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Sports

​Sur le fil du rasoir : une brève histoire de la musique et du sport automobile

De James Hunt à Lewis Hamilton, de Keith Moon à Pharrell Williams, petit retour sur les intersections de la musique et la F1.
Keith Moon, le pied sur une Ferrari.

Deux événements de l'automne 1978 ont marqué un tournant dans le paysage du rock'n'roll. Le 7 septembre, le batteur des Who, ce grand malade de Keith Moon, meurt d'une overdose dans son appartement londonien. Un mois plus tard, le pilote de F1 James Hunt, lui aussi un grand dingue, quitte l'écurie McLaren.

Oui, vous pensez peut-être que James Hunt n'a pas sa place dans la grande histoire du rock. Le décès de Keith Moon avec 32 comprimés de clométhiazole dans le bide y a plus facilement sa place, c'est sûr. Moon est un symbole du mode de vie hédoniste et dangereux du rock, alors qu'Hunt n'est qu'alors un pilote automobile qui quitte l'écurie avec qui il a gagné le championnat du monde 1976.

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Mais d'un point de vue symbolique, c'est un peu plus que ça. Le départ de Hunt de McLaren signifiait, en effet, la fin d'une carrière en F1 qui avait été plus rock'n'roll qu'aucune autre dans ce sport. Ça ressemblait à la séparation d'un groupe de rock qui avait connu le succès. Après cette saison-là, il participera au championnat du monde sous la bannière d'une écurie pas très compétitive, avant de prendre sa retraite pour de bon, quittant la F1, qui devient alors un sport plus calme, presque insipide.

Malgré les contrastes saisissants entre les deux professions, il y a des points communs entre un musicien et un pilote de course. Les deux semblent ne pas respecter les mêmes règles que le reste de l'humanité, embrassant tous les dangers pour partir à la poursuite des frissons et de l'accomplissement personnel. Bien qu'ils se produisent devant de larges publics, les deux parlent souvent de l'intense solitude qu'ils ressentent : les musiciens sont seuls sur une scène devant leur audience, les pilotes sont seuls dans leur cockpit devant des millions de téléspectateurs. En plus de ça, les deux courent le risque de mourir jeune en poursuivant leurs objectifs, même si ceux-ci sont très différents.

Hunt a peut-être été l'incarnation la plus parfaite de l'esprit rock'n'roll dans le monde de la F1 : il a combiné des victoires en championnat du monde et un mode de vie résolument hédoniste en dehors des pistes. Il n'était pas le seul : la mort étant une menace constante dans la Formule 1 des années 1970, la plupart des pilotes vivait chaque jour comme si c'était le dernier. Mais aucun d'entre eux ne pouvait dépasser Hunt de ce point de vue.

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James Hunt au volant d'une voiture Hesketh en 1975. Gillfoto via Wikimedia Commons.

Les histoires de ses nuits blanches, de son penchant pour des substances variées, et de son goût pour les femmes font partie du folklore légendaire du sport automobile. Mais la chose la plus incroyable, c'est qu'il pouvait se lever le lendemain matin pour aller conduire une voiture de course à toute allure. Keith Moon a peut-être ingéré plus de substances que lui au total, mais s'il ratait un temps le jour suivant derrière les fûts, il ne se serait pris que la colère de Pete Townshend, et c'est tout. Hunt, lui, risquait sa vie sur la piste.

Hunt a même eu droit à ce qui peut ressembler à une fin tragique bien rock'n'roll. Pas du même genre que la mort de Moon cependant : Hunt s'était calmé pendant sa retraite, vivant une vie beaucoup plus clean et discrète. Finalement, ses démons sont venus l'attaquer à 45 ans, avec une crise cardiaque qui ressemble à une ultime gueule de bois comme retour de bâton de ses excès des années 1970.

Il y a plein d'autres anecdotes où les sports mécaniques et le monde du rock se croisent. Même si ceux-ci ne vont pas aussi loin que James Hunt proposant une ligne de coke au futur président de la fédération internationale de l'automobile.

Slim Borgudd est un exemple un peu moins connu. Il a participé à quinze grands prix entre 1981 et 1982, avec un petit point remporté en Grande-Bretagne. Ce n'était clairement pas un grand champion, mais la voiture du Suédois se faisait particulièrement remarquer pour ses très voyants logos du groupe ABBA.

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Il n'était pas juste un compatriote du groupe qui aimait leur musique. Borgudd était aussi batteur professionnel, en plus d'être pilote de course. Il avait passé plusieurs années au sein dans la scène musicale suédoise. Pendant ces années-là, Borgudd fut batteur occasionnel pour les Hootenanny Singers, dont le chanteur n'était autre que Bjorn Ulvaeus, l'un des fondateurs d'ABBA. C'est cette amitié qui a mené ABBA à sponsoriser la voiture de Borgudd.

Une telle divergence d'intérêts semble assez improbable aujourd'hui. Avec la compétition et des sollicitations toujours plus pressantes, il aurait dû se concentrer, soit sur la course automobile, soit sur la musique, pour connaître le succès. C'est ce qu'a vécu Josh Hill, le fils et petit-fils des champions du monde de F1 Damon et Graham Hill, qui a décidé de prendre sa retraite après quelques saisons à peine en 2013.

« Après une discussion avec mon père, il m'a dit que ce n'était pas une bonne idée de continuer si on n'est pas concentré à 100% sur quelque chose, et surtout dans une discipline aussi dangereuse que la course automobile », expliqua le jeune Hill après coup.

« Je veux me lancer dans des études musicales. Mon autre passion, c'est la batterie et je vais essayer de voir où ça me mène. La musique, c'est aussi un truc qui se transmet dans la famille ! »

Aux dernières nouvelles, d'après son statut Facebook, Josh annonçait qu'il travaillait dans un pub, donc on ne sait pas trop si son ambition musicale est toujours d'actualité.

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Mais c'est vrai que la musique se transmet dans la famille Hill. Damon est par exemple un guitariste de talent, qui a formé dans ses années lycées un groupe appelé Sex Hitler and the Hormones, et qui a continué à jouer, en amateur, pendant sa carrière de F1. Après avoir pris sa retraite du monde automobile, il fit son retour dans la musique avec un groupe au nom plus conventionnel, The Conrods. Plus récemment, il expliquait qu'il était « trop occupé à amener ses enfants à l'école et à surveiller ses animaux domestiques » pour continuer la musique. Fini Sex Hitler.

Pharrell Williams, le pote de Lewis Hamilton, au volant d'une Lotus.

Les grandes stars actuelles du sport automobile sont aussi désormais des reflets de la culture musicale du moment. Lewis Hamilton est triple champion du monde de F1, mais aussi une cible régulière des tabloïds et une icône émergente de la mode. Le trentenaire a forgé des liens toujours plus resserrés avec le monde de la musique ces dernières années. Mais il a toujours été un grand passionné, et cela depuis qu'il a mis la main sur la collection de disques de reggae de son père quand il était tout jeune. Hamilton a d'ailleurs déjà émis le souhait de s'y intéresser de manière plus concrète.

Cette année, certains rapportaient ainsi que Lewis était en discussion avec des grands noms de l'industrie musicale telle que la maison de disques de Jay-Z, Roc Nation, pour enregistrer ses propres sons. Lewis a même expliqué qu'une « collaboration avec Drake allait se faire », tout en ajoutant : « On en dira plus quand ce sera d'actualité, pour le moment j'enregistre juste pour le plaisir. »

Hamilton passe aussi son temps avec Pharrell Williams en marge des Grands Prix, et il est également célèbre pour sa relation tumultueuse avec la chanteuse des Pussycat Dolls Nicole Scherzinger..

Mais comparé à Hunt, c'est un petit joueur. OK, il va à des fêtes mondaines en compagnie de célébrités. Mais pas de prise de substances illicites : les dépistages pour dopage sont intransigeants et Hamilton a déjà déclaré qu'il n'aimait pas trop l'alcool. Il est d'ailleurs régulièrement critiqué pour son mode de vie, alors que Hunt est devenu une légende à cause de ça. Lewis est accusé de se déconcentrer, malgré trois victoires en championnats du monde, alors que Hunt buvait toute une nuit, faisait des orgies avec des hôtesses de l'air, et était célébré le lendemain pour sa capacité à mélanger travail et plaisir.

La présence de la musique dans les courses automobiles n'est pas nouvelle non plus. Tous les ans, à l'Indianapolis 500 aux Etats-Unis, des grands noms de la musique participent à la fête. Ils ne sont pas représentatifs des nouveaux courants musicaux ceci dit. Ils visent une cible un peu plus âgée. Ces dernières années, les groupes qui ont participé étaient ainsi Lynyrd Skynyrd, Jane's Addiction et les Rolling Stones.

Mais on est loin des années James Hunt, quand l'imagerie casse-cou et rock'n'roll faisait complètement partie de la course automobile. C'est d'ailleurs peut-être en perdant cela et en s'orientant vers une image plus conservatrice que le charme de ce sport s'est fané.