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Sports

Un hommage à Dylan Rieder par un admirateur qui ne l'a jamais rencontré

Il était impossible de regarder Rieder skater et de ne pas avoir le désir immense de skater soi-même.
Screengrab via Gravis Footwear on Vimeo

Il n'y a pas d'hommage plus grand pour un skateur que de dire qu'il a inspiré chez vous une envie délirante de faire du skate. Notre passion pour un skateur en particulier provient de sa façon de skater, c'est aussi pur, subjectif et superficiel que ça. Son empreinte est ensuite en nous, elle nous accompagne sur la planche, nous donne un exemple à imiter, une voie toute tracée, pour chaque trick que l'on fait. Et je dois vous dire que Dylan Rieder est le skateur qui m'a le plus inspiré quand j'étais sur une planche, et de loin.

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Rieder est mort d'une leucémie la semaine dernière, à l'âge de 28 ans. Je ne l'ai jamais rencontré, et je ne peux donc pas dire comment il était dans la vie de tous les jours. Ce sera à sa famille et ses amis de relater comment sa présence affectait leurs vies. D'autres sont beaucoup mieux placés que moi pour parler de sa carrière dans le mannequinat : son apparition dans Vogue, ses signature shoes minimalistes pour Huf, tous ces aspects indélébiles qui ont fait de lui une figure singulière dans une forme artistique qui ne se base que sur la singularité.

Mais Dylan Rieder savait aussi faire du skate mieux que quiconque, et de ça, je peux parler, en tant que skateur naze qui mange des trottoirs depuis plus d'une décennie.

J'ai appris l'existence de Rieder pour la première fois durant mon adolescence où je ne faisais que bouffer du skate, mais ce n'est que ces dernières années qu'il est devenu mon idole. On a des styles complètement différents, pas simplement en termes de talent - je suis à plusieurs années-lumières de son niveau - mais aussi pour ce qui est de nos types de tricks et de spots favoris. Esthétiquement, son charme est cependant indéniable - il était putain de cool sur un skate. Dans toutes les vidéos que j'ai regardées, dans toutes les photos que j'ai vues, à chaque impulsion sur mon skate, et à chaque fois que je recherchais la confiance dans un miroir, je pensais le connaître. Mais évidemment je ne connaissais que sa manière de skater : c'est le même type de fausse intimité que l'on peut ressentir pour un musicien dont on connaît tous les albums et les singles par cœur ou pour un auteur dont on a lu tous les livres et toutes les interviews. Le genre de relation qui ne va que dans un sens et qui fait apparaître le deuil comme authentique mais qui laisse quand même une part de culpabilité.

Il y avait une puissance volontaire dans la façon de skater de Rieder, une force appliquée avec le genre de précision et d'élégance qui correspond à celle des boxeurs et des missiles autoguidés. Il réussissait des tricks difficiles sans effort, à tel point qu'il fallait les regarder plusieurs fois - deux, voire trois ou quatre - pour réaliser à quel point il était rapide sur un skate, à quel point il allait haut, à quel hauteur de dingue étaient les rambardes qu'il grindait, à quel point chaque trick qu'il réalisait était ridicule : un sauvage qui se lançait à corps perdu avant de prendre son envol comme un danseur étoile. Rieder faisait partie des skateurs les plus stylés depuis le Time to Shine de Transworld en 2006, quand il est arrivé tel une fusée dans le monde du skate à l'âge de 18 ans. Quand sa vidéo solo pour Gravis est sortie en 2010, tout le monde voyait déjà en Rieder un artiste, un mec qui pouvait prendre des tricks chelous comme l"impossible", et, au lieu d'en faire une rotation bizarre du skate autour du pied arrière, il en faisait un cyclone magnifique au-dessus d'obstacles bien trop hauts. Dans cette séquence pour Gravis par exemple : un gap de fou furieux, Rieder qui flotte pendant trop longtemps et trop haut dans les airs, un "impossible" exceptionnel en orbite autour de son pied tel un satellite, il l'arrête avec la main, atterrit en pliant parfaitement les genoux et continue sur sa lancée, sans aucune perte de vitesse. Tout semble tellement facile, avec des ollies effectués en un clin d'œil et des tricks qui naissent par miracle de ses pieds :

Dylan. pour Gravis Footwear sur Vimeo.

Il était impossible de regarder Rieder skater et de ne pas avoir le désir immense de skater soi-même : chaque mouvement était un rappel de la façon si simple qu'il avait de pousser son skate, jusqu'à son corps anguleux, qui va à l'encontre de la gravité et au-dessus d'une table de pique-nique, d'un trou dans l'architecture qui semblait fait pour qu'il lui saute par-dessus, de rambardes grindées comme une moto dans un virage, avec l'impression qu'il allait toujours plus vite après avoir atterri. Un superbe soupçon d'imperfection est ensuite arrivé dans sa manière de skater, une touche d'humanité dans ses capacités surnaturelles, quelque chose que l'on peut voir de manière évidente, en noir et blanc, dans sa séquence de Cherry en 2014. Une humanité exacerbée par le choix parfait de la bande-son - quel esthète ! - cette ode funèbre par INXS qu'est Never tear us apart. Une souvenir parfait pour moi et tous les autres skateurs qui, comme moi, ont avidement dévoré tout ce qu'a fait Rieder, l'ont accueilli dans leurs crews et dans leur façon de skater, qui lui ont emprunté sa passion et son désir et sa confiance et son envie et ses aspirations et même son style vestimentaire, et qui ont trouvé ça à la fois parfaitement naturel et en même temps un peu con de chialer pour un deuil immérité mercredi dernier. On ne l'a jamais connu et on ne le connaîtra jamais désormais, mais on n'oubliera jamais comment il skatait.