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À la gloire de White Zombie


Photo – Scott Smith

Aujourd’hui, le metal est un gigantesque réseau de sous-genres et d’influences, au sein duquel chaque nouveau groupe est instantanément classé dans une ou plusieurs niches où chaque fan peut aisément le retrouver. A la fin des années 80 et au début des années 90, ça ne se passait pas du tout comme ça : le glam metal s’étouffait avec son propre pénis, le thrash essayait d’enfiler un perfecto trop serré pour lui où était inscrit « conscience sociale » pendant que le grunge sortait des buissons, le metal ne comptait plus le nombre de voies qui s’offraient à lui. Tout semblait possible, il pouvait devenir quelque chose de totalement autre, différent et merveilleux. Et aucun groupe n’a été aussi « autre » et différent que White Zombie.

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D’abord considérée comme une bande de punks jouant de la noise et squattant le Lower East Side à New York, White Zombie ont fusionné leur amour des films de monstres, du folklore biker et des riffs méga-lourds pour donner naissance à un mutant heavy metal qui est rapidement devenu le seul survivant de l’apocalypse à dreads qu’a vécu le metal durant les années 90. Cinq ans après la sortie de la rétrospective Let Sleeping Corpses Lie, le groupe sort ce mois-ci It Came From NYC, un boxset comprenant un livre relatant la genèse du groupe, et une édition remasterisée des disques que le groupe a enregistré avant de quitter la Côte Est pour Los Angeles et de sortir en 1992 (sur Geffen Records) l’album qui allait les faire exploser, La Sexercisto: Devil Music Volume One.

Mis à part Rob Zombie, la bassiste Sean Yseult est la seule qui ait joué dans White Zombie durant toute la carrière du groupe. Quand je l’ai appelé chez elle, à la Nouvelle Orléans, Yseult s’est beaucoup marrée, que ce soit en se réferrant à Let Sleeping Corpses Lie comme « une atrocité » ou en évoquant l’égoût à ciel ouvert qu’était New York à leurs débuts.

Noisey : Parle-moi un peu du New York de la fin des années 80 et du début des années 90. C’était aussi crade et tendu que les rumeurs le disent ?
Sean Yseult :
Absolument ! Il y a des mecs qui surgissaient derrière moi avec des couteaux dans le métro. Tout le monde buvait dans la rue. Le premier appart que j’ai loué était entre Delancey et Clinton street, et c’était méga flippant. Une voiture m’a suivie une nuit. Rob et moi, on allait souvent à Times Square, et même si la plupart des cinémas avaient une programmation porno, il y en avait toujours un qui diffusait trois films d’horreur d’affilée pour 5 dollars. Mais une fois à l’inteiruer, t’avais un mec avec un poste de radio à fond, une meuf avec son bébé qui hurlait, etc… Notre appartement était plein de rats et de cafards… Tout ce que tu peux imaginer de pire, quoi.

Ca peut paraître nostalgique avec le recul, mais j’imagine que ça devait être l’enfer à l’époque.
Je me souviens, quand on a déménagé de la 13ème rue à la première avenue. On aurait alors pu penser que notre cadre de vie se serait amélioré, après avoir quitté le Lower East Side, mais ce quartier était horrible à cette époque. C’est là qu’ils avaient filmé la scène avec Jodie Foster dans Taxi Driver. La spécialité du coin c’était les prostitués trans. Voilà, c’était ça notre quartier.

C’est pour ça que White Zombie, mis à part le côté metal et films d’horreur, a toujours eu aussi cette vibe sleazy et crado !
Complètement ! On était des gamins d’école d’art – Rob était illustrateur et moi j’étais dans le dessin et la photo – donc on s’influençait de tout ce qui nous entourait. On s’est également connu en se croisant aux concerts hardcore du CBGB. On y était tous les dimanches, pour les hardcore matinees, mais on allait aussi voir des groupes noise comme les Swans, Honeymoon Killers ou Pussy Galore, des groupes avec lesquels on a fini par jouer. Quand j’ai rencontré Rob, il adorait Van Halen, KISS, AC/DC. Moi j’aimais Black Sabbath mais j’étais plus dans le goth, le punk, les Cramps. On a mixé tout ça ensemble. Ca a pris un peu de temps, mais c’est ce qu’on a fini par faire.

Il y a des trucs que vous ne vouliez justement pas faire avec le groupe ?
Rob me mettait en garde à propos de tout ! Il détestait tout, vraiment. Même s’il aimait certains éléments d’un genre, au fond il le détestait entièrement. Voilà pourquoi on a décidé de ramener du neuf avec notre groupe. Un truc qu’on détestait et qui était très populaire à l’époque, c’était tous ces groupes grunge qui débarquaient, et qui regardaient leurs pompes. On se disait, « Y’a pas moyen, tu viens ici pour voir un concert. » On n’allait pas regarder nos doigts en train de jouer, on voulait tout défoncer. On courait sur scène comme des poulets que tu viens de décapiter. On voulait divertir les gens. Vu que Rob était fan de KISS, dès qu’on a eu un peu de thunes, on a acheté un stroboscope, une machine à fumée, ou alors on volait des lampadaires dans la rue ! Tout le monde nous trouvait bizarres. On était carrément l’anomalie du Lower East Side.

Il est arrivé que ça se passe mal avec certains groupes ou membres du public ?

C’est marrant de voir que la scène metal, souvent considérée comme la moins ouverte, ait été la seule intéressée par votre groupe.
Harley des Cro-Mags est venu nous trouver un soir, à 2 heures du mat’, place St. Mark’s. On était dehors avec Rob à distribuer des flyers, et on a vu Harley débouler. En temps normal, on se serait juste barré, parce qu’on aurait pensé qu’il venait pour nous en coller une à cause de nos cheveux longs, mais on était en train de flyer alors on est restés là. Il s’est pointé et a dit « hey, j’aime vraiment ce que vous faites les gars ! Ca vous dirait de jouer avec nous ? » Et on a joué avec eux, et c’était incroyable. On a réalisé qu’il existait de sgens qui aimaient ce que nous faisions, on était juste dans le mauvais quartier !

Il y a eu des concerts qui n’avaient aucun sens pour vous ?
C’était toujours taré, surtout quand on a joué avec nos groupes préférés comme Kyuss ou les Melvins. C’était tellement cool. Un jour, on s’est aussi retrouvé avec les Toadies, j’ai jamais compris ni comment ni pourquoi. C’était étrange. Ils étaient cool, mais c’était bizarre. Et puis quelques temps plus tard, on a fait des émissions de radio avec des gens comme Alanis Morisette.

Il y a un moment précis où vous avez décidé de laisser tomber le punk et la noise pour vous lancer dans ce rock de bikers ?
On a prris lentement cette direction. A cette époque, il y avait tout ce nouveau metal, comme Slayer et Metallica, qui restait encore punk en quelque sorte. J’ai grandi en Caroline du Nord avec les mecs de Corrosion of Conformity, qui ont vraiment créé ce son crossover. Donc on a toujours voulu faire ce son lourd, qui garde un côté groove. Biohazard le faisaient, et Pantera l’a aussi fait plus tard.

Voilà, Pantera est l’autre groupe qui a défini ce son groove metal. Vous aviez conscience de faire partie de ce mouvement ou pas du tout ?
Pas du tout. On vivait en autarcie. On ne savait pas que Pantera ou d’autres groupes faisaient ce son. On a ensuite ouvert pour eux à L’Amours, et ils ont mis le feu. Le premier CD que j’ai acheté c’était Pantera – je suis aussitôt allé à Sound Records à St. Mark’s pour choper un de leurs albums d’occase ! Il y a un autre groupe new-yorkais qu’on aimait bien, Prong. On a fait pas mal de concerts avec eux plus tard, et ils avaient vraiment ce truc groove metal en eux.

Ce son a complètement changé la face du genre. C’était tellement différent du hair metal de la Côte Ouest.
Oh, mec, on détestait tellement cette merde. Tu nous demandais ce qu’on ne voulait surtout pas faire à l’époque, eh bien le hair metal arrivait en tête. On a tellement rigolé le jour où on a chargé le van pour partir à LA. Le manager qui s’occupait de nous nous a directement emmené au Rainbow, et là, on a vu tout ce qu’on détestait dans la scène metal. Chaque meuf avait un buste en cuir et des faux seins, les mecs avaient des touffes de cheveux gigantesques, tout le monde était sur-maquillé… On ne pouvait pas y croire. L’horreur absolue.

It Came From NYC est sorti sur Numero Group.

Chris Krovatin est sur Twitter.