Voici précisément ce qui se passe quand vous faites une surdose

Cet article a initialement été publié par Tonic.

Même s’il y a une effroyable hausse du nombre de surdoses d’opioïdes aux États-Unis, la plupart d’entre nous auraient sans doute du mal à décrire avec précision ce qui se passe dans le corps quand survient une surdose.

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S’il n’y a pas une circonstance unique qui vous jette d’un coup dans le vide, il semble qu’il y ait en revanche des facteurs de risque qui vous poussent peu à peu vers le précipice : la dépendance aux opioïdes, en particulier si la tolérance est réduite; l’augmentation des doses d’opioïdes pris sur ordonnance; la combinaison d’opioïdes à des sédatifs; une pathologie médicale comme le VIH, une maladie du foie, la pneumopathie ou la dépression; évidemment la prise d’une forte dose, ce qui peut arriver à l’insu de l’usager à cause de l’existence sur le marché d’opioïdes hyperpuissants comme le fentanyl et le carfentanyl.

Une personne sur le point de faire une surdose se rend rarement compte de ce qui lui arrive; toutefois, il y a des signes que ceux qui vous entourent peuvent facilement reconnaître, comme une grande somnolence, des mains froides, des idées troubles, la nausée ou le vomissement et surtout une respiration ralentie (moins de dix inspirations par minute).

Premièrement, les molécules se répandent. Quand avez pris des opioïdes, en comprimé ou par injection, les molécules se répandent dans votre corps, transportées par le sang jusqu’au cœur, aux synapses et aux poumons, où le sang se gorge d’oxygène avant de revenir au cœur. Le cœur bat, puis le sang chargé des molécules de l’opioïde est propulsé de nouveau dans tout le corps. Chemin faisant, les molécules adhèrent à tous les récepteurs opiacés.

Elles atteignent le cerveau et c’est le bonheur. Une fois les molécules de l’opioïde arrivées au cerveau, elles entrent dans une région où se trouvent les noyaux accumbens, associés au « système de récompense » qui libère de dopamine, l’hormone du bonheur.

Les molécules s’accrochent aux neurones GABAergiques; on peut voir l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) comme un barrage qui prévient l’inondation de dopamine, ce qui pourrait causer agitation et paranoïa. Elles font des brèches dans ce barrage, laissant ainsi la se déverser dopamine dans le flux sanguin. S’ensuit un sentiment de bonheur bien supérieur à ce que le GABA autoriserait en temps normal.

Mais bientôt cette euphorie s’essouffle et, avant que les effets se dissipent, vous commencez à vous endormir. Vous n’arrivez plus à garder la tête droite, vous basculez entre l’éveil et le sommeil.

Votre respiration ralentit. L’opioïde affecte le système qui régit la respiration, ce qu’on appelle le centre respiratoire. Normalement, il règle la respiration en fonction du taux de dioxyde de carbone et d’oxygène dans le sang. Au cours d’une surdose, la respiration déréglée ralentit dangereusement jusqu’à l’arrêt complet.

Et votre cœur aussi. Votre rythme cardiaque ralentit au fur et à mesure que l’opioïde réprime les signaux neurologiques. Le taux d’oxygène descend si bas que le cœur commence à battre à un rythme anormal, irrégulier. À ce point de la surdose, un arrêt cardiaque subit peut se produire.

Des systèmes physiologiques plantent. À cause de la quantité écrasante d’opioïde dans le cerveau, votre corps ne reçoit plus les bons signaux. Sans ces signaux, votre cœur et vos poumons fonctionnent à peine. Privé d’air, votre cerveau commence à subir des dommages en raison du manque d’oxygène. Dans la plupart des cas, après quatre minutes sans oxygène, des dommages permanents commencent à se produire.

Des variables peuvent toutefois influer sur les dommages cérébraux, comme la température du corps : plus la température est basse, plus les dommages peuvent être réduits. Il est aussi possible de prévenir ou de réduire les dommages en pratiquant des manœuvres de réanimation.

Vous avez de l’écume aux lèvres ou vous vous étouffez. Parfois, les victimes de surdose subissent un œdème pulmonaire (une accumulation de liquide dans les poumons). C’est un œdème pulmonaire non cardiogénique, c’est-à-dire qu’il n’est pas causé par une défaillance du cœur. Les médecins n’en ont pas encore bien compris le mécanisme. Il se manifeste par de l’écume aux lèvres.

Il est courant qu’une surdose d’opioïdes cause aussi une aspiration pulmonaire. Les effets des opioïdes sur le centre respiratoire entraînent une répression ou l’élimination du réflexe laryngé (contraction du système digestif pour provoquer un vomissement). Quand une personne victime de surdose vomit, elle risque d’aspirer le vomi, s’étouffer et mourir.

Vous subissez des dommages cérébraux permanents. Une surdose d’opioïdes peut causer une attaque cardiaque par manque d’oxygène au cerveau, et cette attaque risque d’accroître les dommages cérébraux. Ces dommages, mineurs ou sévères, ne sont pas souvent mentionnés quand il est question de surdose d’opioïdes, mais c’est une possibilité bien réelle. Les victimes de surdose perdre l’usage de la parole ou s’en sortir paralysées.

Le naloxone renverse les effets. Le naloxone, l’antidote aux surdoses d’opioïdes, peut normalement en renverser les effets et n’a généralement pas d’effets secondaires. Parfois, il faut plusieurs doses de naloxone, selon la quantité d’opioïdes dans l’organisme. Tant que la victime est en vie, on peut arriver à la ranimer à l’aide de cet antidote.

Administré par perfusion intraveineuse, il agit en quelques secondes; par injection ou vaporisateur nasal, en quelques minutes. Il se rend aux récepteurs opiacés du cerveau, déloge les molécules d’opioïdes et en prend la place. Le corps métabolise ensuite les opioïdes.

Les victimes de surdose qui ont pris de l’OxyContin peuvent resubir une ou des surdoses après avoir été ranimées, car sa libération dans l’organisme se fait lentement. Elles pourraient avoir besoin d’une perfusion de naloxone à libération prolongée jusqu’à que toutes les molécules soient évacuées de l’organisme.

Pour ce qui est de l’héroïne, les victimes peuvent immédiatement tomber en état de manque après avoir reçu l’antidote. Les médecins tentent donc normalement de donner de petites doses répétées de naloxone afin d’éviter que la victime se réveille, quitte l’hôpital et se mette aussitôt à la recherche d’autres opioïdes.

Source : Anthony Morocco, médecin d’urgence au Sharp Memorial Hospital à San Diego, en Californie.