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On a demandé aux Parisiens comment ils avaient vécu les attentats

Tandis que certains sortent désormais avec la peur au ventre, d'autres ont la ferme intention de ne pas laisser la crainte les envahir.

Le logo « Peace for Paris » de l'artiste Jean Jullien, beaucoup repris et diffusé sur les réseaux sociaux

Vendredi 13 novembre. L'horreur a touché Paris, et par là le cœur de la civilisation occidentale. La série de six attentats menés quasi simultanément à Saint-Denis et dans les Xe et XIe arrondissements de la capitale a été un carnage. Des attaques qui ont depuis été revendiquées par l'État islamique. Paris est tachée du sang d'innocents. C'est le deuxième attentat de l'histoire le plus meurtrier en Europe – après celui de Madrid le 11 mars 2004.

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Dix mois après les événements de Charlie Hebdo, les sept terroristes ont pris pour cible les fans de foot et les fêtards du vendredi soir – en gros, le Français type qui est de sortie après sa semaine de boulot. À coups de fusils à pompe, de Kalachnikov et d'explosions kamikazes – le premier cas d'attentat de ce type en France –, ils ont tué plus de 120 personnes et en ont blessé 352 autres, selon le dernier bilan. Suite au drame, François Hollande a annoncé le rétablissement du contrôle aux frontières, l'état d'urgence sur tout le territoire – une première en métropole depuis la guerre d'Algérie – et décrété un deuil national de trois jours, une durée record sous la Ve République.

Dans ces conditions, le réveil du samedi matin a été bien plus dur qu'avec une simple gueule de bois. L'horreur de la veille n'était pas qu'un mauvais cauchemar. La panique avait plus ou moins disparu, faisant place à l'effroi. Néanmoins, la vie continuait. Paris tournait, au ralenti. Les gens déambulaient calmement dans les rues, certains avec la peur au ventre. D'autres avaient la ferme intention de ne pas se laisser dicter par la crainte. Samedi après-midi, au lendemain des attaques, je suis descendu dans les rues de la capitale pour discuter avec eux.

Steeve, 38 ans, comédien et chanteur

VICE : Ces attentats vont-ils changer quelque chose à ton quotidien dans les jours à venir ?
J'ai suivi les événements de près. C'était horrible, il n'y a pas d'autres mots. Forcément, avec les lieux publics qui sont fermés, mes habitudes vont changer un peu. Toute la vie culturelle est en pause. Ça fait réfléchir. Aujourd'hui, je suis sorti dans la rue alors qu'on aurait plutôt pour consigne de rester chez soi, mais il faut essayer de vivre normalement.

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C'est peut-être ce qu'il faudrait faire…
Oui, mais ce n'est pas simple. Ce qui s'est passé change la donne, qu'on le veuille ou non. Ça n'empêche pas de voir des amis, se balader ou prendre un verre en terrasse, mais ce ne sera pas avec la même tonalité, et pas dans les mêmes endroits.

Tu t'interdis certains lieux ?
Pas vraiment ; je me suis même dit que j'irai à République [pour les hommages]. Mon sentiment principal n'est pas la peur.

Yadira, 22 ans, informaticienne

VICE : Comment as-tu vécu les évènements tragiques d'hier ?
Yadira : Je suis Cubaine, et voir ce qui se passe à Paris me rend vraiment triste. J'habite ici depuis deux mois et c'est la première fois que je vis quelque chose d'aussi fort. C'est horrible.

Ta façon de vivre va changer avec ce qui s'est passé ?
Oui, c'est sûr. Aujourd'hui je voulais aller au jardin des Tuileries avec mon copain et je lui ai dit que je préférais rester dans le nord de Paris, en sécurité.

Tu as peur en ce moment ?
Oui. Ça me fait peur d'être dans la rue, même maintenant en pleine journée. Je voulais quand même prendre l'air, mais je vais rentrer. J'attends que ça redevienne plus calme pour vivre de nouveau normalement. Je préfère ne pas prendre de risque inutilement.

Ambroise, 20 ans, étudiant en économie

VICE : Comment ça va après les attentats de vendredi ?
Ambroise : J'habite boulevard de Charonne. Ma famille m'a raconté en détail ce qui s'était passé là-bas. C'est horrible. Je me sens bizarre. Je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé. Je rentre chez moi là. J'étais dans le IXe à regarder le foot avec des amis pendant les attaques.

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Rentrer chez toi, dans ce quartier, avec ce qui vient de s'y passer, doit être assez étrange…
Ouais, des événements traumatisants s'y sont passés. J'ai un peu d'appréhension.

Est-ce que ta routine quotidienne va changer ?
Non, je ne pense pas. J'ai envie de vivre normalement. C'est le mieux à faire, je crois. Sinon, ça voudrait dire qu'ils ont réussi leur coup.

Benjamin, 22 ans, travaille dans l'audiovisuel

VICE : Comment vis-tu les attentats de vendredi ?
Benjamin : C'est affreux. Si ça fait un moment que je me dis que le monde est niqué, là c'est vraiment dur. Je m'interroge aussi sur le moyen terme et sur ce que ça va mettre dans la tête des gens. Je pense aux élections, par exemple. Les évènements comme ça sont repris par les politiques, et ça change l'avis des gens.

Est-ce que tu vas changer quelque chose à ton quotidien ?
Je n'ai pas peur pour ma sécurité ou ma santé, donc je vais faire comme d'habitude. J'hésite à sortir boire des coups, mais plus à cause de l'ambiance générale que la crainte d'un autre attentat. Dans le nord de Paris ça va, mais plus au centre il n'y a vraiment pas grand monde dans les rues.

Ça ne t'empêche pas de sortir dans les rues aujourd'hui.
Je pense à ce qui s'est passé, mais ça ne m'empêche pas de prendre l'air et marcher un peu.

Dominique, 42 ans, agent d'exploitation

VICE : Comment avez-vous vécu les attentats de vendredi soir ?
Dominique : Le nombre de morts ne fait qu'augmenter et ils ont ciblé toute la population. Je ne me sens pas en sécurité, pas du tout.

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Vous allez désormais faire attention à ce que vous faites ?
Oui, certainement. Je vais surtout faire plus attention aux endroits que je fréquente. Je vais éviter les grandes places et les lieux de rassemblement. Je vais moins sortir, tout simplement.

Vous êtes quand même sorti aujourd'hui.
J'ai hésité à le faire. Mais je m'apprêtais à rentrer chez moi. Déjà ce matin, je ne suis pas sorti. J'ai renoncé. J'ai préféré rester chez moi. Je vais être prudent jusqu'à la fin de l'état d'urgence. Je vais travailler depuis chez moi et sortir que quand ce sera nécessaire. Mon quotidien va être bouleversé, j'en suis sûr.

Étienne, 20 ans, étudiant

VICE : Comment as-tu vécu le massacre d'hier ?
Étienne : Il n'y a pas de mots pour décrire tout ça, c'est dégueulasse. C'étaient des gens comme moi qui allaient boire un verre en terrasse ou dans un bar. Je suis encore sous le choc.

Tes habitudes des prochains jours vont-elles changer après ces attentats ?
Il ne faut pas changer ses habitudes, sinon ça voudrait dire qu'ils ont gagné. Si on a peur, on joue leur jeu. Ce serait malheureux.

Tes plans restent les mêmes ? Te balader, boire des coups, etc ?
Tous les établissements publics culturels sont fermés, donc je ne peux pas faire tout ce que j'aurais voulu. Sinon, oui, ce soir je vais boire des coups avec des amis. Il y a toujours des pensées du drame qui ressurgissent, mais il faut éviter de changer radicalement son quotidien. C'est ce que je pense, après dans les faits c'est différent. On verra.

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Noémie, 25 ans, attachée de presse

VICE : Comment as-tu vécu les attentats d'hier ?
Noémie : J'étais coincée dans un café, pas loin de la fusillade rue Bichat. J'étais en terrasse et le proprio nous a dit de tous rentrer à l'intérieur. On s'est tous réfugiés dans le bar. Je suis ensuite allée vers République et un agent de police m'a attrapée pour me mettre à l'abri dans un autre restaurant. Je suis restée là quelque temps et j'ai pu rentrer plus tard.

T'as presque vécu ça de l'intérieur.
Oui. Ce qui est bizarre, c'est que je vais manger au Petit Cambodge une fois par semaine et que, pendant les 45 minutes d'attente pour avoir une table, je vais me prendre une bière au Carillon. J'aurais pu y être ce soir-là. Ce qui se passe est horrible. On avait l'impression d'être en sécurité à Paris, mais maintenant tout a changé.

Et cette fois ils ont ciblé le Français type – celui qui va boire des pintes en terrasse ou qui va en concert.
Je savais qu'on était une cible numéro 1, mais à ce point-là ça fait peur. Ils ont ciblé une vie qu'ils voient comme une vie de débauche, de joie… Ça n'a pas de sens. Aujourd'hui, les attentats sont ici, chez nous. C'est dingue.

Ça va changer ton quotidien dans les prochains jours ?
Non, parce que je ne le veux pas. Je vais boire un coup avec une copine ce soir, rien de festif – parce que ce n'est pas à l'ordre du jour. J'espère que le bar sera ouvert. Mais par exemple, avec toutes les rumeurs, même si je fume je ne vais pas aller en terrasse…

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