
Mais quand je reviens sur un épisode précis de mon époque fac, je réalise à quel point mes potes et moi étions stupides. On ne faisait de mal à personne, en tout cas à personne directement, et au final tout rentrait dans l'ordre, mais en y repensant, le fait d’arme bien particulier sur lequel je m’apprête à revenir me donne envie de disparaître à jamais.J'aime bien faire les choses au dernier moment, et à l'université j'en ai fait ma marque de fabrique durant quatre brumeuses années. Je me suis un peu reposé sur mes lauriers niveau études jusqu'au semestre final, lorsque j'ai rassemblé chaque lueur de volonté encore allumée en moi pour me mettre à fond dans mes cours. (Je suis encore assez fier d'avoir suivi ces cours jusqu'au bout, même si c'était foutrement dur. Le marketing m’a toujours semblé être un cursus de merde – ce qui est le cas.) Le premier jour de mon dernier semestre de marketing, j'ai été placé dans une classe de cinq élèves, et au bout de trois semaines, on n'était plus que deux – moi et un grand blanc, Charles. Charles était un mec charmant, et le fait de se retrouver ensemble dans ce cours, seuls, a fait de nous des amis. Il était un peu strict, mais très drôle. C'est pourquoi je n’ai d’abord pas su s’il déconnait lorsqu’il m'a avoué qu'il s'était fait violer par une fille.Un jour, on est tous les deux arrivés en avance dans la salle de cours. On s'est assis à nos bureaux adjacents et on en est venus à parler de mecs d'une fraternité qui venaient de se faire choper en train de filer du Rohypnol à des filles. Alors qu'on s'accordait sur le fait que la frat-culture était le plus sûr moyen de rater sa vie, Charles m'a dit : « Ouais, on m'a filé du Rohypnol aussi un soir, et une fille m'a violé. » J'ai répondu par un gloussement, que j'ai regretté aussitôt, comprenant qu'il ne blaguait pas. Il n'avait pas sur le visage l'expression sérieuse qu'on s'attendrait à voir après une telle confidence ; à la place il parlait avec une nonchalance qui n'indiquait aucun traumatisme. Le seul fait qu'il m'en ait parlé en classe rendait ses paroles anecdotiques, malgré leur gravité. Avant que j'aie pu lui poser la moindre question, le prof est entré dans la salle, et une nouvelle session de cours intensif débutait. J'ai suivi le cours, pris des notes, mais le seul truc auquel j’ai pensé pendant ces putains de 90 minutes, c'était l'histoire de Charles. J'ai dû attendre qu'on sorte de cours pour qu'il me raconte toute l'histoire.
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