J'ai assisté à un exorcisme islamique dans l’arrière-salle d’un salon de manucure

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J'ai assisté à un exorcisme islamique dans l’arrière-salle d’un salon de manucure

Arif Malik chasse djinns et mauvais oeil.

Une séance d'exorcisme

Quand j'étais à la fac, je trouvais chaque matin tout un tas de prospectus sur mon paillasson. La plupart du temps, il s'agissait de pubs pour des ailes de poulet à 1 euro ou des flyers pour des soirées gratuites pour les filles avant minuit. Parfois, parmi toutes ces merdes, il y avait un étrange prospectus proposant les services d'un « musulman exorciste de djinn ».

Les djinns sont des êtres surnaturels dont le Coran fait régulièrement mention. Ce sont des entités faites d'un feu ardent sans fumée dont on dit qu'elles sont capables d'habiter des êtres humains. Les djinns sont sensés jouir de libre volonté, ce qui signifie que, tout comme les hommes, ils peuvent décider s'ils veulent être bons, opportunistes ou des sales cons conduisant des âmes bienveillantes à leur perte.

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L'exorcisme de djinns, comme vous l'avez sans doute compris, implique l'expulsion forcée d'un de ces esprits d'un corps humain.

À cette époque, ces prospectus éveillaient chez moi une simple curiosité culturelle. Mais en y repensant quelques années plus tard, je me suis rendu compte qu'il devait en fait y avoir une demande continue d'exorcisme qui justifiait l'envoi répété de ces prospectus.

Plus j'y pensais, plus cela suscitait mon intérêt. Je voulais savoir comment ces rituels se déroulaient et si j'avais pour voisin un exorciste. J'ai cherché sur Internet, et il est apparu que les exorcismes de djinns étaient pratiqués dans toute l'Angleterre, des grandes métropoles aux petites villes, comme Bicester dans le comté d'Oxford.

Pour assister à une séance, je suis entré en contact avec quelques exorcistes.

La majorité d'entre eux étaient réticents à l'idée d'avoir quelqu'un qui observe leur travail – probablement parce qu'ils pensaient que j'allais me moquer d'eux ou décrier leur activité, bien que ce n'était pas du tout mon intention.

Par chance, Arif Malik, exorciste basé à Glasgow, m'a autorisé à assister à une de ses séances – il m'a néanmoins demandé de me soumettre à un test préalable pour voir si je n'étais pas possédé par un djinn.

Arif Malik, exorciste

Le test consistait à écouter pendant une demi-heure des enregistrements de chants religieux et de voir si j'étais en prise à des visions. J'ai somnolé la moitié du temps, probablement à cause des mélodies – ou peut-être parce que je n'avais pas la capacité d'attention suffisante pour réussir à passer une demi-heure immobile sans m'endormir.

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J'ai fait des rêves plutôt étranges pendant ce court laps de temps, mais aucun d'entre eux, selon Arif, signifiait que j'étais possédé par un djinn. J'étais quelque peu déçu : j'aurais adoré subir un exorcisme. Néanmoins, cela m'autorisait à regarder Arif en action.

Problème : les clients de Arif souhaitent plutôt faire de leur exorcisme une affaire privée – ce qui se comprend étant donné que, quand un démon est arraché de votre corps, vous n'apparaissez pas sous votre meilleur jour. Ils payent aussi 350 euros pour avoir ce privilège, alors, bien entendu, Arif ne veut rien qui puisse les faire fuir.

« Pourquoi n'amenez-vous pas un ami ? » m'a-t-il demandé. « Je pourrais faire un test, et s'il est possédé, je pourrais l'exorciser. »

Ça me semblait être une bonne idée, mais je vis très loin de Glasgow. Convaincre un proche de faire trois heures de train pour subir un exorcisme allait s'avérer difficile.

Comme je m'y attendais, aucune de mes connaissances n'était intéressée. J'ai donc posté une annonce sur Gumtree en expliquant que j'avais besoin d'un cobaye pour une « expérience de médecine alternative ». Je pensais tout expliquer au volontaire seulement une fois qu'il aurait répondu.

L'ardeur de la plupart des candidats a vite été refrénée quand je mentionnais le terme « exorcisme ». Finalement, j'ai trouvé Emille, un jeune étudiant. J'ai réservé un train pour Glasgow et je me suis mentalement préparé pour une après-midi à base de cris sourds et de projections de vomi.

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Je pensais que la séance d'exorcisme aurait lieu quelque part dans Pollockshield, un quartier de Glasgow où la communauté musulmane est très implantée. Au lieu de ça, l'adresse que Arif m'avait donnée était celle d'un salon de manucure du district de Partick. Je ne me sentais pas vraiment de demander à une esthéticienne si elle pratiquait des exorcismes, alors j'ai appelé Arif.

« Oui, c'est là », m'a-t-il dit. « Entrez et installez-vous. J'arrive dans une minute. »

Emille et moi avons été conduits dans l'arrière-salle de la boutique par la femme de Arif. Là nous attendait du thé et des biscuits. La pièce ressemblait à une sorte de vieux cabinet de dentiste. Dans un coin se trouvaient divers bocaux, cela car Arif pratiquait également la hijama, une forme de médecine arabe à base d'incisions et de saignées de « mauvais sang ».

Emille, prêt pour la séance

Arif s'est pointé quelques minutes plus tard. Il semblait décontracté. Il m'a demandé si j'avais fait bon voyage, puis la discussion a dérivé sur l'exorcisme.

« Avez-vous souvent affaire à des non-musulmans ? » lui ai-je demandé, en partie en référence à Emille, mais aussi pour savoir comment son business pouvait marcher dans une région si peu métissée. « Je travaille avec des musulmans et des non-musulmans », a-t-il répondu. « De plus en plus de gens font appel aux médecines alternatives. »

En lui faisant remarquer le fait que, à la différence des autres guérisseurs, il ne parlait pas avec le djinn, j'ai vite compris qu'il ne travaillait pas comme la plupart de ces collègues.

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« Mon job est de les faire sortir, pas de bavarder avec eux », m'a-t-il dit.

Après avoir discuté un moment des tenants et des aboutissants de l'exorcisme, Arif nous a préparé à ce qui allait suivre. « Je vais faire un petit test pour voir si des esprits ont besoin d'être chassés de ton corps », a-t-il expliqué à Emille. « C'est un procédé simple qui requiert la prière. »

Emille s'est allongé sur un lit médicalisé dans un angle de la pièce. Arif l'a enveloppé dans un drap blanc et un tapis de prière. Il lui a fait enfiler des écouteurs qui diffusaient des prières islamiques et a commencé à prononcer des versets tirés de son livre de prières. Au début, un air serein recouvrait le visage d'Emille qui absorbait la double dose de prières. Mais au bout de cinq minutes, ses yeux ont commencé à faire des mouvements rapides et lui à se révulser, comme s'il entrait dans un sommeil paradoxal.

Les effrayantes révulsions ont duré une quinzaine de minutes. Après un temps, Emille a commencé à se détendre. Les chants ont continué encore 20 minutes, puis Arif l'a réveillé en douceur et lui a demandé s'il allait bien.

Emille semblait confus.

« Est-ce que tu as besoin d'aller aux toilettes avant que je te demande ce que tu as vu ? » lui a dit Arif. Emille est alors parti pisser. Arif a profité de ce moment pour m'expliquer que les mouvements rapides de ses yeux signifiaient qu'il était probablement possédé par un djinn.

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Quand Emille est revenu, Arif lui a demandé différents trucs qu'il aurait pu voir quand il était en transe.

« As-tu vu un oeil ? »

« Oui », a répondu Emille.

« Alors, la bonne nouvelle, c'est que tu n'as pas de djinn », a dit Arif.

À ces mots, je commençais à déchanter. Bien que j'étais content pour Emille, je me désespérais d'avoir fait trois heures de train sans pouvoir voir un rituel d'exorcisme.

« En revanche, tu as un mauvais œil. »

Je n'étais pas franchement sûr de ce qu'était un mauvais œil, mais cela signifiait que je n'avais pas complètement perdu ma journée.

« Dans toutes les cultures et religions, le mauvais œil existe d'une manière ou d'une autre », a expliqué Arif. « C'est quand quelqu'un invoque un mauvais sort, ce qui peut vous rendre la vie plus compliquée. »

« Alors, est-ce que le mauvais œil est parti maintenant ? », s'est enquis Emille.

« Ouais, il a été chassé », lui a répondu Arif.

Emille semblait soulagé. Quant à moi, si je n'avais pas pu assister à un exorcisme, j'avais vu un mauvais œil chassé, ce qui est, je suppose, mieux que rien.

Quels enseignements ai-je tiré de cette expérience ? D'abord, que même pour un non-croyant comme moi, s'asseoir pour subir un test de djinn est une expérience plutôt étrange et troublante, tout comme un exorcisme peut être terrifiant.

Ensuite, bien que les guérisseurs sont souvent dépeints comme des individus trouvant facilement des maladies aux gens pour leur facturer des soins, la réalité est qu'il semble très rare de se faire diagnostiquer avec un djinn. Même quand tous les signes sont là, il peut simplement s'agir d'un mauvais œil.