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FRANCE

Les mystérieux survols de centrales nucléaires

Au moins huit des dix-neuf centrales nucléaires françaises ont été survolées en octobre par des drones, sans que l’on sache pourquoi.
Centrale nucléaire de Cattenom / Photo Flickr

Le 5 octobre dernier, un drone survole la centrale Superphénix, dans l'Isère. Depuis, ce sont sept sites qui ont été survolés par des drones, principalement pendant la semaine du 13 au 20 octobre. Ces survols ont eu lieu la nuit et au petit matin, « sans conséquence sur la sûreté ni le fonctionnement des installations », d'après EDF, qui a annoncé mercredi qu'elle avait porté plainte. Un nouveau drone a été aperçu dans la nuit de jeudi à vendredi au-dessus de la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne.

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L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée notamment de vérifier que les centrales sont équipées pour résister à la chute accidentelle d'un avion ou à des attaques terroristes, a ce jeudi déclaré à l'AFP « ne pas s'exprimer en dehors de son champ de compétence, » et renvoie la balle à l'armée de l'air, en charge de la surveillance des centrales. Contacté par VICE News, le ministère de la Défense n'a pas souhaité répondre.

EDF explique en effet avoir été averti par l'armée de l'air, qui surveille l'espace aérien des centrales nucléaires françaises. Il est illégal de survoler une centrale dans un périmètre de 5 km et de 1 000 mètres d'altitude sans autorisation préalable délivrée par l'armée de l'air.

Interrogé jeudi matin sur France Info, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a déclaré :

« Il y a des dispositions de prises à ce sujet. Il y a des enquêtes. Il y a des dispositifs de neutralisation qui existent. » Il a toutefois refusé de préciser les moyens de neutralisation de drones que l'État a à sa disposition.

À l'heure actuelle, personne ne semble savoir qui fait voler ces drones et dans quel but. Dans un premier temps, c'est vers Greenpeace que tous les regards se sont tournés. En 2012, pour alerter sur le manque de sécurité dans les centrales nucléaires, l'ONG avait survolé la centrale de Bugey, dans l'Ain, avec un parapente à moteur.

Mercredi, l'ONG a publié un démenti niant toute implication avec ces mystérieux drones.

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Survols de sites nucléaires français par des drones : non, ce n'est pas Greenpeace ! Lire ici : — Greenpeace France (@greenpeacefr)October 29, 2014

Jointe par VICE News, l'association écologiste a dénoncé, par la voix de son responsable de la question nucléaire, Yannick Rousselet, le manque de sécurité dans ces centrales, et l'impuissance des autorités face à ces infractions : « Elles [les autorités] ont laissé faire, parce qu'elles n'avaient pas la capacité de réagir. »

Le mystère plane sur l'origine de ces drones : Yannick Rousselet balaie l'idée que ce soit de l'espionnage industriel, « Les drones fournissent des images avec une résolution à peine meilleure que celles que l'on peut trouver sur Internet ». « Ça pourrait être des passionnés de drones qui se seraient lancé ce défi. » Cette hypothèse d'une compétition potache a été évoquée par un photographe professionnel, pilote de drones, sur le site de Rue 89 : « Mon avis, c'est que c'est une affaire de type apéro Facebook. »

À ce stade, la seule chose que Yannick Rousselet peut affirmer, c'est que plusieurs personnes sont à l'origine de ces vols de drones et que les moyens déployés sont très importants : « Le 19 octobre par exemple, 4 sites [nucléaires] situés à des centaines de kilomètres les uns des autres [Gravelines, Cattenom, Nogent-sur-Seine et le Bugey] ont été survolés par des drones. » Les modalités des vols (heure, distance, trajectoires) ne permettent pas de déterminer précisément quel type de drone (loisir ou professionnel) a été utilisé. Un drone très grand public, accessible pour quelques centaines d'euros, peut suffire.

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EDF a dénoncé le survol de sept de ses enceintes, les centrales de Gravelines dans le Nord et de Cattenom en Moselle, la centrale du Blayais en Gironde, celle du Bugey dans l'Ain, de Chaux dans les Ardennes et de Nogent-sur-Seine dans l'Aube mais Greenpeace en compte plus, affirmant que la centrale de Fessenheim en Alsace est aussi concernée.

Ces survols ont lieu dans le contexte d'un débat public tendu autour de la question du nucléaire. Cette centrale de Fessenheim cristallise les débats. C'est la plus vieille de France. Elle est particulièrement critiquée pour son obsolescence, et plusieurs organisations écologistes demandent sa fermeture immédiate. Plus tôt dans le mois, Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts avait déclaré : « Si Fessenheim ne ferme pas, ça veut dire que la France n'est pas capable de répondre à la question de la sûreté nucléaire. Cette centrale est sur la nappe phréatique la plus importante d'Europe. En plus, Fessenheim est en panne toutes les semaines. »

D'après Greenpeace, à la même période, la centrale de Pierrelatte gérée par Areva a aussi été l'objet d'un survol, ainsi que le site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Saclay (qui n'est pas une centrale nucléaire, mais possède plusieurs réacteurs).

Le CEA a confirmé à VICE News que plusieurs de ses sites étaient effectivement également concernés mais n'a pas souhaité communiquer plus en détail là dessus, en raison de « l'affaire judiciaire en cours ».

Suivez Mélodie sur Twitter : @meloboucho

Photo via Flickr