Jeudi 6 septembre, dans le quartier du Faubourg St-Honoré à Paris, se déroulait la quatrième édition de la Vogue Fashion Night Out. Cette soirée, organisée par un magazine contenant plus de publicité que d’articles, s’auto-définissait comme « l’événement mode de la rentrée. » En guise de soirée, toutes les boutiques de prêt-à-porter du quartier étaient ouvertes jusqu’à minuit et proposaient des animations aux clients munis d’une invitation, pour une grande fête érigée à la gloire de consumérisme, du luxe et du bronzage aux U.V.
Je ne refuse jamais une coupe de champagne, et vu que mon frigo est plutôt vide ces temps-ci, j’ai décidé d’aller y faire un tour pour picoler et s’enfiler des petits fours à l’œil en compagnie de personnes qui parlent en franglais et qui, l’été venu, ont l’habitude de se croiser dans des stations balnéaires croates ou sur des gros yachts immaculés.
Un des seuls trucs bien avec les soirées dans ce genre, c’est qu’il y a toujours plein de trucs à récupérer un peu partout. Vu le nombre de vigiles au mètre carré, c’est assez compliqué de chourer des fringues, mais on peut très facilement repartir avec plein de trucs beaucoup plus utiles que des vêtements de créateur hors de prix.
Pour mener mon entreprise à bon port, j’ai invité deux filles du bureau, Zelda et Elen, pour m’aider à rapporter le maximum de conneries, et surtout profiter de leur expérience en tant que spécialistes du vol à la tire.
En arrivant vers la rue du Faubourg St-Honoré, on s’est rendu compte d’une chose : on était très mal sapés. La rue était noire de monde, et tout ce monde avait l’air de sortir des pages people du Figaro. On s’est faits bousculer par des femmes de cinquante ans qui fonçaient à travers la foule, et la majorité des nanas nous regardaient comme si nous étions porteurs du virus Ebola. Alors que non, on est juste pauvres !
On s’est vite rendu compte qu’il nous serait impossible de rentrer dans les enseignes les plus luxueuses. Non seulement ces dernières pratiquaient une sélection impitoyable à l’entrée de leurs boutiques, mais la file d’attente de plus de cinquante mètres nous a tout de suite découragés. Devant chez Colette, plus de 250 personnes attendaient de rentrer dans ce temple de la culture post-graffiti. Nous avons donc dû nous rabattre sur des marques moins connues.
ESCADA
Escada est une marque allemande dont j’ignorais totalement l’existence, mais la file d’attente devant leur boutique était suffisamment courte pour nous pousser à aller faire un tour à l’intérieur. Nous avons commencé par nous faire servir un cocktail à base de pastis, tout en faisant semblant de s’intéresser à ce qui nous entourait. En faisant le tour de la boutique, nous avons remarqué un stand qui proposait une dégustation de boisson à la noix de coco.
Elen a engagé la discussion avec le type, pendant que Zelda fourrait le maximum de briques dans ses poches. Nous avons aussi repéré des sifflets promotionnels. Comme ces enfoirés étaient entremêlés les uns avec les autres, il nous paraissait impossible d’en dégager un. Après lui avoir tenu la patte pendant dix minutes, on a aussi pu repartir avec l’intégralité des sifflets, soit une cinquantaine.
MAXMARA
Nous sommes ensuite rentrés chez Maxmara, une marque italienne spécialisée dans les sacs dégueu et la fourrure. Plus classiques, ils ne servaient que du champagne. Tout le monde semblait gêné de nous avoir dans leur champ de vision, tandis qu’un DJ à barbe de trois jours enchaînait les remixes house d’Adèle, des Bee Gees et de Led Zeppelin. J’imagine que pour les baby-boomers du monde de la mode, rester jeune signifie écouter des versions électroniques des tubes de leur jeunesse.
On en a donc profité pour récupérer une dizaine de flûtes. La prochaine fois que je recevrai dans ma chambre de bonne, je pourrais impressionner mes potes en leur faisant déguster un mélange de vodka pourrie et de jus de fruits multivitaminé marque pouce dans un verre élégant.
Plus loin, dans la rue, on a croisé ça.
En effet, vous ne rêvez pas, il s’agit bien de deux êtres humains, en train de jouer les mannequins dans la vitrine d’une boutique de produits de beauté. Je ne sais pas si le maquillage était destiné à ce que les meufs ressemblent à des statues de cire du musée Grévin, mais cette apparition m’a encore plus fait flipper que le jour où j’ai réalisé que j’allais mourir un jour.
PATRIZIA PEPE
Aucun de nous trois n’ayant jamais entendu parler de la marque Patrizia Pepe, on est rentrés à l’intérieur du magasin pour essayer d’en savoir plus sur ce nom à consonance italienne qui laissait présager le pire. Dedans, je me souviens d’un gros bordel et de l’impossibilité d’atteindre le bar. On a cependant pu récupérer des sacs en toile, indispensables pour transporter toutes les merdes qu’on avait chopées un peu partout, de même que ces badges ridicules.
ZARA
On a fini par rentrer dans ce magasin, le seul qui m’évoquait quelque chose : c’est là que je me pointais pour acheter des « fringues pour sortir » il y a quelques années, comme 80% des lycéens français. Chez Zara, un petit patio était aménagé avec un bar qui proposait champagne (au goût, j’aurais plutôt dit du bon vieux mousseux) et macarons. À la simple évocation du mot macaron, les deux filles se sont ruées dessus, avant de se remplir les poches de ces petites pâtisseries raffinées. Nous avions cependant de la concurrence, car nous n’avons pas été les seuls à nous jeter comme des malpropres sur la nourriture. Toujours à la recherche de vaisselle pour mon chez-moi, j’emportai trois verres d’inspiration design.
Chargés de notre précieux butin, on s’est assis devant la porte d’un immeuble dans une rue attenante. Avec tout ce qu’on a récupéré, on a pu se faire un bon petit gueuleton à l’abri de l’agitation du monde impitoyable de la mode et de ses malheureux démons. Malheureusement pour nous, la boisson à la noix de coco avait un goût de jus de pisse mélangé au pire médicament effervescent jamais synthétisé. Les macarons en revanche, étaient sucrés, donc bons. Et bonne nouvelle, on est toujours pauvres. Merci la mode !