Avec la bikelife de Perpignan

Le photographe Théo Campredon a passé un été avec les jeunes perpignanais qui lèvent leurs bécanes sur les routes du sud.

par Théo Campredon

21.1.19

Tout est parti de ma passion pour le motocross. Petit, j’ai eu une moto trial, puis plus grand je me suis acheté un cross 125 yz. J’habite un village où se trouve pas loin un magnifique terrain privé. Depuis tout jeune j’y traîne dès que j’ai du temps. En 2013 j’ai vu le documentaire 12 o’clock boyssur la bikelife de Baltimore. J’ai découvert des passionnés de motocross, comme moi, mais qui s’étaient créés leur propre culture : pas de circuit en terre, pas d’équipement, pas de course… J’ai halluciné. À ce moment-là, j’habitais Bruxelles et la scène bikelife était presque inexistante. C’est à mon retour sur Perpignan en 2017 qu’Amine, un ami à moi de longue date, m’a expliqué qu’il y avait des jeunes de son quartier qui n’hésitaient pas à imiter les ricains dans le centre-ville.

Une journée d’été, je l’ai retrouvé dans le quartier du Moulin-à-Vent. Il m’a rejoint sur son quad à une station essence sur l’avenue d’Argelès-sur-Mer, pas loin de la station de lavage où tout le monde lave sa moto avant chaque sortie. Moi j’étais avec ma Polo, je l’ai suivi jusqu’au lieu de rassemblement. C’était une petite route de bitume dans une zone commerciale à la sortie de la ville. Le dimanche, quand les commerces sont fermés, les stunt, chappy et autres cross envoient des roues arrières, mais chacun de son côté. Sur les scooters, beaucoup d’ados qui viennent d’un peu partout, ceux en cross sont un peu plus âgées et se connaissent déjà de leur quartier. Ça ne se mélange pas trop, grillade pour les uns, chichah pour les autres.

Mon point de vue préféré, Reda me double sur la roue arrière de son yz en frôlant ma Polo.

Le noyau dur du groupe se compose d’une dizaine de personnes, Issam, Amine, Ahmed, Akim… Certains font partie du groupe parisien DRC (Dirty Riderz Crew) comme Nani ou Reda. Il y en a qui sont sur des deux roues depuis tout petit et qui ont un style hallucinant, d’autres qui s’entraînent sans relâche depuis quelques années et qui impressionnent tout autant. Car je pense que la folie est nécessaire au talent de ces pilotes.

Dans le quartier du Moulin-à-Vent, Reda et Nani profitent de l’avenue déserte en ce dimanche.

Il y a aussi ceux avec des motos flambant neuves et celles qui font un bruit très reconnaissable. Je me rappelle d’un après-midi d’août, il devait faire 35 degrés, torse nu, on cramait ! En arrivant, j’aurais dû de suite sentir que c’était pas le jour d’Ahmed. Le radiateur de sa bécane fuyait méchamment, j’étais allé récupérer une bouteille d’eau pour le remplir, puis cinq minutes après alors que tout le monde grattait le bout d’ombre du coffre de la 206, il tombe. En pleine roue, Ahmed s’est senti partir en arrière. Pour essayer de se rattraper, il a appuyé avec son pied droit sur le frein arrière mais rien ne s'est passé, le frein a lâché.

« C'est rien c’est la bikelife, ça rentre » – Ahmed

Ahmed a toujours le sourire quand je le vois sur sa bécane avec sa sacoche Vuitton. Cela fait trois ans qu’il s’est acheté son 450 yz qui fait un beau petit bruit, et sa chute ce jour-là ne l’a pas effrayé. Il ma même dit « c’est rien c’est la bikelife, ça rentre ».

Assis ou debout sur la roue arrière de leur cross à faire les figures les plus folles au milieu de la ville, impossible de passer à côté sans les voir, le bruit des bécanes envahît la ville comme un cirque moderne gratuit à ciel ouvert, car ces pilotes sont devenus de vrais acrobates.

Plus de photos ci-dessous :

Le radiateur de la bécane d’Ahmed avait très soif.

Gros soleil pour Ahmed, son frein arrière à lâché en pleine roue arrière. Le frein arrière sert à faire retomber la bécane sur ses deux roues pour éviter de partir en arrière.