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Crime

Des poissons mutants retrouvés dans une rivière après le déraillement d’un train chargé de pétrole brut

Le taux de malformation chez ces poissons est dix fois supérieur à la moyenne. Les scientifiques sont loin d’être surpris.
Photo via the Associated Press/Dave Martin

Deux ans et demi après le déraillement et l'explosion d'un train transportant des milliers de litres de pétrole brut dans la petite ville de Lac-Mégantic, au Québec, les scientifiques commencent à observer des malformations chez les poissons vivant dans les rivières alentour.

Cela a poussé le gouvernement à reconnaître que le pétrole brut est mauvais pour les poissons. Le taux de malformation dans un échantillon testé s'est révélé être dix fois supérieur à la normale.

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Le déraillement en 2013 de ce train de marchandises transportant du pétrole brut en direction d'une raffinerie du New-Brunswick (est du Canada) avait provoqué un incendie tuant 47 personnes dans la ville de Lac-Mégantic, causant une fuite d'environ 98 000 litres de pétrole dans la rivière Chaudière toute proche.

Ces derniers jours on a appris qu'une commission gouvernementale en charge d'étudier cette contamination avait observé des niveaux de malformation « sans précédent » chez les poissons de la rivière Chaudière — qui se déverse ensuite dans les eaux du fleuve Saint-Laurent.

Lac-Mégantic: les poissons de la rivière Chaudière sont déformés — Journal de Montréal (@JdeMontreal)11 Février 2016

Dans le second rapport de cette commission, publié en novembre dernier mais révélé pour la première fois mercredi de la semaine passée par le journal Le Devoir, les scientifiques se sont aperçus que du pétrole était toujours présent dans les sédiments prélevés sur le lit de cette rivière, et que depuis trois ans il y avait une forte hausse de la présence de lésions, d'érosion des nageoires et d'autres malformations chez plusieurs espèces de poissons.

En temps normal, de telles anomalies concernent moins de 5 pour cent des poissons, un taux qui était même inférieur à la moyenne dans la rivière Chaudière en 1994, souligne ce rapport. Mais les poissons de cette rivière ont montré des taux de malformation beaucoup plus élevés dans les années qui ont suivi la fuite d'hydrocarbures — deux échantillons ont par exemple atteint des taux s'élevant à 35 et 47 pour cent d'irrégularités. Cette étude a aussi montré une chute notoire de la biomasse des poissons de cette rivière, c'est-à-dire leur poids collectif.

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« En plus d'être beaucoup plus élevé qu'en 1994, le taux d'anomalies dans la rivière Chaudière en 2014 a dépassé de loin ce qui est généralement observé dans les autres cours d'eau du Québec », indique ce rapport. « Ces taux élevés sont, selon toute vraisemblance, à attribuer à la fuite de pétrole de juillet 2013. »

Même si le pétrole déversé semble toujours affecter les poissons, les eaux de la rivière Chaudière n'en contiennent quasiment plus et l'étendue ainsi que la densité de pétrole dans le lit de cette rivière ont baissé de manière significative depuis 2013.

Dangers pour l'eau potable

L'impact à long terme sur les poissons n'a pas surpris Isabelle Picard, une biologiste aquatique, qui a déclaré que les toxines retrouvées dans les sédiments où naissent les poissons sont une cause majeure de malformation.

Picard estime que ce fort taux de malformation autour de Lac-Mégantic, surtout chez les petits poissons les moins exposés, est un signe de l'impact environnemental persistant et alarmant que représente cette tragédie.

« Quand il y a une fuite, la plupart des gens s'intéressent aux effets à court terme : la qualité de l'eau et combien de poissons meurent », explique-t-elle. « Mais vous devez regarder à long terme. Il y a encore de la contamination là-bas. »

Suite à l'accident de train de 2013, toutes les communautés vivant le long de la rivière Chaudière avaient été forcées de se tourner temporairement vers d'autres sources d'eau potable.

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« Ces dernières années, les quantités de pétrole transitant à travers le Québec ont augmenté », a expliqué à VICE News Sarah Dorner, une chercheuse spécialisée dans la protection des eaux de source à l'École polytechnique de Montréal.

Qu'il s'agisse d'un transport par pipeline ou par voie ferroviaire, les risques existent. Comme dans le cas du Lac-Mégantic, le rail peut potentiellement créer des accidents catastrophiques, mais les dégâts causés par ce moyen de transport sont relativement faibles comparés aux fuites que généreraient les pipelines les plus importants, comme le pipeline « Energy East » qui traverse une grande partie du Canada et devrait bientôt être prolongé pour finalement atteindre 4 600 kilomètres au total.

L'Union des municipalités du Québec, dont Lac-Mégantic fait partie, s'oppose à ce projet, une position qui repose, d'après Sarah Dorner, sur des craintes relatives à la protection des plus grandes réserves d'eau potable de cette province.


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Cet article est d'abord paru sur la version anglophone de VICE News