homard tuer

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La meilleure façon de tuer un homard s'il en est une

On a demandé à des chefs comment faire pour envoyer ce noble crustacé « ad patres » à la casserole sans avoir de remords ni même la PETA sur le dos.

Pour qu'un filet de poisson ou un morceau de viande débarque dans votre assiette, il faut qu'un animal passe, au préalable, de vie à trépas – un truc auquel on ne pense pas forcément à moins de devoir tuer la bête soi-même. Mais pourquoi les gens s'emballent-ils autant quand il s'agit de cuisiner des homards ? Est-ce parce qu'ils arrivent encore vivants dans les restaurants ? Est-ce parce qu'on a tous en tête l'histoire de leurs cris d'agonie quand ils sont plongés dans l'eau bouillante ?

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Le débat fait toujours rage. Une pétition en ligne – lancée par une fondation pour la protection des poissons – voudrait interdire cette pratique qui veut qu'on balance dans une marmite les homards vivants. Elle regroupe déjà plus de 6 000 signatures.

LIRE AUSSI : La folle histoire du homard, des origines à nos tables

Scientifiquement, aucun consensus n'est établi pour savoir si les homards ressentent oui ou non la douleur. Selon une étude norvégienne, ils réagissent aux stimuli douloureux. Leur système nerveux étant différent du nôtre, difficile d'en tirer plus de conclusions. D'autres études affirment qu'il suffit d'observer le comportement des homards pour constater qu'ils ressentent la douleur.

Problème, il n'existe aucune loi aux Pays-Bas ou en France autour de la mise à mort des crustacés. Sans cadre juridique, personne ne peut déterminer ce que « tuer humainement » un homard veut dire. Récemment, un établissement de la province du Zeeland a été averti par la police. En cause ? Une cuisson à la vapeur des homards – ce qui prend bien plus de temps que de les ébouillanter.

Iwan Driessen kreeft

Photo de Rebecca Camphens

Les militants pour les droits des animaux ne sont pas les seuls à ressentir des émotions au moment de tuer ou de manger des crustacés. Les chefs aussi ont un cœur et nous sommes allés en parler à certains pour savoir ce qu'ils considèrent être la méthode la moins cruelle pour tuer un homard.

J'ai bossé dans un établissement où ils enlevaient d'abord la queue puis les pattes avant de passer un pique à travers l'animal. Pendant tout ce temps-là, il restait en vie.

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Dimas Sastrohardjo, sous-chef chez Le Garage à Amsterdam Je sais que ça ne sonne pas très bien mais, la première fois que j'ai dû tuer un homard, j'étais plutôt excité. C'était à l'Oyster Bar du Leidseplein. Ils ont un aquarium plein de crustacés. Je devais attraper la bête à l'épuisette alors qu'elle courait de droite à gauche dans le bassin. Ça m'a pris un peu de temps d'en choper un.

Avant de cuisiner un homard, je le transperce toujours au couteau. C'est ce qu'on m'a appris à l'école. Parfois, on le coupe aussi en deux avant de le mettre sur le gril.

J'ai bossé dans un établissement où ils enlevaient d'abord la queue puis les pattes avant de passer un pique à travers l'animal. Pendant tout ce temps-là, il restait en vie. Personnellement, je le transperce toujours d'abord au couteau.

Mick van der Ham, chef au Visaanderschelde à Amsterdam J'ai d'abord fait des études en neurosciences, mais ce n'était pas trop mon truc. Par contre, j'ai toujours eu une passion pour la cuisine. Je me suis donc reconverti. Un homard n'a pas un cerveau comme le nôtre – il s'agit plutôt d'un réseau de tentacules sur tout son corps.

Ce qui m'énerve c'est que les gens pensent que faire bouillir un homard, c'est comme faire bouillir un chat alors que les deux animaux sont très différents – le homard est plus proche d'un insecte. On les prépare toujours directement. En trois secondes, le homard est durci. Quand on passe un couteau dans sa tête, le problème, c'est que ça n'attaque qu'un des centres nerveux du homard qui en a deux autres. C'est comme de fusiller quelqu'un en tirant sur sa jambe.

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Les gens ont trop d'imagination. Je peux le comprendre. On ne ferait pas bouillir un être humain vivant donc il ne faut pas bouillir des animaux. Mais les homards ont des systèmes nerveux très différents. La meilleure méthode serait d'électrocuter le homard, ce serait le plus rapide. Mais je ne pense pas que tous les restaurants seraient prêts à faire ça.

Je pense que tous les animaux ont des sensations, de la moule jusqu'au homard. C'est juste que je n'entends pas la moule crier.

Wouter wan der Ven, sous-chef au Mossel & Gin à Amsterdam J'ai appris à cuisiner auprès de grands chefs. Ils balançaient tout simplement les homards vivants dans des grandes casseroles remplies d'eau. Les crustacés avaient encore leur tête et leur queue et n'atterrissaient pas déjà tout préparé. Ça, c'était avant, quand on voyait beaucoup plus d'animaux morts dans les restaurants. Parfois, un chasseur rapportait un chevreuil qu'on mettait à saigner en cuisine pendant plusieurs jours.

Avant de cuisiner le homard, je lui passe toujours un couteau dans la tête, au travers du crâne. Et je le mets immédiatement dans une casserole. Je ne me sens pas désolé pour les crustacés ou pour aucun autre animal. Je pense qu'ils ont tous des sensations, de la moule jusqu'au homard. C'est juste que je n'entends pas la moule crier.

Kreeft handen

Sam Vreeke, chef au Mossel & Gin à Amsterdam La première fois, j'ai vraiment dû me faire à l'idée. C'était assez dégueu. Vous avez un animal vivant devant vous. On n'en voit pas tant que ça, des animaux vivants, dans un restaurant.

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On nous les livre encore vivants parce que ça prend du temps à préparer. Si on tuait le homard dès la capture, le produit ne serait plus du tout le même. Une fois que vous avez fait votre besogne, il faut s'y mettre tout de suite. Chaque restaurant a sa façon de faire pour ce qui est de la recette.

En tant que chef, j'estime qu'il faut être à l'aise avec l'idée de tuer un animal. Le métier implique de travailler avec toutes sortes de viandes qui arrivent en général déjà détaillées. Mais c'est important de réaliser que la viande vient d'animaux vivants et qu'il faut la traiter avec respect pour en faire un bon plat.

Je comparerais la première fois que j'ai dû en tuer un à ma première fois avec une fille. C'est en fait assez excitant de transpercer la tête d'un animal avec la pointe d'un couteau.

DP Arkenbout, chef au De Vluchthaven à Bruinisse Le système nerveux d'un homard est très différent de celui d'un humain. Pour un être humain, la douleur a un rôle bien précis. Le homard et sa coquille dure réagissent différemment. Souvent, on va vous dire qu'il faut couper la tête, mais ça ne marche pas parce qu'un homard a plusieurs centres nerveux sur le corps donc si vous tranchez sa tête, ses autres centres nerveux restent intacts.

Chez De Vluchthaven, nos homards sont conservés dans de grands bassins dans l'Oosterschelde, un estuaire qui se trouve tout près du restaurant. On a bien conscience de travailler avec des animaux vivants donc, dès qu'on peut, on tranche le homard en deux au couteau. Les deux moitiés sont directement mises à griller. C'est la mort la plus rapide. Ébouillanter le homard dans une marmite prend plus de temps parce que la chaleur doit traverser le corps jusqu'aux nerfs. Je pense que du moment que la mort est rapide, on traite le homard avec respect.

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La purée au homard

Job Pattinasarany, chef au Ballroom de Rotterdam Je considère le homard comme un produit délicat. C'est vivant, mais je le vois comme un produit. Je comparerais la première fois que j'ai dû en tuer un à ma première fois avec une fille. C'est en fait assez excitant de transpercer la tête d'un animal avec la pointe d'un couteau. Maintenant, ça fait partie de la routine. Enfin, je n'en ai tué que quatre. Je me dis toujours : si je marchais dans la mer et qu'un homard attrapait l'un de mes orteils, il ne le lâcherait pas. Donc après, c'est la loi du plus fort.

Je tue le homard avant de le préparer pour deux raisons : d'abord parce que je pense que c'est plus humain, et ensuite parce que les muscles du homard se raidissent quand on le balance vivant dans l'eau bouillante, ce qui rend sa chair moins tendre.

C'est aussi une question de respect. Je fais attention à tous les produits dont je me sers, qu'il s'agisse de viande ou de poissons ou bien des crustacés ou des homards. Il faut en prendre soin, comme d'une bonne bouteille de vin.

Cet article a été initialement publié en néerlandais sur MUNCHIES NL

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