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Sous embargo alimentaire, les Russes s'attaquent aux secrets du fromage français

Depuis que le Kremlin a interdit l’importation de produits alimentaires venus d'occident, les Russes tentent par tous les moyens de produire chez eux, leur propre trésor lacté.
Photo via Flickr user Denis Bourez

Non, le « fromage russe » n'est pas le nom d'une technique de torture utilisée par les services de renseignements russes. Depuis l'embargo alimentaire de 2014, la Russie, qui est tout sauf un pays de fromages, a clairement du mal à mettre la main sur du bon frometon. Conséquence, pour répondre à la demande, les Russes tentent par tous les moyens de contourner l'interdiction d'importation qui frappe le fromage français en produisant chez eux, leur propre trésor lacté. Du coup, ils envoient leurs fromagers en formation chez des producteurs français afin de ramener les secrets de fabrication au pays de la vodka et du caviar.

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« Tout le monde sait que la culture fromagère des Européens est bien supérieure à la nôtre, avoue au RT Taras Kozhanov, directeur de Lokov Saba, une ferme russe qui produit du fromage. C'est pour ça qu'on a eu l'idée d'envoyer quelques-uns de nos cerveaux en France. On veut trouver un moyen d'améliorer la qualité du fromage produit ici. »

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À cause de son implication dans le conflit en Ukraine, la Russie a été visée par une série de sanctions économiques de la part des pays occidentaux. En guise de représailles, le Kremlin a donc interdit l'importation de plusieurs aliments européens, dont notamment, les fromages. En août dernier, plus de 900 tonnes d'aliments importés depuis les États-Unis et l'Union Européenne ont été saisies et détruites parce que la Russie a considéré qu'elles représentaient une menace pour la sécurité du pays. Des officiels ont même rasé au bulldozer une « montagne de fromage ». Ce gaspillage ostensible a choqué l'opinion dans un pays où les taux de pauvreté atteignent des sommets et où les périodes de famines ne sont pas un si lointain souvenir.

Comparés à leurs homologues d'Hexagone, les fromages russes ont une réputation assez limitée en dehors de leurs frontières. En cause, un décalage énorme en termes de moyens technologiques et surtout, de savoir-faire. Les fromages français jouissent d'une aura mythique : ils sont le fruit d'un art perfectionné par l'homme au fil des siècles, au cœur de petits villages endormis partout en France. En plus, ici, on a la chance d'avoir les bons ingrédients à portée de main. Comme l'avait dit le maire de Saint-Loup de Fribois (en Normandie), qui se trouve être également le gérant de la production du fromage de chèvre du même nom, à CNN en 2008 : « Faire un Camembert sans lait cru, c'est comme faire l'amour sans se mettre tout nu. »

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Taras Kozhanov explique : « Un fromage, c'est 95 % de lait. En Russie, on a les moyens de produire ce lait mais on va utiliser de la levure française ou hollandaise parce que la levure russe est moins bonne. »

« On fait du bon lait en Russie. Mais il est assez rare et donc cher. J'espère qu'avec le temps les producteurs russes vont comprendre que c'est dans leur intérêt de produire non plus seulement du lait, mais du bon lait. »

Afin de mettre la main sur le meilleur de la crème, un fromager russe a carrément fait venir des Alpes françaises tout un troupeau de chèvres.

Puisqu'ils ne peuvent pas importer des produits finis français, les fromagers russes tentent d'importer l'expertise. La prochaine étape, pour Taras Kozhanov, est de faire venir les fromagers français en Russie pour qu'ils puissent partager leurs conseils sur la production. Il est aidé dans son projet par Business France, un groupe français d'aide aux entreprises.

Au début, les Russes ont bien essayé de trouver un substitut pour remplir le vide laissé par le fromage européen. Ils ont testé du fromage d'Argentine, du Maroc et d'autres provenances, mais ça n'a jamais satisfait leurs attentes. Du coup, un marché noir revendant sous le manteau des fromages qui puent s'est développé. La police a fini par saisir 470 kilos de présure illégalement arrivés en Russie. Contrairement à ce que prétendaient les revendeurs et les étiquettes collées dessus, ces 30 millions de dollars en fromage n'étaient même pas européens.

La bonne nouvelle, c'est que si les Russes parviennent un jour à reproduire certaines caractéristiques des saveurs françaises dans leurs fromages, on aura nous tout le loisir d'y goûter. En effet, l'interdiction d'importation ne marche que dans un sens. On pourra donc taper la croûte autour d'un petit frometon russe et d'un bon shot de vodka glacé et il n'y aura vraiment pas de quoi en faire tout un fromage.