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Des artistes diffusent les flux vidéo de milliers de webcams à travers le monde

Ce n’est pas parce que nous sommes habitués à être filmés en permanence qu’il faut en oublier les conséquences.

Image: Screengrab/You Are Watching Me

Des bancs dans un parc vide. Une vaste plaine enneigée s'étendant sur des kilomètres. Des montagnes verdoyantes dont la pointe se détache sur un ciel sans nuages. Des voitures circulant avec difficulté sur un carrefour saturé. Une pizzeria bondée servant des dizaines de clients.

Chacune de ces scènes est visible depuis un livestream qui diffuse les flux vidéo de webcams postées un peu partout dans le monde. Les vues et les paysages défilent les uns après les autres, inlassablement. Les webcams en question ne sont pas sécurisées, et accessibles à tout un chacun ; aussi, des artistes ont eu l'idée de les exploiter dans le cadre du projet « You are watching me. »

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« L'enregistrement diffusé est édité en direct à partir de sources multiples en provenance du monde entier, » explique Eva Domènech, l'une des artistes derrière le projet.

« Nous avons déniché ces sources grâce à quelques sites qui répertorient les webcams publiques ou en libre accès. Nous n'avons pas utilisé le moteur de recherche Shodan, ni des bots ; tous les flux sont accessibles sans mot de passe. Quiconque utilise la bonne URL peut regarder le streaming librement, » ajoute l'artiste Claudia Oliveira.

Image: Screengrab/You Are Watching Me

« Le projet est né de notre frustration et de notre malaise face aux restrictions que connait notre vie privée. Quand nous avons trouvé ces webcams, nous avons immédiatement pensé à un moyen d'illustrer comment nos données personnelles sont utilisées à des fins que nous n'avions pas anticipées, ou que nous ne contrôlons pas, » explique Domènech.

Les sites agrégeant ce genre de flux ne sont pas nouveaux. Motherboard en avait évoqué un en 2014 : ses créateurs avaient traqué des webcams qui utilisaient leur mot de passe constructeur par défaut (l'équivalent du code PIN 0000 pour les webcams). Évidemment, cela les rendait vulnérables au piratage. Plusieurs centaines de milliers de webcams ont ainsi été exposées par le site.

Chose étonnante : des sites similaires ont rassemblé de véritables communautés ; les gens commentent les scènes diffusées en streaming, et s'entichent parfois de certains flux. Fascinés, ils y reviennent régulièrement.

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« Certains utilisateurs ont observé des flux vidéos pendant si longtemps qu'ils étaient capables de reconnaître les gens qui apparaissaient régulièrement à l'écran. Ils connaissaient par coeur leurs routines quotidiennes (pour les webcams installées sur des lieux de travail, notamment). C'était extrêmement perturbant » explique Oliveira.

Des sites similaires ont même publié les requêtes des recherches des visiteurs, ce qui, bien entendu, a fait apparaître des combinaisons de type « pièce » et « sexe. »

Image: Screengrab/You Are Watching Me

« Certaines caméras peuvent être contrôlées à distance sur Internet, par n'importe qui. Lorsqu'elles possèdent un zoom puissant, on les retrouve pointées vers les jambes, les décolletés des femmes, ou vers leur smartphone. » Les deux artistes ont donc flouté légèrement les vidéos afin qu'il soit impossible de collecter des données sur les personnes filmées.

Le site est constitué par une sorte de playlist de flux vidéos sélectionnés par les deux artistes. L'URL de la caméra, des informations sur le fuseau horaire, des fichiers sons et des flux alternatifs accompagnent ce support.

« Nous avons utilisé Javascript pour lire les données et jouer les vidéos, programmer l'alternance des flux, ajouter des filtres visuels et jouer les fichiers sons en temps réel » précise Domènech. La bande sonore est composée de sons trouvés sur Internet. « Nous avons ensuite surimposé la bande sonore sur les vidéos en streaming. »

« Nous voulions que le résultat ressemble à un documentaire factice dévoilant une réalité triste et effrayante. Nous sommes surveillés. En permanence. »