Une introduction à notre numéro Photo 2015, par VICE et Magnum

Paris, mai 1968. Des photographes de presse attendent devant le théâtre de l’Odéon, occupé depuis des semaines par les étudiants et qui s’apprête à être évacué par la police. (Henri Cartier-Bresson est sur la gauche.) Photo : Bruno Barbey / Magnum Photos.

Cet article est extrait du Numéro Photo 2015.

Nous vivons dans un monde où des millions d’images sont en train d’être réalisées entre le moment où vous aurez commencé cette phrase et celui où vous l’achèverez. La plupart de ces clichés seront réalisés de la même manière : quelqu’un sortira un appareil de sa poche et visera devant lui, créant un document visuel de sa vie qu’il partagera ensuite avec des amis. Les photo-graphes professionnels ont une crainte grandissante : que ces images de la vie quotidienne, partageables, éphémères, dévalorisent ce média. La réalité, cependant, c’est que ce type de pratique documentaire a toujours fait partie de la tradition photographique. On ne montre pas simplement comment on voit le monde, on raconte à nos amis ce que c’est que de vivre notre vie.

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Les clichés du numéro Photo de cette année, produits en collaboration avec Magnum Photos, sont nés de ce courant du documentaire social. Lorsque Magnum a été fondé en 1947, deux ans après la fin de la seconde guerre mondiale, ses quatre membres fondateurs – Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David « Chim » Seymour – étaient mus par leur curiosité au sujet de la vie dans les nations dévastées par les atrocités de la guerre. Une coopérative a alors été établie entre plusieurs auteurs-photographes, dans un effort commun pour faire une chronique du monde contemporain et de la manière dont les gens l’habitent.

Le légendaire conservateur du MOMA John Szarkowski a comparé la photographie à « l’art de viser ». Ce sont ces viseurs qui nous permettent, dans ce monde d’une écrasante richesse visuelle, de faire sens de cette galaxie d’images en guidant notre attention. C’est la photographie – ce média du moindre et du silencieux – qui nous permet de pallier le surplus désordonné de la réalité. C’est donc aujourd’hui, à cause de cette masse gigantesque de données visuelles, que l’on a besoin plus que jamais de viseurs. En bref, plus il y a de photographes, plus on a besoin de bons photographes. Le noyau dur de Magnum, c’est une bande de viseurs talentueux qui ont pour instinct collectif de passer leur vie à enregistrer la réalité, en criant silencieusement : « Regardez ! »

Les artistes de ce numéro – les membres de Magnum Bruce Gilden, Alec Soth et Bieke Depoorter, plusieurs boursiers de la Magnum Foundation et une poignée de jeunes photographes parmi les préférés de VICE – travaillent à mi-chemin entre le photojournalisme et l’art. Leurs approches sont diverses, mais tous partagent cette manie de capturer des images afin de former des sons limpides au milieu de la cacophonie du réel. Ces photos sur leurs lieux d’origine, les manières d’habiter nos foyers, la présence discrète de nos dirigeants ou l’expérience de la violence d’État sont des exemples parlants du pouvoir qu’offre l’appareil photo pour comprendre l’histoire de nos vies.

Ci-dessous, vous trouverez quatre photos de foules – chacune d’entre elles a été prise par un des membres fondateurs de Magnum.

Paris, le 25 août 1944. La foule célèbre la libération de la ville. Photo : Robert Capa © International Center of Photography / Magnum Photos.

Florence, Italie, 1953. Des communistes rassemblés sur la Piazza della Signoria. Photo : David Seymour / Magnum Photos.

Bali, Indonésie, 1953. Le kecak, également connu sous le nom de « danse du singe », est une danse traditionnelle à laquelle tous les hommes d’un village prennent part. Photo : George Rodger / Magnum Photos.

Munich, Allemagne de l’est, 1962. Des gens s’amassent pour la visite de Charles de Gaulle, alors président de la France. Photo : Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos