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Food

De l'art de concilier bar à cocktail et cuisine gastronomique

Chef du restaurant Symbiose à Bordeaux, Félix Clerc explique comment créer des passerelles entre le zinc et les fourneaux.
Alexis Ferenczi
propos rapportés par Alexis Ferenczi
Paris, FR
Toutes les photos via le compte Facebook de Symbiose.

Jeudi 12 juillet, Félix Clerc débarque au Repaire pour cuisiner la lamproie, créature fossile comestible à la tronche un poil flippante. Le jeune chef de Symbiose, restau et bar à cocktail bordelais, raconte à MUNCHIES son installation sur les bords de la Garonne. Il explique aussi pourquoi cultiver son propre potager permet de créer de solides passerelles entre le zinc et les fourneaux.

J’ai des parents qui ont toujours aimé la bouffe. À la maison, on faisait souvent de grandes tablées. Ma mère était dans l’éco-conception et m’a enseigné l’entretien d’un potager ou l’importance des bons produits. Mon père m’emmenait parfois dans des grands restaurants. C’était un peu ma carotte. Une bonne note à l’école ? Un étoilé.

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Tout ça m’a donné envie de faire à manger.

Je suis né à Paris mais j’ai été élevé en Bretagne. J’ai fini par faire un Bac Pro à Saint-Méen-le-Grand puis un BTS cuisine à Saint Nazaire. Le premier m’a permis de bosser dans des petits restaurants, pour me faire la main. Le second d’aller travailler chez Guy Savoy, aux Bouquinistes ou chez Joël Robuchon à L’Atelier.

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Je cite souvent en mentor Hervé Rodriguez, le chef du restaurant MaSa à Boulogne-Billancourt, chez qui j’ai été en apprentissage. Il a une cuisine hyper rockn’roll - d’auteur même si je n’aime pas trop le terme. On y trouve des accords incongrus, des taches dans des assiettes ou du sucré/salé. On est loin du classique. Dès qu’un plat était travaillé deux ou trois semaines et qu’il était maîtrisé, le chef le retirait de la carte. C'était assez stimulant.

De ma formation, je retiens aussi mon expérience anglo-saxonne. J’ai taffé un an à Édimbourg et trois étés à Londres – notamment Au Pied-à-terre, un étoilé extraordinaire, pendant les Jeux Olympiques en 2012. Contrairement aux restaus de l’Hexagone qui sont très « recette française, produit français et chef français », il y a un peu tous les pays représentés en cuisine et donc, dans l’assiette.

Avant d’ouvrir Symbiose, je ne connaissais pas Bordeaux. Avec mes associés (Simon, Lucas et Thomas), on a pris la décision de s’y installer parce qu’à Paris, le marché était saturé. On voulait créer un établissement composé d’un bar à cocktail et il y en avait un nouveau tous les dix jours qui ouvrait dans la capitale à l’époque.

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Dans le coin, je connaissais surtout le vin ou les poissons du bassin d’Arcachon. J’ai découvert aussi un très beau maraîchage.

Quand j’ai débarqué à Bordeaux, j’ai trouvé une scène culinaire étonnamment vide. J’ai mieux compris le surnom « la belle endormie ». Aujourd’hui, on y mange beaucoup mieux. Robuchon, Ramsay et Etchebest ont tous ouvert une adresse. Il y a plein de bons petits restaurants qui sont venus s'ajouter à Miles ou Garopapilles.

Il y a aussi un véritable élan touristique dans la région. Le marché du vin est en pleine effervescence et on voit débarquer de plus en plus d’Américains ou de Chinois. Un des gros avantages de Bordeaux, c'est qu'en moins d’une heure, on peut être à la Dune du Pilat, dans les vignes de Saint-Émilion, au Pays Basque ou au Cap Ferret. Malgré mon goût pour la côte bretonne, je suis obligé de concéder que c’est plutôt sympa.

Les plats et les cocktails de Symbiose via Facebook.

Dans le coin, je connaissais surtout le vin ou les poissons du bassin d’Arcachon. J’ai découvert aussi un très beau maraîchage. On a décidé d’installer notre potager dans les Landes, à Belin-Béliet. Ma mère m’a en partie aidé à le concevoir. Elle travaillait chez une dame d’origine thaïlandaise qui faisait plein d’herbes originales. Aujourd'hui, presque 50 % de nos légumes et 90 % de nos aromates, nos fleurs ou nos jeunes pousses viennent de là.

Ce contrôle du produit est important. C’est quelque chose que l’on voulait absolument chez Symbiose. Être proche des éléments que l’on sert et les connaître. Quand on cuisine la carotte par exemple, on ne la travaille pas de la même manière qu’elle arrive en sachet, avec les fanes en provenance d’un petit producteur ou directement du potager qu’on a semé nous-même. L’approche est différente. On est beaucoup plus amoureux d’elle dans le dernier cas.

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Il y a un échange permanent entre la cuisine et le bar. Si j’ajoute de l’aquavit dans une purée d’artichaut, on peut très bien en prendre une cuillère pour un cocktail.

Ce lien avec le produit se sent aussi dans l’assiette. On le respecte en le travaillant de façon plus brute. Le goût n’en est que plus puissant. C’est ce qu’on cherche, en cuisine et au bar. Des goûts francs. C’est pour ça qu’on a aussi mis des légumes à la carte des cocktails.

Le concept du restaurant, c'est qu'il y a un échange permanent entre la cuisine et le bar. Si j’ajoute de l’aquavit dans une purée d’artichaut, on peut très bien en prendre une cuillère pour un cocktail. On travaille pas mal comme ça. Au lieu de jeter les épluchures de carottes, on les fait infuser. On fait aussi des cocktails avec des poivrons ou de l’aubergine brûlée ou des sirops avec les cosses des petits pois que je mets dans un plat.

Félix Clerc via Facebook.

C’est aussi pour ça qu’on n’a pas de carte fixe. Elle change tous les jours. Deux entrées, une viande, un poisson et deux desserts. Les restes de la veille peuvent être transformés et réutilisés en condiment. Si on met le même poisson et qu’on n’arrive pas à le vendre, on serait obligé de tout balancer au bout de trois jours.

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Ce principe de flexibilité pousse à la création. C’est plus sportif mais du coup, les serveurs découvrent de nouveaux produits, le staff en cuisine cherche de nouvelles idées et le bar travaille des associations entre les spiritueux et les plats.

Au restaurant, on essaie d’avoir une approche de la cuisine assez écologique. Le zéro déchet, c'est par exemple ne pas foutre un légume en l’air parce qu’il fait un peu la gueule. Tout ce qu’on jette termine à Belin-Béliet dans le potager. On garde même les coquilles d’huîtres pour nourrir la terre. L’idée c’est de garder un maximum de chose et le meilleur moyen de remplir l'objectif c’est de tout partager tout. La symbiose, c’est ça aussi.


Symbiose, Old fashioned stories, 4 quai des Chartrons, 33000 Bordeaux.

En marge de la venue de Félix au Repaire, on organise un concours du plus gros mangeur de cannelés le jour-même. Vous pouvez envoyer votre candidature à l'adresse suivante : concours@vice.com.