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Food

Deux fois par an, j’autorise mon équipe à se mettre une énorme race en cuisine

Un chef néerlandais nous parle des deux seules soirées dans l’année où sa cuisine devient une zone complètement hors de contrôle.

Bienvenue dans Cuisine Confessions, une rubrique qui infiltre le monde tumultueux de la restauration. Ici, on donne la parole à ceux qui ont des secrets à révéler ou qui veulent simplement nous dire la vérité, rien que la vérité sur ce qu'il se passe réellement dans les cuisines ou les arrière-cuisines des restaurants. Dans ce nouvel épisode, un chef néerlandais nous parle des deux seules soirées dans l'année où sa cuisine devient complètement hors de contrôle.

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Je ne veux surtout pas entendre parler de drogue dans mon restaurant. Mais le soir de la Fête du Roi et la veille du Réveillon, je fais une petite exception. Pour ces deux soirées seulement, j'autorise toute l'équipe de mon restaurant à se défoncer la gueule. On commence généralement au Champagne pendant le repas du personnel, puis on s'enfile quelques shots de whisky au début du service et vers 19h, vient l'heure de notre première trace de speed. En salle comme en cuisine, tout le monde est dans le coup. La seule condition à ce joyeux bordel : tout le monde doit continuer à bosser normalement car le restaurant reste ouvert comme si de rien n'était.

C'est une bonne petite tradition et puis ça rend le service assez marrant. Une fois que les premiers effets du speed se font sentir, tout le monde est soudain hyperheureux à l'idée de travailler. C'est une expérience assez bizarre, tout va à une allure folle et les clients sont du coup servis en un temps record : « Ah, vous n'avez pas eu votre entrée ? Ce n'est pas très grave car voici votre plat principal ! ».

L'année dernière, pour la nuit de la Fête du Roi, on s'est enfilé un magnum de whisky et une demi-bouteille de gnôle. Ça bouge un peu partout dans la ville ce soir-là, alors pourquoi ne pas profiter de l'effervescence festive en cuisine ? Il faut faire gaffe à ne pas trop se défoncer non plus : si vous commencez à être plus bourré que défoncé, vous devenez très vite une vraie sous-merde. C'est ce qui est arrivé à un pote à moi l'année dernière pour le Réveillon de la Saint-Sylvestre. On avait commencé à picoler depuis à peine deux heures — je n'avais qu'un shot dans la tête alors qu'il en était déjà à neuf — et d'un coup, il s'est mis à dégueuler de partout en cuisine. Il a eu beau essayer de faire illusion auprès des clients en tentant de discuter avec eux, mais c'est à peine s'il arrivait à articuler. Vers minuit, il a fini étalé par terre et on a dû le tirer par les bras pour l'emmener pioncer dans le garde-manger.

La drogue et la picole vous foutent en l'air tous les repères gustatifs. C'est assez chaud de cuisiner sous leur emprise. Avant de commencer les hostilités, il faut être sûr d'avoir bien préparé sa mise en place et que toutes les sauces sont prêtes.

J'ai testé à peu près toutes les drogues et le speed est vraiment la pire. J'aime bien les délires un peu psychédéliques, mais les drogues qui excitent c'est vraiment l'enfer quand on est en cuisine. Cette année, je me suis procuré de la dextroamphétamine. C'est du speed, mais sous la forme la plus pure et la plus naturelle. Avec ça, tu ne souffres d'aucune redescente alors qu'avec du speed « normal », t'es censé ramasser toute la journée du lendemain. J'ai déjà tenté de pallier la redescente de speed en prenant encore plus de speed, mais c'était vraiment une super-mauvaise idée. J'en avais tellement plein le cul d'être en redescente. Parfois tu prends tellement de speed que ça te procure une sensation de fatigue intense, ton cerveau n'arrive plus à suivre et il lui faut un temps de récupération. Ça peut prendre plusieurs jours et c'est vraiment la pire sensation.

Quand j'étais plus jeune et que je n'avais pas autant de responsabilités, j'étais souvent défoncé au travail. Je me souviens de cette fille avec qui je bossais et qui vendait du speed. Elle gardait précieusement une valise pleine de came cachée sous son lit. Le dernier soir où l'on a bossé ensemble, on s'en est mis plein la gueule en cuisine pendant le service. Juste après avoir tapé nos toutes dernières traces, j'étais tellement ailleurs qu'on m'a carrément foutu dehors. Quant à ma pote, elle est restée de longues minutes à bloquer devant la porte avec la bouche grande ouverte. Quelque mois plus tôt dans le même restaurant, j'avais malencontreusement égaré un petit pochon qui contenait du speed. Évidemment, quelqu'un est tombé dessus et j'ai dû faire des excuses publiques assez humiliantes devant tout le staff.

Depuis, je me suis juré de plus jamais me défoncer pendant le service. Les grosses bouffées de chaleur, les palpitations et l'impression que je vais claquer en plein service ? Non, merci. Mais bon, deux fois par an, pour le Réveillon de la Saint-Sylvestre et pour la Fête du Roi, j'autorise toute l'équipe de mon restaurant à se mettre une énorme race. Et j'attends toujours ça avec la plus grande impatience.