Quand des grands-parents se bourrent la gueule avec leurs petits-enfants

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Quand des grands-parents se bourrent la gueule avec leurs petits-enfants

On a participé à une soirée organisée en l'honneur d'une émission de téléréalité qui réunit seniors et jeunes d'une même famille à Cancún lors du Spring Break.

Au cours de l'été 2015, une marque de voiture m'a invité à Madrid pour assister à un spectacle totalement absurde concocté par will.i.am sur un aérodrome abandonné. Ce n'était pas la première fois que le monde étrange des relations publiques me permettait d'assister à un événement improbable. Et ce n'était pas la dernière fois non plus, ce qui n'est pas vraiment surprenant vu que les voyages et les soirées organisés par les services de relations publiques du monde entier ne sont qu'un abysse absurde rempli de centaines de litres d'alcool et de milliers de blogueurs impénitents. Les lieux sont toujours réservés et privatisés, les invitations toujours envoyées à n'importe qui, et les boissons toujours de qualité incertaine. C'est lors de ces raouts plus ou moins digestes que les journalistes essaient tant bien que mal de discuter avec leurs homologues.

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Cette relation quelque peu étrange unit à jamais le « producteur de contenu » et celui qui fournit les contacts nécessaires à cette même production de contenu. Dans le scénario qui suit, je suis le producteur de contenu et la chaîne MTV représente le fournisseur de contacts. Les contacts en question sont les candidats d'une émission de téléréalité britannique intitulée Spring Break with Grandad – je pense que vous saisissez rapidement la portée d'une telle émission.

Pour ceux qui n'ont vraiment aucune notion d'anglais, Spring Break with Grandad est un programme qui suit un groupe de jeunes voyageant à Cancún, au Mexique, dans le cadre du Spring Break. L'intérêt de cette téléréalité réside dans une règle toute simple : ces jeunes gens sont dans l'obligation d'emmener l'un de leurs grands-parents avec eux. Les participants sont, bien évidemment, d'origine américaine ou britannique, et l'émission est présentée par Gaz Beadle – un type de Geordie Shore, qui doit s'assurer que les fêtards s'amusent le plus possible. Si ce n'est pas le cas, ils seront renvoyés chez eux sans ménagement. Toute l'émission est tournée autour du principe de la fête sans limites, et cela est valable autant pour les petits-enfants que pour les grands-parents. Tous doivent picoler, s'envoyer en l'air et se mettre à poil, le plus souvent possible. C'est glauque, assurément. Ça fonctionne, évidemment. Ça ressemble à une émission de la BBC, Sun, Sex and Suspicious Parents, à ceci près que les parents de ce show ne prenaient pas part aux beuveries démesurées et qu'ils avaient 20 ans de moins que les papys et mamies que l'on peut croiser dans Spring Break with Grandad.

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Au cours du premier épisode, Aaron, originaire de Manchester, s'engage dans une copulation alcoolisée avec une Américaine prénommée Ashleigh, tandis que James et son grand-père Andy – tous deux bodybuildeurs à leurs heures perdues – avalent des litres d'alcool et exhibent leurs parties intimes, heureusement floutées à l'écran.

Les débilités s'enchaînent, sans jamais s'interrompre. Ce n'est pas une critique mais la simple vérité. Aujourd'hui, les programmes dégoulinant de merde sont devenus un genre comme un autre. Vous pouvez faire de la bonne merde et de la mauvaise merde. Loft Story était un bon programme de merde. Nice People était un mauvais programme de merde. Koh-Lanta est une bonne bouse tandis que Danse avec les stars donne envie d'introduire son propre crâne au milieu d'un étau et de serrer ce dernier jusqu'à ce que vos yeux jaillissent hors de vos orbites. Vous commencez à suivre mon raisonnement ?

Dans Spring Break with Grandad, le plus intéressant – hormis les beuveries et les coïts déchaînés – est d'observer avec soin les différences comportementales entre sujets de sa Majesté – qui agissent comme si la civilisation n'avait jamais pacifié les mœurs – et sujets de Donald Trump – qui vont au lit relativement tôt et ne baisent pas le premier être humain venu.

Néanmoins, sont-ils à la hauteur de leur réputation lorsque les caméras s'éteignent ? Pour le savoir, j'ai rencontré l'ensemble du casting – y compris les grands-parents – dans un bar de Soho, à Londres, pour vivre une nuit dans la plus pure tradition du Spring Break.

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Alors que certains candidats emblématiques sirotent des cocktails colorés dans le sous-sol du Barrio – sorte d'enfant monstrueux issu d'une rencontre fortuite entre la Calle Ocho bordelaise et un giga-bar parisien du type Café Oz – j'aperçois quelques visages qui me sont inconnus. En effet, je ne suis pas le seul « producteur de contenu » à avoir été invité. Des vloggeurs, qui ont participé à la promotion de l'émission en échange d'une somme confortable, traînent autour du bar. Je n'avais jamais vu ces vloggeurs avant ce soir, alors que je regarde un nombre incroyable de vidéos sur YouTube. Je demande presque naïvement à l'un d'entre eux combien il compte d'abonnés. Il m'observe, ahuri, choqué et déçu, et me répond « 20 000 » – puis repart sans un mot supplémentaire. Durant la soirée, tous tiennent à me préciser que le nombre n'est pas si important que ça, en fait, et que seule compte la « durée d'engagement ». Bon, je ne pense pas qu'ils refuseraient un million d'abonnés en plus, mais je préfère ne pas leur faire remarquer.

Un peu plus loin, les membres des services des relations publiques et les commerciaux de MTV prennent place sur ce que j'appelle « la table des adultes ». Elle se situe dans une pièce adjacente, assez proche pour garder un œil sur nous – c'est-à-dire sur moi, les vloggeurs et les stars du programme – mais assez loin pour tenir des conversations d'adultes. De temps à autre, ils nous offrent des plateaux de shots que nous avalons en quelques millisecondes.

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Je me suis assis à côté de Paige et de Victoria. Cette dernière me confie qu'elles sont devenues les meilleures amies du monde à la fin du tournage. Je leur demande alors comment elles se sont retrouvées à participer à cette émission. Toutes deux ont été contactées sur Facebook, selon leurs dires. Ces deux jeunes femmes sont adorables, ce qui ne m'empêche pas de leur poser quelques questions sur la « véracité » du show. « À la fin, quand tu es filmé 24 heures/24, tu oublies les caméras », m'assure Paige.

Après ça, j'engage la conversation avec les séniors. Bob, le grand-père de Paige, est le plus silencieux des grands-parents. Alors qu'Andy évoque avec moi sa carrière de stripteaseur et de bodybuildeur en Californie, Bob me parle de ses colombes et de l'abri qu'il leur a fabriqué.

Alors que nous discutons, l'alcool continue de couler à flots et de nouveaux vloggeurs nous rejoignent à la table.

À ce moment précis, mes interrogations commencent à se tarir. Après tout, les participants sont des types plus ou moins normaux qui ont été recrutés sur Facebook pour passer des vacances gênantes en famille – et c'est à peu près tout.

Pour changer un peu d'atmosphère, je rejoins une zone où l'on sert du champagne. Les invités commencent à être bourrés – et moi d'autant plus, étant donné que mon estomac est vide.

Victoria, la plus bavarde du lot, s'est assise à côté de moi pour discuter. Échaudé par l'alcool blanc, je lui demande si la production lui a filé de la drogue pour tenir le rythme effréné du Spring Break. Elle nie fermement et ajoute que l'usage de stupéfiants donne lieu à une exclusion. Je me sens coupable d'avoir tenté de lui soutirer une telle information.

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Enfin, presque coupable, parce qu'en réalité je suis complètement pété. Je n'ai plus vraiment de souvenirs après cette photo. Une heure plus tard, tout le monde est parti. Il ne reste plus que moi et mon photographe. Nous sommes seuls dans un bar de Soho, un mercredi soir. Je suis un peu déçu, je l'avoue. Je pensais que ces gars étaient les fers de lance de la fête intergénérationnelle. Je m'attendais à rejoindre une chambre d'hôtel pour poursuivre ma beuverie avec Andy, James, Paige, et Victoria.

Hélas, rien de tout cela ne s'est produit.

J'ai quand même bien ramassé le jeudi.

@joe_bish