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Sports

Les supporters assidus de l'Equipe de France sont-ils toujours de gros beaufs ?

Fini Clément d'Antibes, ce sont désormais les Irrésistibles Français qui sont le visage des supporters français.
Reuters

Pendant l'Euro 2016, VICE Sports s'intéressera en priorité aux supporters venus de toute l'Europe pour soutenir leurs équipes nationales. Chants guerriers, fumis et passion parfois débordante, tout ça, ce sera dans notre série Kopland.

Il a longtemps été le stéréotype du supporter de l'Equipe de France : Clément d'Antibes, son coq Balthazar, son maillot avec son nom écrit dessus, ses plus de 300 matches des Bleus et sa ganache bonne à filmer en gros plan à chaque rencontre. Un repère rassurant pour les caméras de télévision, qui, quand il fallait montrer le soutien en tribune, se braquaient directement sur le sexagénaire azuréen. Qui mieux que lui symbolisait la France qui supporte ?

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Ces derniers temps, Clément fait un peu la gueule : il ne passe plus à la télé, lui et les 400 membres du club de supporters qui porte son nom. A la place, les caméras s'intéressent plutôt aux Irrésistibles français, l'association de supporters de l'équipe de France comptant le plus grand nombre d'adhérents à ce jour, entre 1500 et 2000. Un groupe dont la moyenne d'âge est de 32 ans, qui chante, agite des drapeaux, déploie des banderoles, introduit de nouvelles façons de supporter comme le clapping. Pas de hasard néanmoins si ce sont les Irrésistibles qui sont désormais sous les feux des projecteurs : les consignes viennent directement de la FFF, qui cherche à rajeunir l'image du supporter de l'Equipe de France.

Damien Allary, membre du conseil d'administration des Irrésistibles Français, revendique cette nécessité de glissement de l'image du supporter français : « On tente de contrer cette image-là. On se positionne même pour empêcher des gens comme ça [Clément d'Antibes, ndlr] d'avoir la parole. » La Fédération était du même avis et a donc mis en avant ce groupe plus dynamique. « C'est aussi venu petit à petit, poursuit Damien Allary. Il fallait pouvoir se montrer au stade, le fait d'avoir des banderoles nous a permis aussi de prendre la première place. »

Animer une tribune, c'est du boulot. Alors quand tu ne peux le faire que six ou sept fois par an, du stade Tórsvøllur des îles Féroé jusqu'à la Beaujoire, en passant par le mal-aimé Stade de France, c'est encore plus galère. Les Irrésistibles Français ont cette tâche-là : fédérer un noyau dur de supporters qui connaîtra les chants et les animations, pour que le stade suive. Pour cela, ils sont bien aidés par la Fédération, qui leur a réservé un "kop" au Stade de France, leur attribue des places pour les entraînements à Clairefontaine… Comme début juin, quand ils sont allés répéter de nouveaux chants pendant le stage de préparation des Bleus.

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Les chants, c'est ce qui manquait le plus souvent au Stade de France, dont le public était critiqué pour ses olas intempestives à 1-0 et son manque de dynamisme. Là, les Irrésistibles vont essayer d'introduire de nouvelles mélodies, même si c'est compliqué : « On va les tester avant, 2 ou 3 nouveaux chants », explique Damien Allary. Leur marge de manœuvre pour cet Euro est limitée à cause de la sécurité renforcée et de l'organisation par l'UEFA. Ils auront droit de faire entrer un mégaphone et un tambour grâce à la pression de la FFF, mais pas de banderole et encore moins de tifo pour cet Euro. C'est toujours mieux que Clément d'Antibes, qui sera privé de son Balthazar. « On va essayer d'animer les matches dans le cadre donné par l'UEFA, continue Damien Allary. Normalement, la consigne c'est "tous assis". Et en plus comme c'est l'UEFA qui gère les places, nous ne sommes pas tous côte à côte. On essaiera de s'arranger avec les autres spectateurs de la tribune pour pouvoir se réunir et supporter debout sans gêner trop de monde. »

Les Irrésistibles Français lors du match amical France-Russie au Stade de France en mars dernier. Crédit : Reuters.

Mais quel est le profil type d'un Irrésistible Français ? « On a de tout, des ultras de club, de tous les clubs d'ailleurs, des familles, etc. Leur âge va de quelques mois à 80 ans », confie Damien Allary. Lui a commencé à venir régulièrement supporter l'équipe de France grâce à un de ses collègues. A la base, il supporte le Racing club de France, l'ex-Matra Racing qui navigue dans les divisions amateures depuis les années 1990. Pour les autres, il y a souvent deux types de recrutement : « Le premier, c'est les gens de la région parisienne qui viennent au Stade de France et se retrouvent dans une tribune où il ne se passe pas grand chose. Le lendemain des matches comme ceux-là, on a pas mal d'appels pour des adhésions. Le deuxième type, c'est sur les grandes compétitions à l'étranger ou les déplacements. Ce sont des gens qui veulent suivre l'Equipe de France mais ne veulent pas se retrouver seuls. Ils passent quelques semaines avec nous et prennent le virus. » Il cite ainsi ces deux supporters d'Alès qui ont fait le chemin vers l'Ukraine et la Pologne avec les Irrésistibles Français en 2012 et qui viennent depuis remplir leurs rangs à tous les matches.

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On pourrait donc croire que tout va pour le mieux dans le milieu des supporters assidus de l'Equipe de France à l'aune de cet Euro 2016. Ils ont un gros contingent et le soutien de la Fédé et même celui des joueurs de l'équipe de France. Patrice Evra leur a notamment déclaré, lors d'une entrevue - en présence également du sélectionneur - se foutre des déguisements mais vouloir des chants, du bruit. Mais tout n'est pas rose chez les supporters bleus : « Pour cet Euro, on a été surpris du nombre de demandes de places. On pensait être submergé. Finalement, on a pu répondre à toutes les demandes. Plusieurs habitués nous ont indiqué ne pas vouloir venir à cause des risques d'attentats. »

Et puis les Irrésistibles, comme les autres groupes de supporters de l'équipe de France, souffrent d'une street cred qui ne crève pas forcément le plafond. Les supporters de l'équipe de France ont, en général, mauvaise réputation chez les ultras de clubs par exemple. Au mieux, il est considéré que le public du Stade de France est composé de mastres - des supporters fidèles qui ne désirent pas s'engager plus que ça dans le supportérisme - au pire de Footix - des supporters de circonstance qui ne viennent que quand le football est à la mode - selon la typologie du Dictionnaire des supporters de Franck Berteau. On a souvent suspecté ces derniers d'être à l'origine des olas inutiles et des sifflets contre des joueurs pris en grippe, de Christian Karembeu en 2002 à Olivier Giroud dernièrement.

Ça, Patrice Evra n'en veut pas. Crédit : Reuters.

« Supporter l'équipe de France, c'est pas tendance, avoue Damien Allary. On a pas mal de reproches des ultras, qui nous accusent de reprendre des chants de clubs notamment. Mais pour pouvoir fédérer, il faut des airs que les gens ont déjà entendus dans les stades ! » Du côté de la Populaire sud, les ultras niçois nés de la dissolution de la très chaude Brigade Sud Nice, on n'est pas dérangés plus que ça par l'existence des Irrésistibles Français. « Ils se débrouillent comme ils peuvent, indique Frédéric Braquet, président des ultras niçois. Ils n'ont pas forcément cette mentalité dure qu'ont les ultras, ce sont des personnes un peu plus lambda, mais ils font avec ce qu'ils ont. Comme tous les groupes, ils vont évoluer avec le temps. »

Les Irrésistibles Français font de leur mieux, on ne peut pas leur reprocher ça. Dans un pays qui n'a jamais eu une culture football très développée, où le mouvement ultra s'est surtout inspiré de l'Italie, et où les passions nationales ne se déchaînent que tous les deux ans, à chaque compétition internationale, difficile d'imaginer 80 0000 supporters français énervés venir remplir les tribunes du Stade de France. Avoir un semblant de kop, c'est déjà un bon début.