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Sport

À la rencontre des deux mecs qui ont monté une équipe de football en Mongolie

Deux Anglais dans un pays où l’hiver dure six mois.

Paul Watson, assis avec son équipe de Bayangol. Toutes les photos sont publiées avec l'aimable autorisation du Bayangol FC.

Il y a quelque temps, j'avais parlé à deux Anglais qui venaient de déménager sur une petite île de Micronésie, Pohnpei, afin d’entrainer une équipe de football. Bien que 90% de la population de Pohnpei soit obèse et ne présente pas le moindre intérêt pour le foot, Paul Watson et Matthew Conrad avaient réussi à monter une équipe et l’avait conduit à sa première victoire ; celle-ci avait exterminé le club rival de l'île de Guam 7 à 1.

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Il s’est avéré que je n’ai pas été le seul à trouver l'histoire des Mighty Ducks de Micronésie profondément touchante ; après la publication de l'interview, un entraîneur de Ligue 1 de Mongolie m'a demandé de le mettre en contact avec Matt et Paul pour leur demander d’entraîner une équipe là-bas. Ils ont accepté. Paul s'est donc envolé pour la Mongolie afin de commencer à recruter des joueurs potentiels et trouver des sponsors ; Matt l'a rejoint un mois plus tard.

Comme la Micronésie, la Mongolie n'est pas un pays réputé pour sa culture footballistique ; 30% de la population est encore nomade et Oulan-Bator est la capitale la plus froide de la planète – il y fait jusqu’à - 40 degrés. Personne n’a les couilles de passer 90 minutes à courir en short quand il fait froid comme ça. J'ai donc pris des nouvelles de Matt et Paul pour savoir s’ils n’avaient pas chopé la crève.

Paul présente le maillot du Bayangol FC, aux côtés de deux responsables de l’équipe

VICE : Salut les gars. J'imagine que ça a été un choc quand le représentant de la Ligue 1 mongole vous a proposé de vous occuper d'une équipe locale.
Paul Watson : Je ne dirais pas que ça a été une surprise ; on a toujours espéré en secret qu'une opportunité comme celle-ci se présenterait. La façon dont ça c'est déroulé fut en revanche très surprenante ; ça m’a rappelé la manière dont on avait commencé à Pohnpei – le patron de l’ancienne fédération micronésienne avait déménagé à Chingford, où on l'avait rencontré. Une pure coïncidence.

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Comment va votre nouvelle équipe ?
Je suis arrivé en Mongolie à la mi-octobre et depuis on a choisi un nom – le Bayangol FC –, un logo, on a chopé un kit d’entraînement, et on a trouvé un sponsor, Frutta Active, l'un des plus gros soft-drinks de Mongolie. Plus important encore, on a sélectionné nos joueurs. Notre accord avec le sponsor est lié à une chaîne de télévision, NTV, laquelle tourne une émission de télé-réalité, « Dream Team », sur le développement de l'équipe. Les joueurs ont été sélectionnés à l’issue de deux stages d’entraînement à Oulan-Bator. Pour l’instant, on a sélectionné 20 joueurs, mais on va peut-être en recruter d'autres.

Matthew Conrad : Paul a fait un travail de fond incroyable pour choper les premiers joueurs. Ça n'a pas été facile, car les problèmes de toute nouvelle franchise – le financement, les sponsors – sont très chronophages. De plus, c'est l'hiver ; et la Mongolie en hiver, c’est tendu.

Paul, portant le maillot du Bayango FC

Ouais. J'ai entendu que les températures à Oulan-Bator pouvaient atteindre les – 40°.
Paul : Il a fait étonnamment doux jusqu'à présent, mais c'est vrai que ça peut être compliqué de vivre dans ces conditions. Jusqu'à fin mars ou début avril, on s'entrainera à l’intérieur, dans un gymnase de foot en salle.  Mais le fait qu'en Mongolie il n'y ait pas de terrain couvert aux dimensions réglementaires est un grand problème – et l’une des raisons pour lesquelles l'équipe nationale a tant de mal à progresser. Ils sont désavantagés par rapport aux autres équipes asiatiques et pour cause : ils ne peuvent pas jouer au foot six mois dans l'année. On ne peut jouer qu'au futsal, un sport assez différent du vrai foot. C'est une variante de foot qui se joue en salle sur un terrain plus petit. Il y a deux jours, je participais à un meeting pour proposer la construction d'un centre couvert à l'extérieur de la ville ; ce serait un grand pas en avant pour le foot local.

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Quels sont les autres défis que vous avez à affronter ?
Matt : Eh bien, personne ne parle anglais ici. Et surtout pas les joueurs.
Paul : Oui, j'ai étais assez surpris de voir que presque personne ne parlait le moindre mot d’anglais ici. Parmi les joueurs, il n'y en a qu'un qui parle anglais couramment – il a fait ses études aux États-Unis. Entrainer une équipe avec un traducteur est un défi intéressant ; on doit être sûr que l’intermédiaire comprenne exactement ce que l'on veut dire avant qu’il transmette les instructions aux joueurs. L'aspect financier a aussi été un problème, toujours d'actualité. L'idée c'est de former la première véritable équipe professionnelle de Mongolie. Aujourd'hui, on a encore un budget très serré, mais on a au moins réussi à faire venir un gros sponsor.

Y a-t-il d'autres obstacles d’ordre culturels ? Il y en avait déjà beaucoup quand vous entrainiez l'équipe de Pohnpei.
Pas de la même façon qu'à Pohnpei. Les joueurs d’ici ont été très réceptifs et nous disposons d’un traducteur qui joue le rôle d’intermédiaire ; il peut aussi nous expliquer des choses. Il m'a dit que je devais me raser plus souvent et m'habiller de façon plus professionnelle – ça peut être un facteur déterminant pour être vu en tant que figure d'autorité. Ça me change des shorts de Pohnpei.

Oui d’ailleurs, quelles sont les différences entre votre expérience en Mongolie et celle vécue en Micronésie ?
Ce projet est un grand pas en avant pour nous. Le but de tout ça est de procéder avec autant de professionnalisme que les équipes occidentales. Je cherche à créer une structure d'entrainement et faire progresser les joueurs pour qu'ils aient l'opportunité de jouer plus tard partout dans le monde. J'aimerais également optimiser les capacités de l'équipe nationale. Je veux amener une précision scientifique au foot d’ici – ce qui n’existe pas encore vraiment –, me servir des analyses vidéo, faire faire de la musculation à nos gars et multiplier les exercices avec le ballon. Tous ces concepts existent en Europe, mais pas encore ici.

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Il y a beaucoup de fans de foot en Mongolie ?
Ouais, tout le monde adore le foot ici. C'est même devenu le sport le plus populaire à la télé. La Premier League anglaise est partout, et il existe des fan-clubs avec des milliers de membres pour Manchester United, Liverpool, le Real Madrid, Chelsea, etc. D'ailleurs, je me rends à un regroupement de fans demain soir, ça va être cool. Le problème avec le foot professionnel, c'est qu'il est vu comme un sport étranger que les Mongols regardent seulement à la télé. Ça ne devrait pas être vu comme ça ; il y a des joueurs extrêmement talentueux et d’autres très athlétiques en Mongolie. Ils devraient espérer pouvoir jouer au plus haut niveau. Le pays a besoin de s'identifier à des footballeurs locaux – et le Bayangol FC a bien l'intention d'en former.

Paul, en compagnie d’un joueur de Bayangol qui vivait dans le désert de Gobi avant de rejoindre l'équipe

Pensez-vous recruter des citoyens nomades de Mongolie dans votre équipe ?
Je ne pense pas que ça arrive. La tradition nomade est en train de disparaître et ceux qui ont choisi cette vie n'ont que peu de temps pour le football. Mais un de nos joueurs habitait dans le désert de Gobi avant de signer pour jouer avec nous.

Vous pensez que le temps passé avec l'équipe de Pohnpei vous a préparé mentalement pour entrainer cette équipe mongole ?
Pour l'instant, ça nous a été très utile. Les choses ici peuvent être difficiles et les plans peuvent changer à tout moment, comme à Pohnpei. Mais, comme je l'ai dit, ici c'est l'étape supérieure – le boulot que j'ai fait et les leçons apprises durant mes trois ans à Pohnpei vont m'aider. J'ai aussi eu la chance d'avoir le support d'entraineurs fantastiques parmi la communauté de coachs britanniques exilés en Asie. Hugo Langton, un coach que j'ai rencontré à Pohnpei, m'aide beaucoup. Il bosse au Bromley FC, un club qui ne cesse de progresser. Dès que j'ai su que j’allais bosser ici, il m'a dit qu'il ferait tout pour me préparer mentalement. Je sais que je peux l'appeler à tout moment.

Cool. Merci les gars, et bonne chance pour la suite.

Un docu sur les expériences de Paul et de Matt, The Soccermensortira l'année prochaine, et Paul a publié un livre sur leur aventure en Micronésie ; ça s’appelle Up Pohnpei, et vous pouvez l’acheter ici.