À l'autre extrémité de cette représentation du passeur, on a vu apparaître depuis quelques mois la figure de Cédric Herrou, héros désintéressé volant au secours des migrants au nom de la nécessité et de la dignité humaine. Celui-ci, condamné à quatre mois de prison avec sursis, ne faisait pas de business sur le dos des personnes à qui il faisait franchir la frontière. Son seul intérêt était, semble-t-il, de pourvoir aux carences de l'État en matière de solidarité.« Plus sage serait de remplacer la figure du passeur par tout un éventail de personnages divers, aux motivations et aux comportements variables » – revue Plein Droit
Schéma de l'organisation des deux filières
STRUCTURE DES RÉSEAUX
INDIVIDUS PRÉSENTS AU PROCÈS
PREMIER RÉSEAU
Depuis 2014, Tara-Bahadur a envoyé un peu plus de 13 000 euros au Népal. Il indique qu'il rembourse sa famille pour un montant de 15 000 euros, somme qu'il a déboursée pour venir en France. Pour se défendre, il indique au tribunal : « Je ne savais pas que c'était illégal. » Le juge le reprend : « Monsieur, quand on fait croire qu'on a un agent à la SNCF qui peut faciliter le passage, c'est qu'on sait qu'il y a quelque chose qui cloche. Arrêtez de raconter n'importe quoi. »Tara-Bahadur : Est-ce que ton frère t'a dit que j'envoie des gens au Portugal ?
Inconnu : Non, il ne me l'a pas dit.
Tara-Bahadur : Je fais ça depuis que je suis arrivé, il y a un an.
Inconnu : J'ai essayé de te contacter la semaine dernière mais je n'ai pas réussi. Du coup, j'ai été voir le Pakistanais, il a envoyé trois personnes.
Tara-Bahadur : Il a demandé combien ?
Inconnu : Cher, au moins 500 ou 600 euros par personne.
Tara-Bahadur : Avec moi, c'est 300 euros maximum. Je te mets dans un train avec que des blancs, des Allemands, des Français, des Espagnols. Il n'y a aucun problème. »
Un gendarme turc a appréhendé un homme suspecté d'être un passeur. Dikili, Turquie, mars 2016. Photo : Umit Bektas/Reuters
SECOND RÉSEAU
En réalité, le migrant de Basan avait cherché un tarif plus avantageux chez la concurrence. N'ayant pu le trouver, il était revenu à son premier choix.Le tribunal a pu prouver que Basan a fait transiter au moins une quarantaine de personnes, sans que son chiffre d'affaires ne puisse être précisé. Pour gérer son travail, il demandait de l'aide à ses deux frères, Yasir et Zahid. Avant de laisser sa place à ses derniers, il précise : « Je reconnais avoir fait ce travail et je m'excuse. Si j'avais de l'argent, je n'habiterais pas dans une pièce de 25 mètres carrés avec mes deux enfants, dont ma fille, malade à cause du plomb. Je ne serais pas resté là si j'avais de l'argent. »Yasir : Frère de Basan, il vivait en colocation avec Zahid, le dernier des trois frères. Il récupérait les clients et les prenait à son domicile en attendant leur acheminement. Pour organiser les voyages, il contactait Attikur – aujourd'hui en fuite –, qui gérait une flotte de chauffeurs. En situation irrégulière, il a été arrêté avec un passeport britannique falsifié.Le passeur : Oui, oui, moi aussi j'organise des départs !
Basan : Vers où ?
Le passeur : Partout : Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Suède…
Basan : D'accord. Tu peux mettre le mien dans la ligne 13 du métro ?
Le passeur : OK, ça marche. Je te donne mon numéro, on en reparle ? J'ai de la marchandise. Si tu me donnes le prix raisonnable, j'ai toujours de la marchandise, on en reparle.