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Crime

Panama Papers — Le divorce, une raison de plus de cacher son argent à l’étranger

Ce n'est pas uniquement pour tromper le fisc que les individus les plus riches font appel aux montages financiers pour dissimuler leurs fortunes : il s'agit également de protéger leur patrimoine contre leurs futurs ex-conjoints.
Photo via Pixabay

« De temps en temps je reçois un appel de quelqu'un qui me dit, 'Je pense que je vais divorcer dans cinq ans. Est-ce que vous pouvez m'aider à protéger mes actifs au cas où ? » explique Randal Kessler, un avocat spécialisé dans les divorces et l'ancien président de la section du droit familial à l'American Bar Association (Association du Barreau Américain). « Ça nous pose problème. »

Kessler, lui, refuse d'aider ses clients à cacher leur argent à l'étranger. Après tout, il est interdit d'aider quelqu'un à frauder le fisc ou à ne pas déclarer tous ses biens en cas de divorce.

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Mais, comme le démontrent les Panama Papers, certains avocats peu scrupuleux sont tout à fait prêts à aider leurs clients de cette manière. Les 11,5 millions de documents en provenance du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca révèlent que de nombreux individus fortunés se sont servis de la société pour s'assurer que leurs futurs ex-conjoints n'empochent pas la moitié de leur fortune après le divorce.

« Pendant des décennies, les conjoints — la majorité, des hommes faisant partie des 1% les plus riches de la planète — ont eu recours à Mossack Fonseca pour les aider à protéger leurs actifs contre leurs futurs ex, » constate dans son rapport l'ICIJ (Consortium International des Journalistes d'Investigation) — le groupe américain qui a coordonné le travail global d'analyse des Panama Papers.

Des représentants de Mossack Fonseca ont assuré au journal allemand Süddeutsche Zeitung qu'ils « regrettaient tout détournement des compagnies que nous créons ou des services que nous proposons. Dans la mesure du possible nous prenons les mesures pour découvrir et prévenir ces abus. »

Le cabinet d'avocats a également dit qu'un hacker avait volé les documents. Le Süddeutsche Zeitung a reçu le premier les révélations des Panama Papers, mais ni le journal, ni l'ICIJ n'ont rendu public les documents.

Le cas de Dmitri Rybolovlev, un magnat de l'extraction minière qui a été classé 148e fortune mondiale par Forbes, figure parmi les exemples les plus spectaculaires des affaires liées au divorce révélées par les Panama Papers.

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Sa femme Elena a divorcé en 2008 après 23 ans de mariage. Pendant leur mariage, le couple Rybolovlev a amassé une impressionnante fortune comprenant un yacht d'une valeur de 60 millions de dollars nommé My Anna, un appartement d'une valeur de 88 millions de dollars à New York, ainsi que des oeuvres de Pablo Picasso, Vincent Van Gogh et d'autres artistes célèbres.

Le couple avait également créé un réseau de sociétés offshore. Domiciliée aux Îles Vierges Britanniques, la société Xitrans Finance Ltd achetait et stockait des antiquités et des œuvres d'art d'une valeur estimée à 650 millions de ldollars. Selon des documents juridiques envoyés par email à Mossack Fonseca en janvier 2009, au moment de la rupture, Rybolovlev aurait eu recours à Xitrans Finance Ltd pour faire sortir de Suisse — lieu de résidence du couple — plusieurs objets de valeur. En vertu de la loi suisse, sa femme avait en principe droit à la moitié de leur fortune — ou plutôt, la moitié de la fortune déclarée auprès du tribunal.

Rybolovlev était également l'unique actionnaire de Xitrans Finance, même si la société était gérée par le trust familial Rybolovlev, et malgré l'insistance d'Elena sur le fait que Xitrans avait acheté les biens « au nom d'elle et de son mari », rapporte l'ICIJ.

L'année dernière, un tribunal suisse a ordonné à Rybolovlev de verser 4,5 milliards de dollars à Elena, somme qui est par la suite passée à 600 millions. Les tribunaux n'ont jamais déterminé si Rybolovlev avait commis une possible fraude en dissimulant des biens pendant son divorce. Dans un communiqué publié après les révélations des Panama Papers, l'avocat de la famille Rybolovlev a critiqué les médias pour leur présentation du divorce, et a assuré que son client « n'avait jamais utilisé de société offshore pour cacher ses actifs ».

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Parmi les autres scandales révélés par les documents, on retrouve le cas d'un employé de Mossack Fonseca qui a demandé si « un fond fiduciaire classique » saurait cacher l'argent d'un Néerlandais « qui s'apprêtait à divorcer ». Dans un autre exemple, une femme péruvienne avait créé des sociétés écran pour cacher un héritage à son mari, a révélé le Süddeutsche Zeitung.

Pour les citoyens Américains, il est très risqué de cacher de l'argent à son conjoint à l'aide de sociétés offshore, note Barry Sziklay, un juricomptable basé dans le New Jersey qui aide ses clients à retrouver les fortunes cachées de leur ex.

Les Américains doivent déclarer leurs actifs à l'étranger auprès du gouvernement, afin de s'acquitter de leurs impôts, explique Sziklay. La loi stipule également qu'ils doivent déclarer tous leurs biens au tribunal dans le cadre d'un divorce. Ceux qui cachent leurs biens à l'étranger ont le choix entre mentir devant un tribunal et assumer les conséquences si la vérité éclate un jour, ou bien admettre qu'ils ont des actifs non-déclarés à l'étranger et s'attirer les foudres du Département de la Justice et du fisc américain.

Les individus fortunés prennent parfois des risques pour cacher leur fortune, explique l'avocat John Slowiaczek, président élu de l' American Academy of Matrimonial Lawyers. D'après Slowiaczek, le divorce entraîne parfois un comportement irrationnel et vindicatif, ce qui explique cette prise de risque.

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« Les caractéristiques qui font parfois qu'un individu est brillant en affaires ne sont pas souvent les caractéristiques d'un bon conjoint, » dit-il. « Ils se disent, j'ai réussi à ne pas me faire attraper jusqu'à présent, pas de raison que cela ne continue pas."

Bien évidemment, il est possible de transférer de l'argent dans des comptes à l'étranger ou de posséder des actifs à l'étranger de manière tout à fait légale. Et il est souvent difficile pour un juge américain d'ordonner à une banque étrangère ou aux autorités de leur remettre des actifs détenus par un client américain. Dans ces cas-là, le tribunal peut ordonner au conjoint qui possède les actifs de remettre lui-même l'argent. Si la personne refuse, elle est passible d'amendes sévères et d'une peine de prison.

« Les gens parlent de la prison comme s'il s'agissait de partir en vacances, » explique Sziklay. « Ce ne sont pas des vacances, en particulier pour les criminels en cravate. On les met en prison et vous seriez surpris de voir à quelle vitesse ils sont brisés. C'est un endroit plutôt effrayant pour un cadre. »


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