Quelques mois avant les Jeux olympiques de Rio, de nombreuses affaires de dopage ont éclaboussé le milieu sportif : l'équipe d'athlétisme russe nourrie aux pilules, des joueurs algériens poudrés à la cocaïne, la tenniswoman Maria Sharapova ravitaillée en meldonium… Certains sont prêts à tout. Alors que les Jeux paralympiques débutent ce mercredi, les athlètes handisport aussi peuvent se doper. Seule différence : pas de piqûre ou de médicaments avalés. Un os cassé, des fonctions naturelles bloquées ou une coupure suffisent pour augmenter les performances. « Est-ce que tu serais capable de te casser un os pour repartir avec une médaille ? » Au club du Réveil Sportif de Saint-Cyr-sur-Loire (RSSC), près de Tours, Nasser, 13 piges, né sans jambes, s'empresse de me répondre avec un air ahuri : « Même pas cap, même pour l'or. »
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S'auto-mutiler pour gagner
« Les pratiques sont diverses et variées, cela va de s'asseoir sur une punaise à la lacération, en passant par une fracture d'un petit doigt de pied », me confie Gwénaël, entre deux coups de sifflet. Philippe Ghestem connaît bien le boosting. Il en a fait son combat. Délégué en charge de la prévention et de la lutte contre le dopage à la Fédération Française Handisport (FFH), il affirme que les pratiques les plus répandues sont la plaie, la fracture et surtout, la réplétion de la vessie. Réservée aux athlètes qui utilisent une sonde urinaire, la réplétion consiste à boire jusqu'à plus soif avant la compétition, bloquer l'évacuation du cathéter et contracter une infection urinaire. En prime : des performances augmentées. Thomas*, rugbyman tétraplégique m'explique : « cette méthode est douloureuse et inconfortable chez les tétraplégiques. Mais insensible chez les paraplégiques, tout comme la fracture. »
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Selon un champion paralympique de natation, qui préfère rester anonyme, beaucoup de sportifs de haut niveau ont recours au boosting. « Cependant, il me semble beaucoup plus facile de tricher sur le handicap que de risquer sa santé avec le dopage. » Des pseudos aveugles qui sautent de joie à la vue de leur résultat, en passant par les paraplégiques qui recouvrent miraculeusement l'usage de leurs jambes, aux handicapés mentaux au QI tout à fait normal… Exagérer (ou carrément inventer) son handicap est bien plus facile que de se flinguer la santé.Pour Philippe Godin, psychologue du sport, la principale motivation des athlètes handisport dopés reste la reconnaissance. « Il y a une certaine forme de compétition et de mimétisme avec les sportifs valides, qui sont sur-médiatisés, financés et valorisés », affirme-il. Même si les primes de podium aux Jeux paralympiques sont les mêmes que celles accordées aux Jeux olympiques, les enjeux financiers du monde handisport et sa reconnaissance internationale sont moindres. « Une médaille d'or aux Jeux paralympiques de Londres n'a pas le même effet qu'une médaille d'or, voire de bronze, olympique. En France, les sportifs handicapés, on s'en fout », s'énerve Gwénaël.Pourtant, les exemples d'exploits de sportifs handicapés ne manquent pas. Souvenez-vous de Jamie Andrew, amputé des deux mains et des deux pieds, escaladant les plus hautes montagnes du monde, de Philippe Croizon, sans bras ni jambes, traversant la Manche (soit 33 km) à la nage… Pour sortir de l'anonymat, certains sportifs, valides ou non valides, sont prêts à tout. « Pour certains sportifs handicapés, un bras ou une jambe ne représentent plus grand chose. Ce qui compte, c'est le résultat », affirme le psychologue, ancien sportif de haut niveau.
« Ce qui compte, c'est le résultat »
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« Le boosting a un prix »
Quid des contrôles ? A partir du moment où ils sont reconnus athlètes de haut niveau, les handisportifs doivent se soumettre aux mêmes exigences que les valides : géolocalisation, suivi longitudinal, contrôles antidopage… En France, comme à l'international, les règles antidopage sont les mêmes pour tout le monde. A Londres 2012, le nombre de contrôles s'est élevé à près de 1200 pour 4200 athlètes. Cela correspond au même prorata que chez les valides. Mais le boosting est une méthode de dopage bien particulière, parfois indétectable. Le contrôle des urines, du sang ou des cheveux sont inefficaces pour le détecter. « Il faut faire une prise de tension avant l'épreuve, mais cela reste peu fiable », déplore Philippe Ghestem. Dernier recours : « Faire uriner les athlètes avant l'épreuve ! »Thomas* me le répète : il ne s'est jamais dopé. Le boosting, il s'en agace : « Quand on entend que 30% des athlètes handisport se doperaient, ça me fait bien marrer. » Chez certains handicapés, le boosting est involontaire. Il devient un état normal à force d'infections urinaires permanentes. « Cela se solde par des pics (boosting) et des creux (inhibants), mais on ne peut pas le comparer à du dopage. » L'étude du Comité paralympique révèle que plus de 40% des athlètes handicapés interrogés n'avaient jamais entendu parler du boosting. La pratique reste rare « car il y a peu d'enjeux financiers », selon le Comité antidopage de la FFH. La fédération commence déjà à se pencher sur un nouveau problème : le dopage technologique, comme il existe déjà chez les cyclistes. Gwénaël plaisante : « A quand le fauteuil avec un moteur électrique sur le terrain ? »*Le prénom a été changé