La communauté du renseignement américain va désormais devoir s’expliquer sur les relations qu’elle entretient avec Hollywood.
Les sénateurs Richard Burr et Dianne Feinstein, membres du comité sénatorial sur le renseignement, ont inclus un amendement dans la loi annuelle qui régit le budget des agences de renseignement. Celui-ci oblige le directeur du renseignement américain à soumettre aux comités parlementaires un rapport annuel détaillant les relations qui existent entre la CIA (et 15 autres agences) et l’industrie du divertissement.
Videos by VICE
La mesure, qui donne une définition plutôt large de l’industrie du divertissement, survient après la publication par VICE News d’une série d’articles concernant le rôle joué par la CIA dans la production de 22 projets de divertissements entre 2006 et 2011. Parmi ces projets on retrouve des films comme Zero Dark Thirty ou Argo ; des émissions de téléréalité comme Top Chef ; une série du câble américain intitulée Covert Affairs ; mais aussi des livres comme The Devil’s Light de Richard North Patterson. Dans le cas de Zero Dark Thirty, les scénaristes et producteurs Mark Boal et Katherin Bigelow ont offert des dîners, des fausses boucles d’oreilles, une bouteille de tequila et des billets pour un défilé Prada aux agents de la CIA impliqués dans la mission qui a abouti à la mort d’Oussama Ben Laden. En échange, Boal et Bigelow ont eu le droit à des informations et divers accès.
À lire : Comment la CIA a participé à la réalisation du film « Zero Dark Thirty »
La section 306 de la loi sur le budget du renseignement a été publiée la semaine dernière. Elle porte sur les agences de renseignement, dont la CIA, qui offrent un « soutien » aux projets de divertissement. L’amendement de Burr et Feinstein oblige le directeur du renseignement (qui supervise 16 agences) à diffuser un rapport qui contient « une description de la nature, de la durée, des coûts et des résultats de chaque accord, ainsi qu’une certification que ces accords n’ont pas abouti à la révélation d’informations classifiées ou à la déclassification d’informations. »
L’amendement requiert aussi que, «avant qu’une agence ne s’engage avec l’industrie du divertissement, le directeur de l’agence concernée doit approuver l’engagement et notifier les comités parlementaires au moins 30 jours avant le début de l’accord ». Le directeur de l’agence devra aussi expliquer aux comités « pourquoi cet accord est dans les intérêts de la communauté du renseignement américain. »
À lire : La CIA a participé à la réalisation d’un épisode de Top Chef
Plus tôt cette année, le directeur des affaires publiques de la CIA, Dean Boyd, avait indiqué à VICE News que lorsque la CIA s’engageait avec l’industrie du divertissement, « la priorité de la CIA est la protection des données classifiées et de la sécurité nationale, tout en assurant que les portraits des femmes et des hommes de la CIA soient justes. »
Mais selon l’amendement Burr-Feinstein, cette relation ne fonctionne que dans un sens. « Ces accords coûtent de l’argent au contribuable, posent des questions éthiques, augmentent le risque de divulgation d’informations classifiées et prennent du temps à ceux qui sont responsables d’assurer la sécurité nationale, » peut-on lire dans l’amendement.
« Ni la production de divertissements, ni la promotion des agences de renseignement ne justifient l’existence de ces accords, » continue l’amendement.
D’autres agences du renseignement américain ont aussi soutenu l’industrie du divertissement, mais aucune n’est allée aussi loin que la CIA.
Il est difficile de savoir si cet amendement va mettre un terme à la relation entre Hollywood et la CIA. En réalité, cela semble peu probable. La CIA n’a pas pu encore réagir à la diffusion de l’amendement. Le bureau de Burr n’a pas non plus répondre à nos questions concernant la mesure.
Depuis la sortie de Zero Dark Thirty et la révélation des relations entre la CIA et les équipes du film, le bureau des Affaires publiques de la CIA (qui gère les relations avec Hollywood) a complètement revisité ses procédures en matière de collaboration avec l’industrie du divertissement.
L’amendement doit encore être voté par le Sénat. La date du vote n’a pas encore été révélée.
Suivez Jason Leopold sur Twitter : @JasonLeopold