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Mode

Les recalés de la fashion week parisienne

Des gens sapés qui ont parcouru des milliers de kilomètres pour se prendre une veste.

La semaine dernière, les maisons de haute couture présentaient leur collection printemps-été 2013 à Paris. Des blogueurs du monde entier, de nouveaux créateurs ou de simples curieux ont afflué dans les beaux quartiers pour assister aux défilés. C'est toujours marrant les défilés haute couture : comme si vous faisiez une fête privée dans un appart et que plein de gens que vous ne connaissiez pas se pointaient et décidaient de faire la queue à l'extérieur, mais sans jamais s'engueuler.

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Dans ce genre d'événements, la palme revient toujours à celui qui sera le plus photographié ; contrairement à la manif kurde, je n'ai donc eu aucun mal à interagir avec les gens puisque j'était moi-même munie d'un truc qui faisait des photos. Aussi, comme j'étais sûre que la matrice Twitter me rapporterait les faits et gestes de la moindre personnalité, du moindre guest qui ferait une apparition devant de ces forteresses éphémères de la fashion week parisienne, j'ai préféré aller à la rencontre de ceux dont personne ne parle, ceux qui, calmes et résignés, se voient inévitablement recaler à l'entrée des défilés.

Du Grand Palais à la rue Saint-Martin, j'ai interrogé les gens qui attendaient devant les défilés Chanel, Elie Saab et Jean Paul Gautier. J'ai essayé de recueillir leurs meilleurs tips pour rentrer et j'en ai profité pour leur demander pourquoi ils s'étaient sursapés pour assister à une fête à laquelle ils n'étaient pas invités.

Kevin et Melissa, 15 et 16 ans, lycéens

Kevin et Melissa avaient séché les cours et s'étaient mis sur leur 31 pour se les peler dans le froid pendant des heures et se faire gentiment refouler à l'entrée du défilé Chanel. Ils se démarquaient de la foule qui avait afflué ce jour-là – pas trop branchée creepers en faux daim rose – mais ne proposaient rien de très différent de ce qu'on avait pu croiser en 2012 à équidistance entre Châtelet-les-Halles et Étienne Marcel. Ils ont dû rentrer en cours, déchus, et justifier leur absence par des « problèmes de transports », ou l'un de ces nombreux motifs de nonchalance auxquels personne ne croit.

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Antoine savait qu'il était indirectement impliqué dans l'industrie de la torture animale, mais ce qu'il savait surtout, c'est que la vraie fourrure c'est chaud et donc indispensable quand on considère qu'un défilé à l'heure c'est comme un déjeuner gratuit, ça n'existe pas. Avant de vous énerver et de suggérer d'habiller les animaux en poils d'Antoine, sachez tout de même qu'il n'a pas réussi à assister au défilé, ce qui me semble être une punition suffisante.

J'ai croisé ce type à tous les défilés. Sa manière d'apparaître sur la quasi-totalité de mes photos en arrière-plan, tout en donnant l'impression de n'en avoir strictement rien à cirer m'a stressée tout du long. Puis j'ai eu une idée : je lui ai posé quelques questions mode pour l'amadouer. Il a essayé de me berner en me disant qu'il était journaliste pour un magazine italien, et m'a confié que – croyez-le ou non – il aimait le noir.

Avant d'aborder Vika Gazynskaya, je ne savais pas qui était Vika Gazynskaya. Quand je lui ai demandé son prénom et pire encore, son job, il y avait dans les yeux de cette femme qui porte du rose sur du rose sur du bleu sur du rose, un certain mépris. Contrairement à ce que je croyais, c'était une créatrice russe vaguement en vogue et pas une meuf qui a raté une bosse à Avoriaz et qui a confié la customisation de son plâtre à son pote gay.

Clochard céleste, sans emploi

Le sigle Chanel du bonnet de ce clochard céleste était ostensiblement en train de se faire la malle, indiquant à la fois au monde entier la provenance de cette mauvaise contrefaçon – Château Rouge – et la volonté de sa démarche, à savoir : souligner la provenance de cette mauvaise contrefaçon. C'est de l'ironie sur de l'ironie, soit dix fois plus de chances de ne pas entrer dans une soirée de la fashion week et 100 fois plus de chances de se faire détester par le reste des êtres humains.

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P.-S. : malgré une distance focale en sa défaveur et une tentative ratée consistant à passer incognito en changeant de chapeau, on reconnaît Julien, en arrière plan.

Si vous êtes un type à la carrure plutôt imposante, que vous portez une jupe en tulle, des baskets montantes, un manteau en fourrure blanche, un sac à main en peau de croco, mais que vous n'êtes pas encore totalement sûr qu'on vous remarque, alors optez pour un bonnet en coton fluorescent. Vous n'assisterez pas au défile Elie Saab pour autant, mais les chances que des inconnus vous prennent en photo et les laissent moisir sur leur carte SD avant de les supprimer avec indifférence en seront décuplées.

Pour le défilé Chanel, Peter avait opté pour le look 50 nuances de bleu mais n'avait pas omis pour autant de rappeler qui il était ; c'est important pour lui de s'affirmer grâce à ses fringues.Ses chaussures sont le fruit d'une collaboration entre Jeremy Scott et un chanteur chinois. Le reste doit être le fruit d'un trip de LSD et d'un daltonisme sur le point d'être décelé.

Elena Perminova se proclame « le vilain petit canard de la Toile ». Simplement parce qu'issue du ghetto, elle s'est éprise d'un multimillionnaire russe, elle s'attire la foudre de toutes les internautes dès que son nom est cité dans un blog de mode, un webzine féminin ou l'un de ces trucs chiants qui ne parle que de sapes. Pourquoi aller chercher si loin alors qu'elle tend de monstrueuses perches en réussissant à bien porter un trench cintré bleu électrique métallisé ?

Mary avait fait le chemin depuis le Danemark pour assister aux défilés. Malheureusement, le tout fourrure et son bleu à lèvres futuriste n'auront pas suffi à charmer les services de sécurité employés par la maison Chanel. Son air innocent et son français approximatif nous donnaient pourtant envie de lui dire oui, à tout et tout le temps. Elle a tenté de se consoler en avançant que de toute façon, le street style était en quelque sorte, un défilé. On ne peut que lui donner raison : le street style est devenu le défilé réel du créateur Internet.