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Charmant Juif recherche charmante Juive pour amitié et plus si affinités

À l'heure des swipes effrénés sur Tinder, les rencontres communautaires ont de beaux jours devant elles.

Le célibat, quelle merveilleuse chasse au trésor ! Quel bonheur que d'avoir devant soi une multiplicité de choix ! Trouver sa moitié est le challenge ultime de plus de 15 millions de célibataires en France. Un « célibat-boom » dont l'étendard est porté par des antihéros au cinéma et dans des séries comme « Undateable ». Mais la réalité du célibat 2.0 est plus rude que celle que l'on observe à longueur de journée sur les écrans.

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Force est de constater que les sites de rencontres, qui ont connu des heures plus que glorieuses dans cette jungle du rendez-vous galant, sont devenus obsolètes. Trop contraignants, aux interfaces rébarbatives, ils reposent désormais au cimetière des éléphants du dating. À l'époque bénite où Tinder nous a appris à swiper et matcher, seuls Meetic et Adopte Un Mec ont survécu au naufrage.

Là où le problème se corse pour les âmes seules, c'est lorsqu'il s'agit de trouver la perle rare à l'intérieur de votre communauté. Musulmans, juifs, protestants et catholiques – au sein de toutes les religions, il existe une pression parentale traditionaliste qui vous pousse à vous marier avec « quelqu'un de chez vous ». Mais quelles sont les options restantes lorsque vous avez déjà rencontré tous les enfants des amis de vos parents, tous les potes de vos potes et globalement tous les célibataires juifs du quartier ? C'est en partant de ce postulat que Joe Shapira a créé Jdate – un site de rencontres communautaire pour les juifs en recherche de partenaire.

En 1979, cet Israélien, vétéran de la guerre de Kippour, s'installe à Los Angeles pour entamer sa carrière d'entrepreneur. Rapidement, la réalité le rattrape et le frappe en pleine gueule : « J'ai toujours voulu me marier avec une fille juive mais, après avoir écumé tous les bars de L.A, je ne savais plus où chercher, me précise-t-il. Quand tu rencontres une nana, tu ne peux décemment pas lui demander "Vous êtes juive ?" après le deuxième verre. »

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Le judaïsme, la condition sine qua non pour de nombreuses personnes en quête du grand amour. « Je veux être avec un homme juif. C'est un critère indispensable », me confie Hannah*, une avocate de 27 ans qui swipe entre deux plaidoiries. « Tinder est trop chronophage, car je dois deviner qui est juif et qui ne l'est pas. Du coup, les "Tinder juifs" sont bien plus pratiques. »

Face à l'émergence de JSwipe, un Tinder pour feujs, Joe Shapira a réagi et a adapté son offre en créant JFiix. La rencontre religieuse en vue d'un mariage est un marché de niche sur lequel le site s'est évidemment positionné. « Au départ, je voulais lutter contre l'assimilation, explique Shapira. Mais même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais pas pensé que ça cartonnerait comme ça. »

Dans cette niche se cachent encore d'autres niches, comme le prouve le site JWed, un site de rencontres pour juifs orthodoxes – les jupes longues et les chapeaux noirs omniprésents en sont la preuve. Il s'agit d'un tout petit monde, dans lequel on n'est pas là pour rigoler mais pour se marier.

« C'est un marché. Il y a une offre et une demande. Et nous, nous sommes des produits de consommation. » –Hannah

Si les utilisateurs s'en défendent, Hannah le confirme : choper n'a jamais autant revêtu les atours de la sphère économique, dont la dimension agonistique n'est plus à prouver. Car nombreux sont les trentenaires qui sont en recherche active. Alors, pour évaluer la « concurrence », Hannah change parfois son profil pour aller observer les autres filles sur le site. « C'est un marché, avoue-t-elle. Il y a une offre et une demande. Et nous, nous sommes des produits de consommation. »

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Joe Shapira l'a bien compris. Il a d'ailleurs programmé l'algorithme de son application en ce sens. Si une fille discute avec un mec, cet algorithme va analyser le contenu de la conversation et lui proposer d'autres types ayant échangé sur les mêmes sujets avec d'autres nanas. Puis, ce même algorithme va trouver sans peine quelles sont les autres filles qui papotent avec ce mec. Ces autres filles discutent elles aussi avec différents garçons – garçons qui seront proposés en priorité à la nana initiale.

Cette logique, assez flippante, ne fait que prouver un fait que tout le monde connaît depuis un petit moment, mais que personne n'ose vraiment affirmer : le Grand Amour n'a jamais été le fruit du hasard.

« Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un site communautaire que l'on n'est pas confronté à des profils très bordeline. Tous les mecs prétendent être là pour se marier mais, comme sur Tinder, tu tombes sur des types qui passent leur temps à dévoiler leur bite. » –Aurora

De son côté, Shapira n'œuvre pas pour le bien-être de la communauté juive – du moins, là ne réside pas son intérêt. Car pour lui, le nerf de la guerre, c'est l'argent : « Je ne gagne de l'argent que si les utilisateurs restent sur le site, précise-t-il. Or, ils n'y restent que s'ils ont l'impression d'avoir en permanence des matchs qui leur correspondent. À la limite, s'ils trouvent l'âme sœur, ça m'arrange moins. »

Aurora* swipe avec un grand sourire. Elle a 35 ans et bosse dans un grand groupe bancaire. Elle est tiraillée entre la pression sociale que lui impose son entourage, son horloge biologique et sa « jewishmum ». Elle est inscrite sur JSwipe et cherche un mec ayant les mêmes attentes qu'elle. Quand on lui reproche son statut de célibataire, elle montre les dents : « Ce n'est pas comme si je faisais exprès, mais il devient difficile de trouver quelqu'un de bien, s'exclame-t-elle. Et quand je dis bien, je cherche juste une personne normale, qui me corresponde. »

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Elle ne manque pas d'être critique à l'encontre de ces applications qui, comme toutes les autres, regorgent de tarés. « Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un site communautaire que l'on n'est pas confronté à des profils très bordeline, dit-elle. Tous les mecs prétendent être là pour se marier mais, comme sur Tinder, tu tombes sur des types qui passent leur temps à dévoiler leur bite. »

À la table de Shabbat, Aurora est confrontée à la sempiternelle conversation autour de son célibat. « T'as vu, Lionel* est en couple. Il s'est battu pour trouver quelqu'un, lui », a-t-elle entendu récemment. Ça ne l'empêche pas de se marrer : « Ma mère peut bien dire ce qu'elle veut, Lionel, je l'ai vu sur JSwipe. Et le pire, c'est que je connais sa meuf ! Les mecs n'ont peur de rien. »

Les applis de rencontres sont-elles la solution miracle au mariage intracommunautaire ? Rien n'est moins sûr. Aurora estime que le problème est le même en ligne que dans la « vraie vie ». « Les types, je les connais déjà tous, affirme-t-elle. Si je vois un nouveau profil, c'est suspect. » Une pénurie quasi inéluctable dont elle aurait trouvé la parade : « Mon profil est en anglais. J'espère encore tomber sur un bel étranger qui me tirera de mon monde de merde. » Un doux rêve à la Walt Disney auquel des milliers juifs s'accrochent, convaincus de pouvoir trouver leur moitié au sein de leur communauté.

*Tous les prénoms ont été modifiés.

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