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Musique

Dirty Deal Audio a inventé la musique électronique de Lettonie

La conquête spatiale soviétique n’est pas terminée – elle continue avec des robots en carton-pâte.

Dirty Deal Audio est un label de musique électronique lancé par des mecs de Riga, en Lettonie. Il fait également office de communauté dans cette douloureuse ère de reconstruction postsoviétique.

Récemment, plusieurs nations baltes ont créé le Baltic Trail (la « Voie balte », en français), un festival organisé en conjonction par les trois pays. Face à la mer Baltique et à côté de la Russie, la Lettonie est un territoire minuscule, coincé entre la Lituanie (territoire des Renegades of Bump) et l'Estonie (terre d’accueil de Emerald City). Dirty Deal complète le trio balte de nouveaux labels qui ont émergé un peu partout ces cinq dernières années.

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Le label est né en 2011 dans le sous-sol de l'espace culturel Dirty Deal, bâti à Riga en 2007. C’est également là qu’ils reçoivent des DJ – inconnus mais légendaires là-bas –, type Oriole, TV Maskava ou KODEK, personnage étrange obsédé par son chat. Sans mentionner des hommes-robots faits en boîte de carton et des milliers de tenues fluo. Plus tôt ce mois-ci, NiklāvZ a gagné le « défi des beatmakers » au Satta Outside Festival, en Lituanie.

Évidemment, il n’existe pour l’heure aucune presse à propos de ces trucs en France, c’est pourquoi j'ai interviewé le fondateur de Dirty Deal Audio, Kristaps Pukïtis. Il nous a raconté depuis son bureau de Riga les débuts du label, le néant économique des pays baltes, nous a parlé de ses artistes et nous a certifié que le cosmos était sa principale source d’inspiration.

NOISEY : Salut Kristaps. Existe-t-il une musique électronique lettone ?
Kristaps Puķītis : La plupart des lettons s'attardent encore sur la pop FM pourrie, ou sur les bonnes vieilles chansons populaires, les « schlager ». Mais il existe aussi une scène électronique naissante qui s'agrandit et s’impose de plus en plus. Cette scène est comme un nouveau-né sous stéroïdes, mélangée à du LSD – il ne sait pas comment marcher correctement, mais il grandit vite et fait beaucoup de bruit. La pierre angulaire de ce phénomène a été posée il y a presque deux ans lorsque plusieurs producteurs se sont réunis et se sont mis à pousser ensemble leur obsession pour la musique électronique encore plus loin, de manière plus organisée.

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À quel point la musique contemporaine lettone est « electro » ?
Eh bien, la plupart de nos musiciens travaillent avec des samplers, des synthétiseurs et des ordinateurs, donc je dirais que oui, c’est électro. Les styles des producteurs, en revanche, sont divers et évoluent sans arrêt, même s'ils travaillent généralement avec le même type de matériel. Il y a de la musique légère et positive, mais en même temps, certaines compositions sont agressives, sombres, probablement parce que les Lettons sont généralement des gens passifs, et qu’il s’agit d’une façon pour eux d'exprimer leur colère – soit en jouant de la musique, soit en écoutant cette musique et en dansant.

Comment votre label Dirty Deal Audio a-t-il débuté ?
J'étais largement inspiré par la communauté de beatmarkers lithuaniens Renegades Of Bump, notamment leurs compilations Ritmo Kovos. Aussi, j'en avais marre que la Lettonie soit gouvernée par le rock FM et qu'il n'y ait pas de scène électronique à proprement parler. C'est pour ça que j'ai contacté Oriole. Dès notre rencontre, on s'est rendu compte qu'on partageait les mêmes attentes quant au futur – avoir notre propre label, notre propre communauté de musiciens lettons. À partir de là, on a réuni un certain nombre de producteurs beat-music. Aussi je ne pense pas qu'on soit un vrai label pour l'instant – on ne signe pas de contrats avec les musiciens ; on travaille sur une base d'amitié et on se soutient mutuellement pour atteindre nos buts communs, c’est-à-dire créer une scène locale pour les musiciens et leurs fans, en plus de se faire remarquer à l’étranger. Après deux ans, nous en sommes toujours au début de notre carrière ; on apprend les règles du système.

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Sur votre label, il y a KODEK. Comment expliqueriez-vous le phénomène qui entoure ce prétendu robot en carton ?
KODEK a dépassé l'attitude moderne. Il est né il y a 10 ans. KODEK et TV Maskava ont passé leur diplôme à l'École Shitcore de Madona (une petite ville de l'est de la Lettonie) Madona possède un rôle spécifique dans la scène électronique lettonne : on dit que tout ce qui se passe aujourd'hui en Lettonie a été déclenché par une météorite tombée sur la ville, d'autres croient que les aliens ont eu une grosse influence sur le développement de la scène de cette région.

Kodek est passé par un grand nombre de transformations d’un point de vue musical ; il a commencé par le breakcore, est passé par le 8-bit, tout ça jusqu'au skweee – une sorte de new wave industrielle, de l’EBM d’aujourd’hui. Il voyage parmi les galaxies et le temps.

KODEK – JUPITER 8000 de Inese Verina sur Vimeo

J’ai entendu dire que ORIOLE était réputé en Lettonie.
Son succès résulte du fait qu'il ait suivi sa passion jusqu’à aujourd’hui. Ses racines s’enracinent depuis toujours dans la scène hip-hop lettonne ; dans le même temps, il collaborait déjà avec des artistes étrangers et est passé du statut de simple beatmaker à celui de véritable musicien. Il croit à ce que nous voulons faire avec Dirty Deal Audio. Sur un plan moins historique, des rumeurs courent selon lesquelles Oriole possèderait une connexion directe avec le cosmos.

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Un de vos artistes, Niklāvz vient de remporter le beatmakers' challenge au Satta Outside Festival. Quel est votre prochain objectif ?
Le monde, avec un peu de chance. On se voit partir en tournée dans un futur – à la fois proche et éloigné – et faire reconnaître notre label et nos artistes sur le plan international. Dans un futur plus proche, des collaborations internationales avec nos associés baltiques sont, de mon point de vue, inévitables. On aimerait participer à des festivals et surtout, faire notre possible pour éduquer le public letton en organisant des événements encore plus gros chez nous, y compris une nouvelle édition de notre rassemblement, le Baltic Trail.

Pensez-vous que votre label soit comparable aux Renegades of Bump de Lituanie ou à Emerald City en Estonie ? 
Les trois labels diffèrent de par leur background, leur histoire et leur stade de développement actuel. Aussi, on est plutôt différents d'un point de vue musical, bien que l’on puisse tout de même trouver des similitudes. On a des buts relativement proches : travailler pour promouvoir nos scènes électroniques locales et nos artistes.

C'est la raison pour laquelle on s'est réunis et qu'on a commencé notre projet commun – le rassemblement de musique électro balte, le Baltic Trail [en référence à La Voie balte (1989)], événement que je considère historique et qui a rassemblé près de deux millions de personnes lors de la première édition. Le Trail a été une expérience bouleversante pour les 21 DJs originaires de Lettonie, de Lituanie et d'Estonie, et, sans trop m’avancer, je dirais qu’il a signé un début de bouleversement historique pour la musique électronique balte dans son ensemble.

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