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Volcan vient de rentrer d’une tournée au Japon, le pays où les limiteurs de décibels n’existent pas

Greg Vezon est ce qu’on appelle un bon gazier. Son projet solo Volcan a fait éruption il y a 3 ans (c’est bon, ça va), alors que la synthèse musicale n’était pour lui au départ qu’une sorte de violon d’Ingres. Vous avez peut-être déjà croisé son nom par le biais de sa deuxième activité : l’illustration. Greg a signé des pochettes et des visuels pour Adam Kesher, Year Of No Light, VvvV, etc. Il a aussi organisé des installations artistiques inquiétantes, comme une expédition nocturne dans la forêt de Lourdes, avec films et musique ambient dans une cabane, et un public un peu nerveux se demandant si se faire dépecer par l’artiste à la fin, ou devoir retrouver son chemin à trois heures du matin à travers les bois, ne faisait pas partie intégrante de la performance. Greg Vezon a également bossé comme designer graphique pour Jazz Mutant, une boîte qui a mis au point le Lemur, une tablette tactile pré-iPad dont les premiers à l’utiliser ont été Daft Punk, Bjork, Justice ou Nine Inch Nails, et bien sûr les ingénieurs de chez Apple et de chez Microsoft, qui ont dû démonter et remonter les tout premiers Lemur des dizaines de fois afin de les examiner sous toutes les coutures.

Greg prépare actuellement un EP de Volcan à paraître sur le label Camisole Records et était au Japon en octobre dernier pour quelques dates. Il nous a raconté son périple.

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Noisey : La musique électronique ne te branchait pas avant de bosser sur le Lemur ?
Greg Vezon :
En fait, je me suis dit qu’il était nécessaire de comprendre la machine sur laquelle je travaillais. J’écoutais déjà beaucoup de musique électronique et dansante à l’époque. Puis j’ai commencé à bosser sur des softs et à acheter des machines, des synthés, des séquenceurs. Depuis, j’ai quasiment arrêté le dessin, à part des couvertures de temps à autres pour la maison d’édition L’Arbre Vengeur.

Etant donné les ambiances très cinématographiques de ta musique, je suppose que tu es influencé par l’univers de la B.O. ?
On me le demande souvent, et je suis en effet un gros fan des films et des musiques de Carpenter. Surtout ses premiers films. Mais je dirais que le premier disque dans le genre qui m’a marqué c’était le score synthétique du film Creepshow de John Harrison dont mon mon père m’avait offert le vinyle pour mes dix ans. Je l’écoutais en boucle en frissonnant. Sinon je suis hyper fan de Carl Craig.

Il paraît que tu flippes à mort en avion. Comment as-tu pu tenir sur un vol de douze heures jusqu’à Tokyo ?
Grâce à un savant mélange d’alcool et de barbituriques. Mais c’est fortement déconseillé par la médecine générale. Je ne préfère pas revenir en détail dessus. Disons que quand un voyage est trop long, il faut tâcher de l’adoucir.

Quelqu’un t’avait invité là-bas ?
J’y suis allé pour une première date qui était prévue dans le cadre du festival de musique de la ville de Fukuoka. Ça s’appelle le Music City Tenjin.

Comment ça s’est passé ?
J’ai joué en plein air devant l’immeuble d’un grand magasin de luxe dans le cadre d’une programmation plutôt J-pop. Je pense que j’ai surtout joué pour un public de badauds. C’était plutôt inhabituel, juste quelques heures après l’atterrissage et j’étais vraiment dans un état second.

Et ensuite ?
Mon pote Franck Stofer du label Sonore avait activé m’avait connecté avec l’artiste Doravideo et le jeune espoir de la musique noise tokyoïte Kou Katsuyoshi.

Il t’a emmené où ?
On s’est rencardés directement à la gare et on fait la tournée en train. Quand on a fait la première date à Chichibu, je me serais cru dans un décor de Miyazaki. C’est une petite ville entre deux vallées à une heure et demi de train de Tokyo.

Ça donnait quoi l’ambiance ?
Par exemple le Ladder Ladder, où j’ai joué à Chichubu, rappelle le bar rock typique, mais planté en plein milieu d’une rue de petite ville de la campagne japonaise, qu’on a l’impression d’avoir vu mille fois dans des anime. Il n’y a pas de limiteurs de décibels là-bas, ni de normes en faveur de la musique soft. C’est comme si on tenait à te graver durablement dans les oreilles le souvenir des concerts en te faisant perdre le quart de tes capacités auditives. Sinon l’atmosphère est cool et enfumée, avec un bar offrant la quasi totalité de ce qui peut se faire en matière d’alcool.

Je croyais qu’au Japon on ne fumait même pas dans la rue.
En effet, mais dans les restaurants et les bars, oui, et même carrément comme des locomotives !

Tu n’étais pas trop flippé de jouer en terre inconnue ?
J’ai commencé à flipper la première fois quand j’ai réalisé que je jouais en tête d’affiche, pendant les balances. Je me suis dit que comparée à celle des autres groupes, ma musique ferait figure d’aimable berceuse pour gros bébés assoupis.

Qu’est-ce que tu as vu comme groupe live bien taré ?
LZ129, un noiseux qui a envoyé un set solo d’une brutalité sonore proche de la terreur pure. Il utilise une petite boîte à rythme analogique couplée à un nombre invraisemblable de distorsions, délais et reverbs, tout ça contrôlé par une sorte de Wiimote qu’il secoue dans tous les sens. Genre le shaman de l’apocalypse qui fait des grands pas sur la scène. Il s’appelle Ryota Okasaki. Il m’a filé sa cassette, avec une jaquette dans un style ésotérique digne des meilleurs artworks de black metal.

Et la musique de ton fixer Kou Katsuyoshi, ça donnait quoi ?
Disons que sa musique est une sorte de succession de craquements électriques, de nappes de bruit blanc, de vagues bruitistes. Il s’est totalement affranchi de mélodies, de rythmes, de notes, etc. Je n’avais jamais vu autant de câbles et de branchements sur une scène pour un mec seul. Il a mis un temps fou à installer son matériel. Il a fabriqué ses propres instruments. En fait, il est concentré à actionner ses pédales, et il donne l’impression d’envoyer vers l’infini des transmissions dans un langage morse de son invention. Encore une fois, c’est à la fois électronique et assez shamanique.

Tout s’est bien passé pour toi, en fin de compte ?

Des groupes que tu as vus, lequel vaut le plus le coup selon toi ?
Je pense que In The Sun pourrait vraiment décoller en occident. C’est un des meilleurs trucs que j’ai vus en concert depuis longtemps. Ils mettent la claque à tout le monde. C’est un trio guitare, synthé MS20, et batterie. C’est carré, bruitiste, tendu et le batteur a le niveau de blast des meilleurs champions. Moyenne d’âge 23 ans.

Qu’est ce qui t’a le plus marqué pendant ton périple ?
Je dirais la rigueur martiale du système. La société japonaise produit un très haut niveau d’ordre et de civisme. Quand je suis renrté en France, j’ai eu l’impression de revenir à l’âge de pierre.


Guillaume Gwardeath est un fervent lecteur des vulcanologues Maurice et Katia Kraft, morts tous deux sur les flancs du mont Unzen au Japon, emportés par une nuée ardente. Il est sur Twitter.