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Ce que la COP21 m’a appris de la nullité humaine

Une chose est certaine : le sommet de Paris ne changera pas l'état du climat, ni les hommes, ni le monde.

La 21e COP de l'Histoire s'est ouverte un peu plus de deux semaines après les attentats du 13 novembre dernier. Abréviation de Conférence des Parties, ce sigle évoque la réunion des grands décideurs du monde, qui sont censés prendre des engagements afin de lutter contre les changements climatiques. Joyeux bordel réunissant des pays dont l'économie fonctionne grâce au charbon et des États précurseurs en matière d'énergie verte, ce sommet aurait dû représenter une occasion unique pour la société civile d'exprimer ses attentes – et ses craintes. Manque de chance, Daesh en a décidé autrement, et les manifestations ont été interdites.

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Avec pour objectifs de limiter le réchauffement climatique mondial en deçà de 2 degrés à l'horizon 2100 et de réunir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, le sommet de Paris affiche des ambitions réelles. Président de la COP21, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a d'ailleurs annoncé que l'accord trouvé devrait être « contraignant » – allant par ailleurs à contre-courant des déclarations de John Kerry. Cette énième Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques connaitra-t-elle le triomphe posthume de Kyoto ? Pas évident. Et si, après tout, son péché originel ne résidait pas dans son slogan même ? Quand on désire « Préserver la planète, protéger les hommes », on ménage la chèvre et le chou, et, comme le dit mon grand-père, on oublie surtout que « les gens sont cons ».

Cons, et égoïstes. Certains ont beau avoir renoncé à la viande, d'autres aux voitures, et moi aux bains moussants – de par l'absence de baignoire dans mon appartement –, je reste persuadé que l'être humain est convaincu d'être destiné à protéger son confort au détriment de la survie de ses arrière-petits-enfants. Et je le comprends. Loin de me prélasser dans les limbes cotonneux du cynisme, il me paraît normal d'avoir du mal à envisager un futur qui verrait par exemple les Français vivre en short.

Au sein des milliers d'articles quotidiens qui surgissent au cœur du Léviathan-Internet, certains ne laissent que peu de doutes quant au devenir de notre société, et à notre absence objective de responsabilité individuelle. C'est ce mélange d'hypocrisie et de d'inconscience, caractéristique des discussions sur l'environnement, qui n'augure rien de bon pour les têtes blondes du monde entier. Voici en gros ce que j'ai retenu de tout ça.

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Une hippie. Photo via Flickr.

LES GENS SE FOUTENT TOUJOURS AUTANT DE L'ÉCOLOGIE
Au fond, avec un rapport INTÉRÊT/IMPORTANCE le plus faible de l'Histoire – au coude-à-coude avec la faim dans le monde – les thèmes liés à l'écologie ennuient. De fait, parce qu'ils paraissent insolvables. C'est ce désintérêt, et l'impuissance des Grands-de-ce-Monde face à ce méta-problème, qui explique sans doute pourquoi la violence policière prolifère sans que ne s'offusquent les citoyens de l'autoproclamée « patrie des droits de l'Homme ».

COLORIER LA TOUR EIFFEL NE VA PAS CALMER L'ACIDIFICATION DES OCÉANS
Vous le saviez, vous, que le pH des eaux superficielles du globe est passé de 8,25 à 8,14 en un peu plus de 250 ans ? Moi, je viens de l'apprendre. Alors que cette modification dramatique, provoquée par l'être humain, renforce le dérèglement climatique, les chargés de com' et autres D.A. du Monde Libre n'ont qu'une seule réponse à apporter : mobiliser les gens via leur smartphone. Encouragé à « planter une graine de lumière » dans la Tour Eiffel, n'importe quel génie à la conscience écologique acérée recevra un certificat lui permettant de suivre l'évolution de l'arbre qu'il a contribué à planter – littéralement, cette fois-ci – quelque part dans le monde. Selon Joana Cartocci, chef du projet, citée par Le Monde, « l'idée est de reconnecter l'homme et la nature ». J'imagine que les photos Instagram de blogueurs partis se ressourcer au cœur de la campagne normande découlent d'une même envie.

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VOUS POUVEZ VOUS FAIRE ARRÊTER – ET BATTRE – À CAUSE DE LA COP21
Cyclistes réprimés et manifestations interdites, cette COP21 tendance Peur sur la ville aura au moins marqué son époque quant à sa propension à étouffer toute implication citoyenne. Alors que les spécialistes des politiques publiques insistent sur la nécessité de légitimer les décisions prises par les dirigeants, aujourd'hui, personne ne semble se soucier de savoir si les mesures adoptées seront acceptées par l'ensemble du spectre humain.

CERTAINS PAYS N'EN ONT CLAIREMENT RIEN À FOUTRE
Douze États qui ne rendent pas leur engagement sur la réduction des gaz à effet de serre, une Belgique qui nous rassure en montrant qu'il y a toujours plus ridicule que soi et les puissances pétrolières qui s'engagent a minima. L'écologie tendance étatique ressemble beaucoup à un holocauste généralisé de la responsabilité politique sur l'autel de l'égoïsme à la petite semaine.

On peut comprendre que la remise en cause d'un système économique basé sur le pétrole ne satisfasse pas les pétromonarchies du Moyen-Orient, dont la stabilité repose sur cette manne financière. Que l'Arabie Saoudite ne veuille pas contribuer à la diminution de la consommation d'énergies fossiles, c'est égoïste et criminel à long terme, mais logique. En revanche, qu'un nombre aussi important de nations occidentales occulte le fait qu'abandonner le pétrole reviendrait à revoir entièrement notre diplomatie – sans doute pour le meilleur –, c'est à se demander si certains intérêts économiques privés ne pèsent pas lourds dans la balance.

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Le capitalisme produit des outputs qui, sous des dehors progressistes, contribuent à noyer un poisson nommé changement climatique sous des torrents de concepts créés lors de week-ends d'intégration de grandes écoles de commerce.

« L'ÉCOLOGIE, ÇA COMMENCE À BIEN FAIRE »
Citation du Parrain de Neuilly-sur-Seine Nicolas Sarkozy, elle résume à elle seule la pensée d'une grande partie des élites politiques, qui savent que pour gagner une élection, il vaut mieux être surpris en train de s'adonner aux joies du sexe tarifé que de défendre la sobriété économique. Comment expliquer autrement la position du Congrès américain, qui trouve le moyen de reprocher à M. Obama son fondamentalisme vert pourtant bien gentillet ?

Si certains élus rejettent les enjeux climatiques de manière sincère – et ô combien absurde –, l'immense majorité a conscience des conséquences d'un mode de vie qui, dans son essence même, est transitoire. Mais ces types ne le diront jamais, sachant pertinemment que le courage en politique est la racine d'un baobab nommé « traversée du désert ». Et Sarkozy de nous gratifier aujourd'hui d'une comparaison couillue entre les attentats du 13 novembre et la COP21 pour dénoncer la politique sécuritaire du gouvernement – énième représentation fatiguée d'un cirque dont nous sommes les premiers spectateurs.

Encore des hippies. Photo via Flickr

LA DIPLOMATIE, TERRITOIRE DU LOL NUMÉRISÉ
Un bruissement désordonné a agité les réseaux sociaux il y a quelques jours. La raison ? Le « photobombing du siècle », dixit le journal de référence des élites hexagonales du Président comorien au beau milieu de la poignée de main de M. Abbas et Netanyahu. Inutile de trop s'appesantir sur l'inutilité d'un tel moment quand on connaît les convictions du Premier ministre israélien. Ne demeure qu'une grosse déprime à la vue d'une image qui, au fond, est aussi sinistre que celle du célèbre paysan landais sortant de chez lui en slip armé d'une pelle.

LE CAPITALISME MEURT PUIS RENAÎT, ÉPISODE 999
Si le capitalisme était un animal, il serait sans doute une vache. Passant la majorité de son temps à bouffer des idées plutôt réglo pour mieux les assimiler, sa digestion et sa défécation sont loin d'être aussi anodines que cela. « Croissance verte », RSE, greenwashing, les termes qui évoquent cette fourberie sont légion.Le métabolisme-capitalisme produit des outputs qui, sous des dehors novateurs et progressistes, contribuent à noyer un poisson nommé changement climatique sous des torrents de concepts créés lors de week-ends d'intégration de grandes écoles de commerce.

Les applaudissements feutrés ayant conclu le discours anticapitaliste d'Evo Morales dénotent ce que nous savions déjà. S'il faut que tout change pour que rien ne change, cela ne veut pas dire que si rien ne change, tout changera.

Romain est sur Twitter.