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Crime

La terrifiante histoire du chauffeur de taxi assassin

Après une soirée entre amis, une jeune femme a disparu. Quand la police a arrêté le suspect principal, il les a menés à un autre corps.

(Collage : Marta Parszeniew. De gauche à droite : Sian O'Callaghan, Becky Godden-Edwards (les deux victimes) et Christopher Halliwell. Toutes les images ont été fournies par la police.)

Lorsque l'inspecteur Steve Fulcher a entendu que le chauffeur de taxi Christopher Halliwell – suspecté d'avoir enlevé Sian O'Callaghan, laquelle avait disparu cinq jours auparavant – avait refusé de parler aux policiers lors de son arrestation, il a pris la décision de ne pas respecter les règles imposées par son métier. Ses actions ont plus tard été décrites par l'Independent Police Complaints Commission [ IPCC ; équivalent anglais de l'IGPN] comme une violation « catastrophique » du code de déontologie de la police.
Alors que des officiers conduisaient Christopher Halliwell au poste de police Gablecross, à Swindon, Steve Fulcher les a appelés pour leur demander d'amener le suspect à Barbury Castle, une colline fortifiée datant du sixième siècle avant J.C. L'inspecteur Fulcher y a retrouvé Christopher à 12h11, le jeudi 24 mars 2011. Ils se sont éloignés des autres officiers de police pour parler ; leur conversation a été consignée par la seule personne présente, un civil qui a tout pris en note.
S. Fulcher : « Est-ce que vous allez me dire où se trouve Sian ? »
C. Halliwell : « Je ne suis au courant de rien. »
S. Fulcher : « Est-ce que vous allez me dire où est Sian ? Si vous nous dites où elle est, vous aurez fait ce qu'il faut, peu importe ce que la presse dira de vous par la suite. »
C. Halliwell : « Je veux aller au poste. »
S. Fulcher : « Est-ce que vous êtes prêt à me dire où se trouve Sian ? »
C. Halliwell : « Vous pensez que je l'ai enlevée. »
S. Fulcher : « Je sais que vous l'avez enlevée. »
C. Halliwell : « Est-ce qu'on peut aller au poste ? »
S. Fulcher : « On peut aller au poste, mais là-bas vous serez totalement discrédité. Si vous me dites où est Sian, là vous aurez fait ce qu'il faut. »
C. Halliwell : « Je veux parler à un avocat. »
S. Fulcher : « On vous laisse la possibilité de nous dire où elle est. Dans une heure, votre nom et votre photo circuleront dans tous les journaux. »
C. Halliwell : « Je veux parler à un avocat. »
S. Fulcher : « Vous parlerez à un avocat. Mais d'abord, je vous donne l'opportunité de me dire où se trouve Sian, avant que la presse ne s'empare de cette affaire. Dites-moi où elle est. »
Un silence pesant s'est installé. Au bout de quelques minutes, Christopher Halliwell a dit : « Vous avez une voiture ? Je vais vous indiquer le chemin. »
Le vendredi précédent, Sian O'Callaghan, 22 ans, était sortie avec des amis au Suju, une boîte de nuit de Swindon. Elle en est repartie seule le samedi, vers 2h52 du matin, et n'avait pas beaucoup de chemin à faire pour rentrer : l'appartement qu'elle partageait avec son petit ami, Kevin Reape, se trouvait à environ dix minutes à pied de la boîte.

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À 3h24, voyant qu'elle n'était toujours pas rentrée, son copain lui a envoyé un SMS qui est resté sans réponse. À 9h45, toujours sans nouvelles, il a appelé la police pour signaler sa disparition.

« Il était fasciné par les meurtres. Il me demandait des trucs du genre "Combien de gens tu dois assassiner avant d'être considéré comme un tueur en série ?" »

Le dimanche, la police de Wiltshire a demandé aux civils de rendre publique toute information en lien avec l'affaire. Leurs recherches avaient déjà montré que lorsque son téléphone a reçu le message de son copain, à 3h24, Sian se trouvait aux alentours de la forêt de Savernake (soit à près de 20km de Swindon). Les officiers ont conclu que, pour avoir parcouru une telle distance en si peu de temps, elle avait dû monter dans une voiture. C'est à ce stade que l'inspecteur Steve Fulcher (qui a refusé d'être interviewé pour cet article car il est actuellement en pourparlers pour l'adaptation de son livre à paraître) s'est vu confié l'affaire. Il avait encore l'espoir de retrouver Sian vivante. Le mardi, environ 400 civils se sont joints aux forces de l'ordre lors de la battue de la forêt de Savernake. Le mercredi, la police a annoncé qu'une analyse plus poussée du téléphone de Sian leur avait permis de découvrir plusieurs « zones sensibles » qu'ils souhaitaient examiner ; ils ont demandé au public de ne pas se joindre à eux. Steve Fulcher a déclaré que l'enquête avançait à « grande vitesse » et que « des pistes considérables » étaient découvertes chaque jour. Un des hommes interrogés ce jour-là était Christopher Halliwell, chauffeur de taxi âgé de 47 ans. Christopher était déjà considéré comme le suspect principal dans cette affaire, mais l'inspecteur Fulcher a décidé de le « relâcher ». Ce que le chauffeur ignorait, c'est que des policiers le surveillaient de loin, espérant qu'il les mène à Sian O'Callaghan. À la place, ils l'ont vu aller à la pharmacie du coin et s'acheter assez d'analgésiques pour mettre fin à ses jours. Désormais considéré comme un suspect « à risque », les officiers l'ont arrêté le jeudi, à 11h05 du matin, alors qu'un client s'apprêtait à monter dans son taxi. Durant l'interrogatoire insistant, il a gardé le silence ; c'est à ce moment que l'inspecteur Fulcher a décidé de l'amener à Barbury Castle. Suite à leur discussion sur la colline, le chauffeur a amené la police à 30 km de là, vers le Cheval blanc d'Uffington, une œuvre préhistorique représentant une silhouette de cheval creusée dans une colline de craie. Il ne se rappelait pas de l'emplacement exact, mais les officiers se sont mis au travail ; plus tard dans la journée, ils ont trouvé le corps de Sian O'Callaghan. Lorsque Steve Fulcher a annoncé à Christopher Halliwell qu'il allait l'emmener au poste et le faire arrêter pour meurtre, le chauffeur lui a répondu : « Il faut qu'on parle, vous et moi. » À nouveau, les deux hommes se sont éloignés du reste des forces de l'ordre pour discuter en privé. Steve Fulcher a offert une cigarette à Christopher, qui lui a demandé : « Vous voulez que je vous en montre un autre ? » De retour dans la voiture, le chauffeur de taxi les a guidés jusqu'à un nouvel emplacement, à 45 minutes de là. Pendant le trajet, Christopher est devenu presque émotif : « les gens normaux ne tuent pas les autres comme ça. » Ils ont fini par arriver sur une route de campagne près de Gloucestershire. Escaladant un petit monticule de terre sèche puis comptant ses pas, Christopher s'est arrêté à l'endroit où, annonça-t-il, il avait enterré une prostituée de Swindon des années auparavant. Dans les jours qui suivirent, les officiers découvrirent la dépouille de Becky Godden-Edwards, disparue depuis décembre 2002.

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Les policiers ont finalement amené Christopher au poste. Ils l'ont officiellement mis en garde à vue et autorisé à appeler un avocat. Lorsque Steve Fulcher a à nouveau pu lui parler, dans une salle d'interrogatoire cette fois, Christopher s'est contenté de répondre : « sans commentaire ».

« Son livre préféré avait pour sujet les meurtres de la lande ; sur la couverture, il y avait la photo d'une des tueuses, Myra Hindley. »

Ce n'était pas la première fois que Christopher se faisait arrêter. Né en 1964, il avait cambriolé plusieurs maisons pendant sa jeunesse, et avait été emprisonné dans les années 1980 à Dartmoor Prison. Ernest Springer, son compagnon de cellule, a affirmé que déjà, à l'époque, Christopher était attiré par le fait de devenir un tueur en série. Les policiers s'occupant de l'affaire Sian O'Callaghan ont interrogé Ernest Springer, et il a également raconté au journal The Sun : « Il était fasciné par les meurtres. Il me demandait des trucs du genre "Combien de gens tu dois assassiner avant d'être considéré comme un tueur en série ?" Il était captivé par les serial killers. Il voulait que les gens soient fiers de lui, mais aussi terrifiés. Ne me demandez pas pourquoi, mais c'est ce qu'il voulait être : un tueur en série. Il recevait ce magazine intitulé True Detective, rempli d'histoires de meurtres et de disparitions. Son livre préféré avait pour sujet les meurtres de la lande [ une affaire criminelle britannique datant des années 1960] ; sur la couverture, il y avait la photo d'une des tueuses, Myra Hindley. » Cependant, après sa sortie de prison, Christopher Halliwell a vécu une vie plutôt ordinaire. Il s'est installé avec sa compagne et les trois filles de celle-ci dans une maison mitoyenne de la banlieue de Swindow, lui-même ayant trois enfants d'un précédent mariage. Un de ses collègues chauffeur, Neil Barnett, a raconté au Sun que Christopher était « un mec sympa, vraiment sympa. Un gars ordinaire. Je lui aurais confié mes deux filles sans hésiter. » Le 31 mai 2012, Christopher Halliwell s'est présenté devant les juges pour faire appel. Même s'il avait précédemment amené l'inspecteur Fulcher au corps de Sian, le chauffeur a plaidé non coupable pour le meurtre de la jeune femme.

Des membres du public tentent d'attaquer le fourgon de police transportant Christopher Halliwell à sa sortie du tribunal de Swindon. Il était resté en détention provisoire après avoir été inculpé pour le meurtre de Sian O'Callaghan. Photo de Ben Birchall/PA Archive/PA Images

Quelques mois plus tôt, en janvier, l'inspecteur Fulcher s'était retrouvé dans la tourmente suite à sa décision de ne pas respecter le code de déontologie. La juge de la Haute Cour de Justice, Laura Cox, a conclu que la confession de Christopher était irrecevable par un tribunal, car Steve Fulcher ne lui avait ni lu ses droits, ni proposé les services d'un avocat. La juge Cox a décrit son infraction au code de déontologie comme « une faute irrattrapable ». Grâce aux tests ADN prouvant le lien entre Sian et Christopher, la police a malgré tout pu faire avancer l'affaire. Le 19 octobre 2012, le chauffeur s'est présenté au tribunal de Bristol Crown et a cette fois plaidé coupable. Il a été condamné à la prison à vie, dont 25 ans ferme au minimum.
Cependant, suite à la décision de la juge Cox, la deuxième affaire (le meurtre de Becky Godden-Edwards) a été grandement freinée. Il a fallu quatre ans à la police pour remonter un dossier conséquent. Christopher Halliwell a été à nouveau condamné pour meurtre le 30 mars 2016. Il a essayé de plaider non coupable mais un tribunal l'a déclaré coupable trois mois plus tard. Christopher a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, une sentence rare en Angleterre : depuis son inauguration, en 1983, elle n'a été utilisée qu'une centaine de fois, principalement pour des tueurs en série notoires tels que Peter Sutcliffe, Ian Brady et Myra Hindley. La manière dont l'inspecteur Fulcher s'est comporté lors de l'interrogatoire de Christopher Halliwell porte le nom de « corruption pour une noble cause ». L'inspecteur s'est défendu en disant que, certes, il aurait dû rappeler à son suspect qu'il avait le droit de garder le silence et d'appeler un avocat ; cependant, il a agi ainsi en pensant que Sian O'Callaghan était toujours en vie et pouvait encore être sauvée. Suite à la deuxième condamnation de Christopher, en 2016, Steve Fulcher a annoncé : « Comme la loi le précise, j'aurais dû donner la priorité au droit du suspect à garder le silence et à appeler un avocat ; j'ai préféré donné la priorité à Sian O'Callaghan. Je reste persuadé que laisser Christopher me conduire aux corps de Sian et Becky était la bonne chose à faire, moralement parlant. » Cependant, le code de déontologie de la police agit comme une règle générale pour protéger toutes les personnes interrogées par la police, particulièrement celles qui sont vulnérables ou facilement influençables. Steve Fulcher n'a jamais lu ses droits à Christopher Halliwell, même après avoir eu la confirmation qu'il s'agissait d'un meurtre et non plus d'un enlèvement ; sa décision a failli invalider les deux affaires. Il a plus tard été condamné pour faute professionnelle et on lui a donné un avertissement écrit ; peu de temps après, il a démissionné des forces de l'ordre pour travailler en tant qu'agent de sécurité en Somalie. Steve Fulcher pense toujours, à l'instar des autres inspecteurs, que Halliwell a probablement fait d'autres victimes. Le détective Sean Memory, qui était chargé de l'enquête concernant Becky Godden-Edwards, a déclaré à la radio BBC 4 en septembre dernier : « Je suis inquiet, ça ne fait aucun doute. Nous savons que Becky est décédée en 2003 et Sian en 2011. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi cet écart entre les deux meurtres ; comment cet homme peut-il à certains moments être un chauffeur doux et attentionné qui ramène les jeunes femmes chez elle et à d'autres un tueur en série ? L'enquête sur le passé de Christopher Halliwell et ses éventuels autres meurtres se poursuit ; toutefois, plus tôt dans le mois, une fouille complète de sa maison à Swindon par la police scientifique (qui a sondé son jardin et fouillé ses garages) n'a rien donné.

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