FYI.

This story is over 5 years old.

Life

Mes potes sont toutes des filles

J'ai 30 berges, suis un mâle hétérosexuel, et mes plus proches amies appartiennent toutes au sexe opposé. Et je n'ai pas envie de coucher avec elles.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Avoir des amies filles
L'auteur et ses amies
mes-potes-sont-tous-des-filles-body-image-1458921225

L'auteur quand il était beaucoup plus jeune.

Quand j'ai le malheur de perdre mon temps à parcourir les SMS enregistrés sur mon iPhone, je réalise que tous mes messages reçus proviennent de téléphones féminins. J'imagine qu'un mot de dix lettres germe immédiatement dans votre esprit. Vous vous dites qu'un type uniquement ami avec des meufs est forcément homosexuel – ou, du moins, très porté sur la genderfluidité. Pourtant, ce n'est pas mon cas.

Publicité

Certaines personnes m'ont toujours accusé de posséder un harem personnel, disponible à ma guise. Les gens ont tendance à croire que l'amitié homme-femme est une couverture pour cacher des sentiments amoureux – bon, OK, surtout des pulsions sexuelles en fait. Certaines études insistent d'ailleurs sur la plus forte propension des hommes à considérer leurs amies comme étant de possibles futures conquêtes. Pourtant, je n'ai jamais couché avec l'une de mes potes, et je ne compte pas le faire dans un avenir proche. D'ailleurs, une étude menée en juillet 2015 par l'université d'Alabama aux Etats-Unis précise que les hommes et les femmes ne sont pas si éloignés que cela en ce qui concerne leur conception de l'amitié intersexe.

Au-delà de ça, je suis de toute façon incapable de masquer mes sentiments plus de cinq minutes, sous peine de m'effondrer nerveusement et d'avouer ma solitude sexuelle, mon amour pour François Bayrou et les endives au jambon de ma grand-mère.

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être ami avec des filles. Je pense que c'est surtout dû à mes goûts – j'adore me moquer de mes collègues féminines, et je sais qui est Ariana Grande, contrairement à 99% des êtres humains dotés de testicules.

Cela ne veut pas dire que je n'aime pas les trucs de mecs. Je me suis intéressé au foot un peu plus tard que la normale, mais j'ai beaucoup d'autres centres d'intérêt considérés comme virils par la doxa : les livres de Paul Auster, les jeux d'argent, le hip-hop et, bien entendu, les filles. J'aime faire des blagues puériles, emplies de sexisme et d'homophobie latente – et je me mets des cuites de manière répétée. Je possède donc toutes les caractéristiques du mec dit « moderne » – du moins selon GQ, délivreur d'hadiths masculinistes depuis 2008.

Publicité

En fait, je n'ai jamais su comment m'y prendre avec les mecs. Prenons mon collègue de boulot, Léo. Je l'aime vraiment beaucoup, Léo. J'aimerais le connaître un peu plus. Mais que dois-je faire ? L'inviter à dîner ? En fait, dès que j'y réfléchis, je m'imagine en train de dire un truc du genre : « Hey mec, tu as entendu parler de ce nouveau petit resto de houmous végane dans le XIe ? On a qu'à y aller vendredi à 20h ? Ou bien je peux cuisiner si tu préfères ? Et après on pourra se mater Melancholia, si ça te dit. » Et que va faire Léo ? Décliner mon invitation après m'avoir rappelé qu'il a une copine – tout en ne se privant pas de se moquer de mon homosexualité supposée auprès de nos collègues.

Pendant un temps, j'ai cru que l'alternative serait de rencontrer des mecs en club. Mais comment faire ? Quand je sors avec mes amies, je prends un verre avec elles et raconte ma vie – mes flirts, ma relation avec mon patron, les tournois de ping-pong du bureau et les inénarrables soirées tacos organisées par les cerveaux du marketing. Avec un mec, c'est tout à fait différent. Il ne faut même pas penser à aborder des sujets plus graves – genre, le cancer, le statut des Roms en France ou la qualité du dernier film d'Arnaud Desplechin.

mes-potes-sont-tous-des-filles-body-image-1458921269

En fait, j'ai réalisé il y a peu de temps que les discussions avec mes amies relevaient surtout du domaine de l'intimité – domaine que je ne désire absolument pas aborder avec Léo, par exemple. Je n'imagine pas être en train de lui parler de mon mal-être, de ma volonté de rentrer à Bordeaux ou de mes problèmes de prostate. Au risque de passer pour un féru de l'essentialisation des sexes, je me risquerais à dire que la plupart des amitiés masculines consistent à échanger des remarques vaseuses autour de quelques pintes – amitié simple, limitée, et revendiquée comme telle.

Publicité

Comme je n'ai jamais fait partie d'un groupe de mecs jusqu'à maintenant, je ne vois pas par quel moyen je pourrais en rejoindre un – je ne suis pas sûr de le vouloir, d'ailleurs. Aujourd'hui, il ne me reste plus qu'une seule opportunité pour rencontrer des individus de sexe masculin sans que nos interactions deviennent gênantes – les mecs de mes amies. C'est idéal, en fin de compte. Quand vous êtes obligé de traîner avec quelqu'un, vous finissez par apprécier ces conversations forcées qui mêlent analyses de la dernière mixtape de Future et remarques acerbes sur l'Instagram de petites rates fadasses.

Au final, je me sens surtout très chanceux de connaître mes amies. Je chéris leurs analyses acérées et leur perspicacité. Elles peuvent se montrer vraiment horribles parfois, ce qui n'est pas pour me déplaire.

Et, oui, j'aime les entendre parler du nouveau morceau d'Ariana Grande.

VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.