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Les champignons reviennent à la mode, mais les bad trips sont toujours là

La psilocybine peut s'avérer très efficace pour traiter certains troubles, mais il arrive aussi parfois que les choses tournent mal.
Image: Erik Fenderson/Wikimedia

Les drogues psychédéliques commencent à bénéficier d'une certaine reconnaissance dans le monde médical, mais il est tout de même important d'être conscient des risques qui leur sont associés.

Dans une étude réalisée récemment auprès de 2000 personnes, des chercheurs de la Johns Hopkins University spécialistes de la psilocybine (le principe actif des champignons hallucinogènes) se sont intéressés aux "bad trips" racontés par les personnes interviewées pour tenter de mieux comprendre les conséquences positives et négatives de ces mauvaises expériences. Une majorité des individus interrogés ont affirmé que leur mauvais trip avait fait partie des pires moments de leur vie, mais qu'il avait aussi constitué l'une des expériences les plus "profondes" et "précieuses" de leur existence.

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Les enthéogènes tels que la psilocybine, la MDMA (ecstasy), le LSD et l'ayahuasca attirent de plus en plus l'attention des chercheurs pour leurs bénéfices sur le plan psychologique et leur utilité dans le traitement des troubles post-traumatiques et de l'addiction, ou encore tout simplement pour leur impact positif sur le bien-être de leurs consommateurs. Mais ces effets thérapeutiques sont généralement étudiés en milieu clinique, sous la supervision de chercheurs expérimentés. Dans d'autres conditions, ça peut être plus compliqué.

Parmi les 1993 personnes qui ont répondu au questionnaire sur leur pire trip, 10,7% ont affirmé avoir fait courir des risques à d'autres ou à eux-mêmes, 2,6% ont admis s'être comporté de façon agressive ou violente, et 2,7% ont déclaré avoir fait appel à un médecin. Cinq des participants qui souffraient déjà d'anxiété, de dépression ou de pulsions suicidaires ont fait une tentative de suicide au cours de leur plus mauvais trip - ce qui fait dire aux chercheurs qu'il est nécessaire que chaque trip se fasse dans un environnement sûr et dans un contexte psychologique positif.

Six autres personnes ont toutefois affirmé que leurs pensées suicidaires avaient disparu après leur pire trip, ce qui fait écho aux autres études réalisées par les chercheurs qui montraient que la psilocybine avait des effets antidépresseurs, en particulier sur les patients atteints d'un cancer.

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"La psilocybine peut engendrer des expériences qui changent une vie. Plusieurs mois après, les participants à l'étude continuent d'attribuer leurs changements d'attitude, d'humeur et de comportement à leur expérience avec la psilocybine", m'a expliqué le Dr. Roland Griffiths, psychopharmacologue et professeur de psychiatrie et de neurosciences à l'école de médecine de la Johns Hopkins University.

Mais Griffiths et ses collègues voulaient comprendre les véritables effets des trips en dehors du cadre clinique. "Les substances psychédéliques sont associées à une culture de l'abus qui remonte au mouvement hippie dans les années 1960. Cela a créé de nombreux malentendus autour des risques réels liés à ces produits", affirme Griffiths.

Le gouvernement a alors bloqué la recherche sur ces substances pendant des décennies, avant que les chercheurs ne développent finalement des méthodes permettant d'étudier ces drogues en toute sécurité. "Nous savons désormais qu'il est possible de mener des recherches dans ce domaine, mais nous ignorons presque tous de ces expériences affreuses qui nous sont rapportées par certains patients."

Certains participants à l'étude ont également connu des effets à long terme, plusieurs mois après la fin du trip, dont les plus courants sont l'anxiété, la dépression et l'angoisse. "L'idée globale, c'est qu'il y a des risques liés à ces substances. Il est important que les gens soient bien conscients de ça, et ne se contentent pas de lire des articles dithyrambiques qui laissent penser que tout le monde devrait s'y mettre, insiste Griffiths. Il faut mettre tous ces résultats en perspective, sans exagérer ni minimiser les effets négatifs."

Mais le psychothérapeute Neal Goldsmith, auteur de Psychedelic Healing, met en garde contre l'utilisation de termes comme "bad trip", même pour ces expériences potentiellement déprimantes. "Je préfère parler de trip difficile ou d'expérience car cela peut être parfois très dur, mais il arrive souvent qu'un tel moment ait une valeur inestimable pour la personne concernée une fois qu'elle a pris du recul sur ce moment délicat", dit-il (et bien sûr, s'il y a des problèmes de maladies mentales dans votre famille - et notamment de schizophrénie - il vaut peut-être mieux ne rien prendre du tout).

Analyser le trip, qu'il ait été mauvais ou non, fait partie de ce que Goldsmith appelle "l'intégration". L'intégration n'est pas distincte du trip en lui-même, mais elle doit naturellement faire partie de l'expérience après coup. "L'intégration consiste à faire émerger les bénéfices que ces substances peuvent avoir dans votre vie, de manière à la faire changer ou avancer", dit-il.