pour m'annoncer le départ, j'ai eu une attaque de panique qui a duré six semaines. Je me souviens avoir marché le long de la route avec mes affaires pour rencontrer le directeur de tournée qui devait me conduire à la base militaire. Je me suis aperçu que je faisais un bruit moitié grognement, moitié cri. Comment c'était quand vous êtes arrivé là-bas?
C'était la folie dès le départ. À l'aéroport, je n'arrêtais pas de déclencher l'alarme de sécurité avec mon costume parce que je refusais de le mettre dans la soute : je le garde toujours en bagage à main, soigneusement plié. À la fin, l'officier est venu, a fouillé mon sac et a sorti mon diadème. Il m'a regardé, a regardé mon diadème, a levé les yeux au ciel et m'a dit d'y aller. Il n'y a pas de couleur dans les zones de combat, il y a du bruit et une odeur. C'est comme si vous aviez une tondeuse remplie de vaseline sale en marche dans votre salon tout le temps : ce sont les générateurs. Il y avait des feux de désert à l'horizon, ils brûlaient le pétrole pour que les infidèles ne puissent pas l'utiliser. Ensuite, un bus scolaire orange avec des rideaux est venu nous chercher pour nous emmener à la base. Nous avons tous chanté des comptines. C'était bizarre. Étiez-vous le premier travesti là-bas?
C'était le premier vrai spectacle de variétés, et sans aucun doute le premier spectacle de travesti. C'était un risque. On m'a promis que mon premier concert aurait lieu dans une base en périphérie avec de beaux jeunes soldats pour me mettre à l'aise dans ce nouvel environnement. Au lieu de ça, c'était devant l'Australian Army et les Royal Marines. Ensuite, la boss du CSE m'a dit qu'elle pensait que ça allait très mal se passer et qu'elle allait perdre son emploi.

Est-ce que certains militaires ont mal réagi?
Pas vraiment. Certains ne comprendront jamais. Le public a été filmé. On peut voir que la plupart d'entre eux rient, tandis que d'autres regardent leurs collègues l'air de se demander : « Mais pourquoi vous trouvez ça drôle? » On peut voir qu'ils sont sceptiques. Ce n'est pas juste un spectacle. Vous deviez être là en permanence. Je suppose que vous n'étiez pas tout le temps dans la peau de votre personnage?
Non, je n'étais le personnage tout le temps, mais j'étais présent. J'étais avec eux tout le temps : je mangeais avec eux, je trichais au baby-foot avec eux. Quand je m'asseyais pour recoudre mes collants, les soldats qui n'étaient pas en service venaient s'asseoir avec moi pour me raconter leurs histoires. De quoi vous parlaient-ils?
Ils me racontaient pourquoi ils s'étaient engagés, ils me parlaient de leur peur, de leur famille, de plein de choses. Je me souviens d'un gars qui avait abandonné son boulot de coiffeur pour s'engager. Il le regrettait. Il y avait aussi ce beau gars du 9e régiment. Après s'être endetté, il était devenu strip-teaser, puis acteur porno. Il cousait mes ballerines parce qu'il le faisait mieux que moi. Vous est-il arrivé quelque chose de terrifiant pendant cette tournée?
Il y a eu une attaque à la roquette à Kandahar. Je suis resté immobile, j'étais complètement hypnotisé. C'est comme si je regardais les nouvelles. Ensuite, le militaire derrière moi m'a dit : « Tu ferais mieux de ne pas rester là à attendre la prochaine. » C'est là que je me suis aperçu que je ne savais pas où était mon tutu, d'où le nom de mon livre. Quand Stacks [le Royal Marines Commando qui assurait la liaison avec les tournées de divertissement] a vu que je le cherchais, il s'est mis en furie. Quand je suis revenu à ma caserne, lui et ses compagnons avaient pris toutes mes affaires — mon maquillage, mes ballerines, tout — et les avaient enveloppées dans des mètres et des mètres de pellicule plastique. Ils avaient laissé un mot : « Assure-toi d'avoir raisonnablement peur en tout temps. » Ça m'a pris des heures pour tout déballer. J'ai eu ma leçon. Vous n'y allez plus, maintenant. Pourquoi?
J'y suis allé quatre fois et je n'y vais plus parce que l'effet de surprise est disparu. Ils savaient ce que j'allais faire. On m'avait envoyé là-bas pour chasser de leur esprit tout ce qu'ils voyaient pendant la guerre. Suivez Olivia Marks surTwitter.

My Tutu Went AWOL! de Iestyn Edwards est paru chez Unbound.