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Comment Martina Hingis et Sania Mirza dominent sans pitié le double féminin

Hingis et Mirza sont actuellement sur une série de 34 victoires d'affilée et sept tournois remportés avant leur demi-finale de l'Open d'Australie mercredi.
Photo by John G. Mabanglo/EPA

Ces dernières années, les fans de tennis ont eu droit à des niveaux de perfection jamais atteints jusque-là. Chez les hommes, Roger Federer puis Rafael Nadal puis Novak Djokovic ont tous connu des périodes d'invincibilité. Aujourd'hui, c'est au tour du Serbe : Djokovic a été en finale des 16 derniers tournois qu'il a joué, avec 12 trophées à la clé.

Chez les femmes, c'est depuis un bout de temps Serena Williams contre les autres : la championne de 21 titres du Grand Chelem a remporté quatre des cinq derniers tournois principaux et a pratiquement le double de points au classement de Simona Halep, la n°2 mondiale.

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Même s'ils sont d'incontestés favoris sur leurs circuits respectifs, Djokovic et Williams ne sont pas cependant les joueurs les plus dominants dans le tennis actuel. Cet honneur revient à la doublette féminine composée de Martina Hingis et Sania Mirza.

Hingis et Mirza (ou #SanTina comme les appelle désormais Twitter) sont à l'heure actuelle sur une série de 34 victoires et sept tournois remportés d'affilée. La plus longue série sur le circuit du double féminin depuis que Jana Novotna et Helena Sukova ont remporté 44 victoires d'affilée en 1990. Le duo a gagné onze tournois ensemble, dont Wimbledon, l'US Open, les Masters féminins, depuis qu'elles ont commencé à jouer des matches à deux, il y a onze mois de cela.

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Ce faisant, elles ont en plus amené leurs carrières déjà illustres vers de nouveaux sommets. Mirza, l'icône féministe indienne, était dans le Top 5 des joueuses de double féminin et avait remporté trois titres du Grand Chelem en double mixte, mais, avant de s'associer à Hingis, n'avait jamais été numéro 1 mondiale et n'avait jamais gagné de tournoi du Grand Chelem en double féminin. Il lui a juste fallu trois tournois avec Hingis pour accomplir ce premier objectif et dix pour conquérir le deuxième.

Hingis, pendant ce temps-là, a pu ajouter tellement de titres à son CV qu'elle pourrait être introduite une deuxième fois au Hall of Fame. Depuis qu'elle est revenue sur le circuit pour rejouer en double en 2013, elle a ajouté trois titres majeurs du double mixte, deux titres majeurs du double féminin et 18 victoires dans d'autres tournois de double féminin à son palmarès. De quoi en faire l'un des championnes les plus récompensées de tous les temps. La plupart de ces succès sont dus à son association avec Mirza.

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Mirza, 29 ans, et Hingis, 36 ans, sont chacune très talentueuses à ce moment de leurs carrières. Mais ensemble, elles sont simplement transcendantes.

« Notre alchimie est extraordinaire. Nous ne jouons pas toujours un super tennis, mais on se débrouille et on trouve une solution, a expliqué Martina Hingis la semaine dernière. C'est pour ça qu'on est le meilleur double actuellement. »

Mirza et Hingis à l'US Open. Photo par Anthony Gruppuso-USA TODAY Sports

Le tennis en simple est souvent comparé à la boxe : deux individus s'envoient des coups dans une bataille qui demande autant de volonté que de talent. Le tennis de double est, lui, plus raffiné et délicat. C'est rapide, frénétique mais aussi sensible et interactif. La plupart du temps, c'est un désastre complet : une cacophonie chaotique de jeu de fond de court et de mauvaise communication.

Selon le légendaire coach Nick Bollettieri, « la règle n°1 en double, c'est de trouver le bon partenaire. »

Hingis et Mirza ont clairement accompli cette tâche-là, même si c'était plus par hasard qu'autre chose. A la même époque l'an dernier, les deux joueuses se morfondaient dans des associations de double où elles étaient malheureuses. Hingis avait connu le succès avec Flavia Pennetta, mais l'Italienne était en train de délaisser sa carrière en double pour se concentrer sur ses résultats en simple. De son côté, Mirza jouait avec Su-Wei Hsieh puisque sa partenaire précédente, Cara Black, avait pris sa retraite à la fin de la saison 2014. Mais il y avait un gros problème : Mirza et Hsieh préféraient toutes les deux jouer du côté droit du court, et aucune des deux n'étaient vraiment à l'aise de l'autre côté.

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Lors d'un tournoi à Doha en février 2015, Hingis et Mirza en ont profité pour s'entrainer ensemble. Même si ce premier entraînement s'est très mal passé, et même si Mirza est arrivée jusqu'en finale avec Hsieh, les deux ont décidé de continuer ensemble malgré tout. Et elles ont bien fait : #SanTina gagna alors ses trois premiers tournois.

« Martina est évidemment l'une des meilleures joueuses du circuit. Mais le plus important, c'est qu'elle est le meilleur complément possible pour mon jeu, raconte Mirza. Elle a un extraordinaire - probablement l'un des meilleurs - jeu de raquette au filet. J'ai besoin de quelqu'un qui puisse finir mes points. »

La journaliste spécialiste du tennis Stephanie Nepll était intriguée dès qu'elle a entendu parler de cette association.

« J'ai pensé "C'est la meilleure association possible en double féminin" », explique-t-elle.

SanTina en action. Photo par Anthony Gruppuso-USA TODAY Sports

Ce n'était pas supposé se passer comme ça pourtant. Hingis et Mirza ont chacune pris leur lot de détours pour arriver au succès.

« Je me souviens quand Hingis avait 15 ans et qu'elle avait gagné le double à Wimbledon. C'était cette jeune fille souriante, aux allures de petites souris, une adolescente en sous tout rapports, raconte Neppl. Et puis deux mois plus tard, elle est en demi-finales à l'US Open et l'année d'après elle gagne trois tournois du Grand Chelem. C'était instantané. Elle est arrivée de nulle part et elle a tout remporté. »

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A l'époque, Hingis était une force de la nature à al fois sur le court et en dehors. Elle faisait des vagues avec son jeu dynamique et ses remarques controversées sur les soeurs Williams ou Amélie Mauresmo.

« Elle avait une confiance en elle inébranlable, se souvient Neppl. Elle était sans filtre. »

C'était peut-être un peu trop rapide pour elle cependant. Hingis est descendue de son piédestal aussi vite qu'elle y était montée. La Suissesse gagne alors le dernier de ses cinq titres du Grand Chelem en simple à l'occasion de l'Open d'Australie 1999, et, trois ans plus tard, après 209 semaines en haut du classement WTA et 35 semaines en haut du classement du double féminin, elle annonce sa retraite. En 2005, elle fait son retour. Elle réitère alors quelques-uns de ses précédents exploits, mais n'est pas à la hauteur pendant les tournois majeurs. Elle décide de quitter le circuit de nouveau en 2007 après avoir été contrôlée positive à la cocaïne. Si elle nie en avoir pris, elle explique à l'époque qu'elle ne veut pas se lancer dans un combat contre les autorités anti-dopage.

Six ans après cela, quelques jours après son introduction au Hall of Fame, Hingis annonce qu'elle veut de nouveau faire son retour. Le simple étant trop physique pour elle qui est en pleine trentaine et a passé trop de temps en dehors du circuit, elle annonce qu'elle veut se consacrer au double exclusivement. Hingis est depuis redevenue la meilleure joueuse de double du monde à nouveau, une dizaine d'années après avoir été n°1 mondiale de la catégorie pour la dernière fois, en 2000.

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La carrière de Mirza a été à la fois moins mouvementée et moins parsemée de trophées. Mais la trajectoire est à peu près similaire. La meilleure joueuse de tennis féminin que l'Inde ait jamais connue a connu elle aussi le succès très tôt, adolescente, quand elle se propulse jusqu'à la 27e place du tableau féminin. Elle est devenue la première femme d'Asie du sud a être nommée ambassadrice de l'Unesco. Mais d'incessants problèmes au poignet l'handicapent pendant des années. En 2012, Mirza décide alors de se concentrer sur le double, là où elle pense pouvoir exceller.

Avec leurs carrières en simple derrière elles, Hingis et Mirza pouvaient apporter chacune une confiance en leur tennis compatible ainsi qu'une passion commune pour le double.

« J'y ai toujours cru, raconta Hingis après leur victoire à Wimbledon, son premier titre en double féminin en douze ans. Sans ça, on ne peut pas venir et jouer à ce niveau. J'ai toujours su que j'avais l'une des meilleures volées, l'un des meilleurs revers du monde, donc vous devez croire en cela si vous voulez gagner. »

Quand gagner est aussi excitant, pourquoi s'arrêter là ? Photo par Facundo Arrizabalaga/EPA

En double, il n'y a pas de marge d'erreur, en particulier en dehors des tournois du Grand Chelem avec la règle du super tie-break. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles les déceptions sont si communes et c'est pourquoi la domination établie par #SanTina cette année est incomparable dans l'histoire du tennis.

« Les points en double sont tellement rapides. Une erreur et vous perdez et vous êtes derrière au score. C'est difficile de revenir ensuite », explique Neppl.

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Hingis et Mirza sont très rarement derrière au score, particulièrement pendant leur série de 31 victoires. Quand elles galèrent ou sont dans un mauvais jour, elles ont acquis l'une des capacités les plus importantes en double : elles s'entraident.

La réussite en double, ça tient autant à la confiance en soi et au pardon de son partenaire qu'aux volées et aux coups droits, aux réflexes et au rythme. L'aspect primordial de ce jeu, c'est la relation entre les deux partenaires. Cela n'a aucun intérêt si le coup droit de Mirza est un complément parfait au revers d'Hingis, si les deux ne s'entendent pas parfaitement.

Heureusement, elles sont sur la même longueur d'onde.

« On réagit à des situations qu'on connaît, explique Mirza après avoir remporté les Masters féminins. Par exemple, je sais comment Martina se sent le matin, et elle sait comment je me comporte dans des situations où je ne suis pas bien. Je pense que quand vous savez ça sur l'autre personne, vous pouvez vous aider mutuellement. C'est ça le double. C'est de la communication. On essaie d'être aussi honnête que possible l'une avec l'autre sur ce qu'on ressent. »

Avec leurs jeux compatibles, leurs compétences en communication et leur bonne entente, il est facile de voir pourquoi Hingis et Mirza sont devenues le double à abattre. Malheureusement pour les autres filles du circuit, elles sont déterminées à rester comme ça.

« Ce n'est pas comme si on avait tellement gagné de matches qu'on prenais ça pour acquis, vraiment. On essaye de faire de notre mieux à chaque fois. On est pourchassées par les autres, expliqua Hingis après leur onzième titre. Tout le monde joue son meilleur tennis face à nous, et nous, on doit continuer à jouer du mieux que l'on peut pour gagner. »

Jusqu'ici, c'est ce qu'elles font.