La fête de Souccot se déroule sur une semaine, et commémore l'exil du peuple hébreu dans le désert égyptien. Traditionnellement, les Juifs observant ce rite, l'un des plus importants pour les hassidiques, sont tenus de résider durant sept jours dans une soukka (ou soucca) – une cabane – ou, au minimum, d'y prendre leur repas. En milieu urbain, le rite est forcément plus difficile à suivre, aussi des grandes cabanes sont installées dans les Beth Habad pour permettre aux membres de la communauté d'y manger et de s'y rassembler. Des soukka mobiles – des cabanes installées sur des voitures – sont également conduites à travers la ville, s'arrêtant dans différents quartiers.
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Les prières sont accompagnées du loulav, un bouquet de quatre espèces de plantes sélectionnées avec soin et beaucoup d'exigence, qui se doit d'être porté par les hommes tout au long de la semaine et balancé dans des directions précises lors des prières – une tradition qui se devait d'apporter une année de pluie abondante. Cette fête est partagée entre des moments de grande ferveur, avec de nombreuses cérémonies à la synagogue pour les hommes, et des moments plus festifs le soir, représentant la communion joyeuse avec Dieu, en particulier par le chant et la danse, sur laquelle les Juifs hassidiques insistent particulièrement.
Les Loubavitch font partie du courant hassidique, une branche du judaïsme orthodoxe apparue au XVIIIe siècle en Biélorussie, apparue en réponse à un judaïsme considéré comme trop figé. L'une des facettes principales de ce courant étant le grand respect des traditions et de la Loi juive, à savoir le Talmud et la Torah, cette dernière regroupant pas moins de 613 mitzvot (commandements) qui se doivent d'être appliqués quotidiennement. En France, ils sont environ 40 000, dont une grande majorité en Île-de-France. Et à Paris, ils sont principalement regroupés autour du XIXe arrondissement, notamment vers la rue Petit, véritable épicentre de leur communauté. C'est là qu'on trouve le plus grand Beth Habad de la ville, sorte de centre communautaire où se trouvent la synagogue, l'école, une salle des fêtes…
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La communauté loubavitch parisienne est loin des clichés assez récurrents que l'on peut avoir d'eux – on les confond bien souvent avec les juifs ultraorthodoxes qui suivent une pratique religieuse plus stricte encore. Ils sont loin d'être coupés de la modernité par exemple, et sont même très connectés sur les réseaux sociaux, écoutent la radio ou regardent la télé.Cette fête est l'occasion de se rassembler avec sa famille et ses proches, et intègre une dimension très festive. Des spectacles pour les enfants sont ainsi organisés dans la salle des fêtes ou en extérieur les soirs de la semaine, avec des clowns ou des acrobates et de la musique. Ces « sim'hat beit hashoëva » proviennent d'une ancienne coutume qui célébrait le puisage de l'eau lors de grandes fêtes chantées et dansées. La journée cependant, seuls les hommes se rendent à la synagogue pour prier tandis que les femmes en sont totalement absentes. Cela doit rendre le repas dans les soukkas d'autant plus important, puisqu'il est le seul moment de cette célébration à rassembler hommes, femmes et enfants au sein d'un espace partagé – même lors des spectacles familiaux le soir, les femmes et adolescentes se doivent d'être séparées des hommes.
S'il a d'abord été un peu laborieux d'obtenir des autorisations au début, j'ai finalement réussi à me faire accepter grâce au porte-parole des Loubavitch de France, Haïm Nisenbaum, un homme très respecté dans la communauté, que j'ai joins seulement la veille du premier jour de Souccot. Il m'a autorisée à assister à une première nuit de célébrations, pour finalement m'autoriser le lendemain à rester toute la semaine. Et si certains paraissaient encore méfiants, il me suffisait de mentionner le nom du porte-parole et son accord pour qu'on me laisse travailler sans trop me poser de questions. J'incorpore ce reportage dans un projet plus large, englobant toutes les différentes communautés religieuses présentes à Paris, et je pense que c'est cela qui a convaincu Nisenbaum d'y intégrer les Loubavitch, au même titre que les autres courants du judaïsme ou les autres religions.
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Pour moi, c'est quelque chose d'assez fascinant de voir de quelle manière la religion régit ou articule la vie des gens, et la manière dont elle organise différentes communautés autour d'elle, notamment en France, où la laïcité est plus que jamais au coeur des débats tandis qu'on assiste en parallèle à un renouveau du religieux dans la société.Ce reportage, réalisé en octobre 2016, s'inscrit dans le cadre du projet au long cours « The weight of silence », traitant des célébrations religieuses à Paris et sa région.
Chloe Sharrock est membre de l'agence Ciric. Vous pouvez retrouver son travail sur son site.